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Les Perruches sous pavillon chinois
Réduits à un rôle de faire-valoir de leur omnipotent voisin, les Pericos espèrent des lendemains meilleurs grâce au rachat du club par le Rastar Group. Un optimisme retrouvé qui renforce une tendance en Liga : celle d’ouvrir ses portes aux capitaux chinois.
L’estadio Cornellà-El Prat se lasse. Qu’ils soient sur le territoire de Cornellà de Llobregat ou sur les parcelles de terrain d’El Prat de Llobregat, les aficionados de l’Espanyol assistent à un triste spectacle devenu redondant. Avec un nouveau set encaissé face au Real Madrid dès la troisième journée, les Pericos rangent leur ambition aux vestiaires. Une habitude qu’ils traînent depuis toujours, ou presque. Leur armoire à trophées, garnie de quatre petites Coupes du Roi, raconte à sa façon une certaine idée de la lose à la sauce catalane. À tel point que toute bonne perruche se contente de peu, à l’image d’une soirée de juin 2007 lorsque Raúl Tamudo arrache une égalisation homérique dans un Camp Nou circonspect, qui perd par là même la Liga. Les premiers jours de novembre tendent pourtant à inverser les aspirations de l’Espanyol. Et pour cause : après avoir raflé 45,1% des actions du club, l’entreprise chinoise Rastar Group en prend les commandes. Un nouvel actionnaire majoritaire qui, en plus d’assainir les finances blanquiazules, espère « faire sa place entre les quatre ou cinq premiers clubs d’Espagne » , dixit Sánchez Llibre, désormais ancien propriétaire de l’Espanyol.
Des voitures télécommandées au pré barcelonais
Loin des Ramblas et des plages de la capitale catalane, le Rastar Group trouve racine à Shantou, sous-préfecture de la province de Canton, dans le Sud-Est du pays. Au sein de cette ville de plus de cinq millions d’âmes, l’entreprise gérée par Chen Yansheng fait travailler plus de 10 000 personnes depuis 1995. Une réussite, aujourd’hui estimée à plus de trois milliards de dollars, qui découle de sa production de voitures télécommandées, son développement de jeux vidéos et sa production audiovisuelle. Pas de quoi rassasier l’appétit du señor Yansheng, prompt à « sceller un accord pour aider à l’extension de son activité de divertissement interactif dans le secteur du sport » , selon les dires du communiqué de l’entreprise. Depuis ce 3 novembre dernier, et un investissement de 45 millions d’euros, cet accord est effectif. De ce total, 14 millions d’euros sont alloués au rachat du club, tandis que le reste, de 31 millions, sera utilisé pour assainir les finances du club puis, dans un second temps, investit dans le projet sportif. Une bénédiction pour l’ancienne direction, emmenée par deux hommes d’affaires catalans, Ramon Condal et Sánchez Llibre.
« À la vue de la dissuasion du club, il était difficile de dire non à un tel investisseur, raconte ce dernier lors d’une conférence de presse de circonstance. Désormais, nous n’allons plus dépenser de l’argent en intérêts et en retard de paiement. » Salvatrice, cette bouffée d’argent frais va permettre de progressivement résorber une dette de 134 millions d’euros. Un boulet économique, traîné par l’Espanyol depuis des années, qui plombe toute ambition sportive. Chen Yansheng promet, lui, de faire des Pericos « une puissance du football espagnol » . Pour ce, il s’attèle avant tout à maintenir une stabilité dans l’organigramme. Bien que vendeurs d’une grande partie de leurs parts, Llibre et Condal restent membres du conseil d’administration du club. Idem, le président Joan Collet « restera en place jusqu’à la prochaine assemblée des actionnaires » , assure le même ancien propriétaire de l’Espanyol. Cette dite assemblée, prévue pour le 22 décembre prochain, devrait, selon les informations de As, faire de Josep Collet, frère de et actuel député catalan, le prochain président du RCD Espanyol. En somme, un trait d’union entre nouveaux et anciens actionnaires.
Atlético, Rayo et Valence : symboles de l’union sino-espagnole
Nouvelle réjouissante pour les supporters des Perruches, cette prise de contrôle de l’Espanyol s’inscrit dans une tendance du football espagnol : celle d’ouvrir ses clubs de Liga aux capitaux asiatiques et, plus précisément, chinois. Depuis bientôt deux saisons, les investisseurs de l’Empire du Milieu ne cessent de mettre le grappin sur des pensionnaires de Primera. Au premier accord du Rayo Vallecano avec l’entreprise Qbao succèdent les acquisitions du fanion ché par le milliardaire de Singapour Peter Lim et de 20% de l’Atlético de Madrid par le richissime Wang Jianlin. Dans cette alliance sino-espagnole, les deux parties trouvent leur compte : la Chine, par ces investissements, prend un rôle prépondérant dans le panorama outre-Pyrénées, tandis que les clubs de Liga renflouent leurs caisses pour faire face aux mirobolants droits télévisuels anglais. Javier Tebas, président de la LFP, se déplaçait ainsi en Chine en août dernier pour sceller de nouveaux accords économiques. Autant d’arguments jugés suffisants pour faire passer, pour la première fois dans une histoire de 115 ans, l’Espanyol entre des mains étrangères.
Par Robin Delorme, à Madrid