- 6 mai
- Jour de l'orgue
Les pieds de Dieu
Depuis 2007, le Centro Sportivo Italiano organise chaque année à Rome la Clericus Cup. Cette Coupe du monde des prêtres regroupe chaque année des centaines de religieux amateurs de football du monde entier. Et en 2015, c'est le PSG qui représentait la France.
« Relancer la tradition du sport dans la communauté chrétienne » , voilà l’objectif de la Clericus Cup, fièrement affiché sur son site internet officiel. À l’origine de cette compétition sacrée, l’ancien cardinal secrétaire d’État du Saint-Siège, Tarcisio Bertone, adorateur devant l’Éternel du ballon rond. Aujourd’hui cardinal-évêque de Frascati, il a laissé derrière lui un tournoi qui regroupe chaque année de plus en plus d’équipes, qui viennent de plus en plus de séminaires. En 2015, elles étaient seize, réparties dans quatre poules de quatre. Le 7 mars dernier, les arbitres ont donné le coup d’envoi de la première journée de compétition. Absents de la compétition l’année passée, les joueurs du séminaire pontifical français de Rome, le Pontifico Seminario Gallico, ont hérité d’une poule plus que relevée, dans laquelle évoluait notamment le collège pontifical nord-américain, champion en titre.
Oh when the Saints…
Le père Jean-François Audrin, qui se définit lui-même comme « le vieux de l’équipe » , est formateur au séminaire français. « Nous vivons dans une maison avec 45 jeunes et cinq formateurs. Ce sont donc des jeunes qui se préparent à devenir prêtres. Les évêques envoient quelques-uns de leurs gars ici à Rome pour qu’ils soient formés. Sur tous ces jeunes, il y en a beaucoup qui font du sport toute l’année » , explique-t-il. Forcément, l’idée d’une équipe de football apparaît alors comme une évidence. D’autant qu’en Italie, les religieux ont moins de mal à trouver des infrastructures sur lesquelles s’entraîner qu’en France. « L’avantage, c’est qu’ici en Italie, contrairement à ce qu’on peut trouver en France, les paroisses ont gardé des terrains de football. C’est ce qu’on appelait les patronages chez nous, autrefois » , raconte le père Audrain. Malgré un bon entraînement, les joueurs du PSG n’ont pas fait long feu lors de la Clericus Cup. Une déconvenue qui s’explique en fait assez facilement.
« Dans notre maison, on a plutôt des intellectuels que des footeux ! » plaisante le père Audrin. Cet écart de niveau avec les prêtres brésiliens et américains s’explique d’abord par un manque de régularité. L’année dernière, le PSG n’avait effectivement pas participé à la Coupe du monde des prêtres. Les séminaristes français étaient occupés ailleurs, comme l’explique leur formateur : « L’année passée, nous n’avons pas participé parce que nous étions investis sur une pièce de théâtre, tout autre chose. » En 2015, les Français se battent donc avec leurs armes. Résultat : trois matchs, trois défaites et quinze buts encaissés. Pourtant, malgré ce parcours compliqué et la défaite six buts à zéro en ouverture de la compétition, tout n’est pas à jeter pour les Frenchies. « Contre l’équipe la plus forte en revanche, les Américains, on a bien résisté, on était contents. On a dû perdre d’un seul but, une vraie fierté » , se rappelle Jean-François Audrin. D’autant qu’ « il y a des écarts de niveau parce qu’il y a des maisons avec beaucoup plus de monde, et que c’est plus simple pour elles de trouver des joueurs. » Serait-ce de la mauvaise foi ? Mon Dieu…
Le sacrifice de soi est la condition de la vertu
Au-delà de cette compétition insolite, le football et la religion partagent, semble-t-il, énormément de points communs. « Quelque part, tous les sports et toutes les compétitions ont de vraies similitudes avec la religion. Ça demande une sortie de soi, une certaine discipline, puisqu’on n’a rien sans rien » , théorise le père Audrain, qui est également un passionné de moto GP. « Il faut répéter, répéter le même geste pour le maîtriser et le réaliser parfaitement. C’est la définition même de la vertu. Et puis, ça nous enseigne qu’il ne faut pas vivre centré sur soi, mais travailler avec les autres. C’est le génie de la Clericus Cup ! » Et, même si on imagine plus facilement les séminaristes enfermés, occupés à prier pendant le plus clair de leur temps, eux aussi ont le droit de décompresser balle au pied. « C’est très convivial, il y a des gens du monde entier qui viennent. Pour gagner, il faut jouer ensemble et s’ouvrir aux autres. On lutte contre toute discrimination, toute fermeture » , se réjouit le père biker.
La Clericus Cup, c’est également l’occasion d’entendre des petites anecdotes inédites. Sollicité par les séminaristes français il y a quelques années, le Paris Saint-Germain avait, par exemple, sponsorisé son homonyme religieux. « Une année, ils avaient demandé au Paris Saint-Germain de sponsoriser leur équipe. Et le club avait offert des T-shirts ! » , raconte le père Audrain, depuis Rome. De plus, qui ne serait pas curieux de voir jouer le père le plus « Cloclo » du monde ? « Notre gardien, Claude François, était très bon avant de se blesser. On a vu la différence quand on l’a perdu… » regrette Jean-François. Éliminés en tout début de compétition, nul doute que les séminaristes du PSG suivront avec attention la fin de la compétition. Leur formateur, lui, tient à bénir le club de son cœur : « Moi, je suis breton, je suis un peu chauvin, comme tout le monde, alors je soutiens le FC Lorient. Ce n’est pas l’équipe qui brille le plus, malheureusement, mais n’encourager que les meilleurs, ce ne serait pas drôle ! » Enfin, même s’il suit le chemin de Dieu, Jean-François Audrin n’a pas pu prédire le score de la demi-finale de Ligue des champions entre la Juventus et le Real. « Je crains que Madrid l’emporte trois buts à un. Vous me payez une bière si j’ai raison ? » Une prochaine fois, peut-être.
Par Gabriel Cnudde