- SÃO FOOT
- SO FOOT 100% BRÉSIL
Les plus grands maillots de l’histoire sur son bureau
Dans un pays où, à chaque Mondial, remplir son album panini et échanger ses vignettes au travail est une tradition, l'idée de Christian Gama ne pouvait que plaire. Ce Carioca d'une quarantaine d'années a créé les Shirtpapers, des maillots en papier qu'il vend sur internet. La tunique de Basile Boli en 93, celle de Platini à Saint-Étienne, Zidane en 98 et bien d'autres, il suffit de lui demander et Christian vous confectionne une pièce unique de votre maillot préféré. Et ça marche, il a même lâché son boulot pour s'y consacrer à plein temps !
Dans la banlieue nord de Rio de Janeiro, Belford Roxo est une ville plus habituée à la rubrique faits divers des différents journaux locaux qu’aux success storys comme celle du Shirtpaper. Si la zone sud, la principale région touristique (Ipanema, Copacabana, Corcovado…), a été « nettoyée » , c’est loin d’être le cas des villes au nord de Rio qui ont vu arriver tout le banditisme des favelas du Sud. Malgré tout, c’est ici que Christian Gama vit et qu’il a créé ces Shirtpapers.
Tout amateur de foot à un maillot qui l’a marqué et qui lui rappelle de bons ou de mauvais souvenirs. Accroc de maquette en papier et de foot, Christian Gama a souhaité allier ses deux passions. En décembre dernier, il tente le coup en réalisant son premier maillot, particulièrement marquant pour lui : celui de la Seleção de 94, la première fois qu’il voit son pays devenir champion du monde. Sur le dos, il choisit d’inscrire le numéro de son joueur préféré de l’époque, le 6 de Roberto Carlos, et de dessiner les 4 étoiles au-dessus de l’écusson de la CBF. Un de ses potes flamenguista voit son travail et le supplie de lui en faire deux : un de Zico et l’autre de Romário, en rubronegro bien sûr. Christian se prend au jeu et multiplie ses maillots, commençant à former sa collection. Il décide de les exposer et de créer un blog. Il leur donne alors le nom de Shirtpaper. Les gens s’enthousiasment et certains essayent même de l’imiter en suivant les tutos mis à disposition par Christian. Mais la grande majorité n’obtient pas le même rendu que le créateur et préfère passer par lui, la commercialisation commence. Les plus gros médias s’y intéressent et là, explosion. Les commandes grouillent des quatre coins du pays et même de l’étranger. 2 mois après le premier Shirtpaper, en février dernier, Christian démissionne de son boulot de conseiller d’assurance, dépose le nom Shirtpaper et essaye aujourd’hui d’en vivre. À 347 maillots, il s’est donné l’objectif d’atteindre « au minimum » les mille. Au pays de Pelé, ce chiffre est plutôt commun. La puissante Globo, qui est sur tous les gros coups, lui fait signer un contrat d’exclusivité pour le Mondial. Les différents médias du groupe vont utiliser son travail pour des infographies ou des décors. Le site globoesporte.com publie même ses tutos, tous les maillots des sélections participant au Mondial sont disponibles. De son côté, le malin Christian Gama lie l’utile à l’agréable et a créé une section dans son blog qui n’a rien à voir avec le foot. Un peu quand même. Les Muses Shirtpaper, de belles plantes supportrices de tel ou tel club qui posent en petite tenue et qui lui accorde une interview. Voici le tutoriel pour le maillot de la France, à vos ciseaux !
Taffarel, Papin et Juninho sur son bureau
Chaque maillot a son histoire et, parfois, il rappelle de mauvais souvenirs, mais les commandes doivent être réalisées et envoyées : « Il y a celui de Petković de Flamengo, que j’ai fait avec très peu d’envie, vraiment… Mais il y en a un autre que j’ai fait avec rage, c’est celui-ci (il montre le maillot de l’Uruguay de 1950, champion du monde au Brésil). On perd chez nous… Mon grand-père était au Maracanã et il me racontait souvent cette finale. J’ai qu’une envie, c’est de l’écraser » , raconte-t-il. En plus de les vendre, Christian est surtout un collectionneur. Il s’est fabriqué tous les Shirtpapers de la Seleção, même le premier maillot de l’histoire auriverde que l’on remarque tout de suite dans sa collection jaune, puisqu’il est blanc. Il a aussi ses préférés. « Je suis supporter du Vasco, alors celui-ci, signé par Juninho, est vraiment spécial. Sinon, celui que j’ai préféré faire, c’est celui de Taffarel de 1994. C’était la première fois que je voyais le Brésil champion du monde. J’ai mis presque une heure à le faire, entre le dessin et le collage. C’est l’un des plus beaux de ma collection. » Alors que les emblèmes du Vasco da Gama sont omniprésents chez lui, on remarque plusieurs Shirtpapers du Flamengo, grand rival des Cruzmaltinos : « On est rivaux, mais pas ennemis, on se respecte. J’ai d’ailleurs eu le grand honneur d’avoir eu les Shirtpapers de Zico et de Júlio César signés. Malgré le fait que l’on soit adversaires, leur qualité vaut bien un hommage aussi. » Figurez-vous que plusieurs emblèmes français font partie de la fameuse collection : le maillot de Papin avec l’OM en 92, celui de Juninho avec l’OL, d’Ibra cette saison avec le PSG, des Bleus version 98 avec Laurent Blanc et version 2014 avec Benzema. Mais Christian aime aussi l’originalité et se donne le challenge de trouver tous les maillots qu’on lui demande de faire : « Une seule fois, je n’ai pas trouvé le maillot qu’un client m’a demandé. J’ai passé des heures sur internet, sans succès. Un club indigène, le Paêkeute, je sais plus quoi… Je crois que le mec se foutait de ma gueule. » Vous nous voyez venir… Nous aussi, on s’est prêté au jeu.
Imprimé militaire et les montagnes d’Évian
Avant de rejoindre Christian Gama chez lui, nous lui avons demandé de nous confectionner plusieurs maillots. Les plus horribles ayant été portés ses dernières années en Ligue 1 (ndlr, ce n’est pas du tout objectif). Les Élus : Bastia 2013/ 2014 et son imprimé militaire, Évian Thonon Gaillard 2012/ 2013 et sa pluie de montagne et Auxerre 2010/ 2011, pas de mot pour le décrire. Pourtant, si, pour nous, c’est largement les Bourguignons qui remportent la palme, Christian n’est pas de notre avis. « Je pense que celui d’Evian est le plus moche que l’on m’a demandé de faire. Mais c’est intéressant de l’avoir, parce qu’il est différent. Pour un collectionneur, c’est toujours sympa d’avoir ce genre de pièces » , assure-t-il.
Pour finir et pour vous montrer comment Christian Gama réalise ses Shirtpapers, on n’a pas pu résister à l’envie de lui faire une commande perso : le maillot d’Eusébio à Benfica en 1962, année de la victoire en Champions League contre le Real. Bon, le résultat est pas top, on lui en veut pas, il n’avait pas trop le temps de s’appliquer…
Par Gary De Jesus à Rio