- Coupe des Pays-Bas
Les Pays-Bas coupés en deux
Pour la première fois depuis 1983, la finale de la coupe néerlandaise sera jouée en deux parties, avec un match aller programmé ce dimanche. La raison : cette rencontre décisive marque les retrouvailles de l'Ajax Amsterdam et du Feyenoord Rotterdam, dont les affrontements sont mis sous surveillance depuis les violences de 2009. Une situation qui nous rappelle quelque chose.
Faites marcher votre imagination deux minutes (ou deux secondes, si c’est trop demander). Pensez à un Jean-Pierre Escalettes, tranquillement installé dans son bureau du boulevard de Grenelle, apprenant que la finale de la Coupe de France 2010 se jouera entre le PSG et l’OM. Après les deux clasicos houleux disputés par les deux clubs cette saison, c’est un coup à nous le faire claquer entre les doigts. C’est ce qu’a vécu son homologue Henk Kesler, directeur de la KNVB (fédération néerlandaise), lorsque le Feyenoord Rotterdam a battu le FC Twente (2-1) et l’Ajax Amsterdam atomisé le club de deuxième division Go Ahead Eagles (6-0) en demi-finales de Coupe des Pays-Bas.
Un mort en 1997
La rivalité entre Feyenoord et Ajax est sans doute encore bien plus forte que celle qui oppose Marseillais et Parisiens, ou Parisiens et Parisiens. Elle a débuté dès 1921 sur une pauvre histoire de ballon qui n’avait pas franchi la ligne et n’a pas cessé de s’envenimer avec les années, alimentée par la domination partagée des deux équipes sur l’Eredivisie (43 titres à eux deux). Avec l’arrivée du hooliganisme dans le pays au milieu des années 70, cette inimitié a pris un tour carrément violent. Exemples significatifs : en 1989, les cinglés de Rotterdam balancent des bombes sur leurs ennemis à l’intérieur du stade et, en 1997, une fight organisée dans un pré au nord d’Amsterdam (la “bataille de Beverwijk”) envoie un hool de l’Ajax au cimetière, bien avant Yann Lorence.
Désemparées face à cette frénésie, les autorités n’ont pas été capables de l’enrayer, jusqu’à cette goutte d’eau : le 15 février 2009, des pierres et des canettes arrosent les supporters de Rotterdam en visite à Amsterdam. Les maires des deux villes enjoignent à la fédération de prendre des mesures drastiques. La raison de ce déclic politique n’est sans doute pas fortuite : tout comme la France qui veut éradiquer la violence en vue de sa candidature à l’organisation de l’Euro 2016, les Pays-Bas aimeraient bien se donner une bonne image avant de se proposer pour la Coupe du Monde 2018. En Ligue 1, on décide de suspendre les déplacements des supporters parisiens pour éviter les affrontements Auteuil/Boulogne : les Néerlandais avaient joué dans le même registre. Pour cinq ans minimum, les supporters visiteurs sont interdits de Klassieker, sans discussion possible. Le bilan de la première saison est plutôt positif, sans incident notable.
Un million d’euros pour la sécurité
En revanche, l’annonce des retrouvailles entre les deux meilleurs ennemis en finale de coupe a posé un gros problème aux instances. Comme tous les ans, ce match décisif devait se dérouler au Kuip, à Rotterdam. Un temps envisagée, la solution d’un déplacement du match dans une autre ville n’a pas convaincu les autorités, n’y voyant qu’une façon de transplanter la mauvaise herbe sans la neutraliser. C’est que les estimations du coût du dispositif de sécurité ont de quoi foutre les jetons aux bons citoyens qui paient leurs impôts. Brigades anti-émeutes, hélicoptères pour escorter les trains de supporters, interdiction de la vente de billets aux personnes “neutres”, le tout pour une addition d’un million d’euros, cela a de quoi refroidir. Et n’allez pas expliquer aux autorités que les hooligans ont eu un an pour se calmer. Sur un site de fans de l’Ajax, on pouvait déjà voir un montage montrant une photo de Rotterdam après le bombardement de 1940, ornée de l’inscription “Dimanche sanglant : 25/04/2010. Toute cette ville pourrie doit être exterminée à nouveau. Bombes sur Rotterdam”. Encourageant.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour la finale de la Coupe de France, Auteuil et Boulogne seront séparés dès le RER. Aux Pays-Bas, la KNVB, sous pression, a finalement accepté d’organiser une finale en deux manches : match aller ce dimanche 25 avril à l’Amsterdam ArenA, retour le jeudi 6 mai à De Kuip. Évidemment, les déplacements de supporters sont interdits, comme en championnat, une décision qui permettra certainement d’éviter les bastons autour de cette finale, mais qui ne pourra pas empêcher l’indéfectible haine entre les deux clubs de s’exprimer. Samedi dernier, 150 supporters du Feyenoord se sont pointés au centre d’entrainement du club pour demander à leurs joueurs de… perdre contre le FC Twente, à la lutte avec l’Ajax pour le titre en championnat.
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