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Les parcages visiteurs en voie de dispersion ?
Le président du Stade lavallois, Laurent Lairy, a fait une proposition en début de semaine pour lutter contre la violence dans les stades : en finir avec les parcages visiteurs. Mais que vaut son envie de disperser les supporters visiteurs en tribunes ? Réponse avec les intéressés.
Plutôt que rester les bras croisés, certains ont le mérite de se creuser – un peu – la tête. C’est dans les colonnes de Ouest-France que Laurent Lairy a formulé lundi son idée pour diminuer les faits de violences en tribunes : « J’aimerais qu’on enlève les parcages et qu’on essaie de disperser les supporters. Je pense que le parcage ne fait que rajouter de la violence à l’excitation. Je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas dans le foot, alors que ça marche partout ailleurs. » De quoi lancer le débat sur le bien-fondé de cette idée, sa potentielle efficacité, et questionner aussi le fond.
Une barrière à faire tomber ?
Il fallait alors que Laurent Lairy précise son idée. « Aujourd’hui on a une effervescence de violence dans les stades qui m’inquiète. Ce que j’observe, c’est qu’on a parqué les gens dans des endroits à risque, avec des masses de personnes qui arrivent au stade avec parfois la volonté d’en découdre, développe-t-il. Et l’humain, j’observe que quand on le parque, et qu’on ouvre les portes, il se lâche et on se retrouve avec des affrontements réguliers. » La logique derrière cette idée : disperser les supporters visiteurs en tribunes permettrait selon lui de mieux les contrôler et d’éviter trop de débordements. Pour le président du Stade lavallois, le but est d’éviter « une concentration de masse, où dès qu’il y a une étincelle, ça crée des réactions disproportionnées ». Un peu comme dans une salle de classe où un professeur choisirait de mettre les élèves turbulents aux quatre coins de la classe plutôt que de les laisser s’écharper sur les rangs du fond.
Un point de vue que ne partage pas Patrick Mignon, sociologue du sport, coauteur du Livre vert sur le supportérisme : « Si on rentre dans la logique de la dispersion des supporters, ça veut dire qu’il faut dissocier et répartir les gens de manière à éviter les débordements, c’est-à-dire les prises de parti véhémentes, à l’égard du club adverse et des supporters adverses. Le risque de la dispersion peut aussi être la prolifération de foyers dans lesquels vous aurez des incidents. » Comme le sociologue le rappelle, la logique derrière le placement des ultras en virage est, pour les forces de l’ordre, de savoir exactement où sont placés les groupes antagonistes. Il est ainsi plus facile de maintenir l’ordre et d’éviter de possibles failles sécuritaires. Et quand bien même la dispersion permettrait d’éviter les débordements des visiteurs, qu’en est-il des locaux ? Le président de Laval le concède lui-même, ses ultras « ne sont pas prêts à ne plus se déplacer en groupe, ils se disent qu’ils peuvent être victimes de violence ».
Difficile alors d’imaginer que la mise en place d’une telle initiative réglerait le problème des agressions multiples commises et subies par les supporters. Faire exploser les groupes suppose que les violences hors du stade pourraient diminuer, car moins de rassemblements auraient lieu. Mais c’est une réglementation supplémentaire dans « la surenchère réglementaire » évoquée par Laurent Lairy, et dont les fans sont victimes depuis le début de la saison. Il le souligne, le moratoire sur les supporters et les autres interdictions « ne règlent pas le problème ». Patrick Mignon le rejoint sur ce point, expliquant que « les mesures qu’on prend n’ont de valeur que si elles renvoient à des engagements pris par les différents acteurs ». Les interdictions quasi systématiques de déplacement lors du mois de décembre répondaient à un événement grave – la mort d’un supporter nantais lors de la réception de Nice – en mettant tous les supporters dans le même panier, et pénalisant des personnes n’ayant rien demandé.
Les racines du mal
De fait, Laurent Lairy et Patrick Mignon s’accordent sur un point essentiel : il faut que les acteurs du football se mettent autour d’une table et discutent pour régler les problèmes qui touchent ce sport. Outre la dispersion des visiteurs, le président lavallois appelle à une plus large utilisation de la pédagogie auprès des supporters et à arrêter de les considérer comme des ennemis : « Être dans la défiance, ça fait qu’à la moindre étincelle ça part dans tous les sens. » Le mal est profond et, d’après le sociologue, vient du fait qu’en France, « on n’a pas de politique qui définisse ce que le football est pour la société française », quelque chose qui existe en Allemagne par exemple.
Disperser les supporters visiteurs serait plus une manière d’évacuer le problème que de le régler. Patrick Voisin le dit bien, « la négociation avec les supporters s’accompagne d’une mise en ordre, de quelque chose qui relève du Code pénal ». Ce mélange entre pédagogie, discussion et répression, il l’évoquait déjà dans Le Livre vert du supportérisme en 2010, coécrit avec Nicolas Hourcade et Ludovic Lestrelin. Treize ans plus tard, les tares sont toujours les mêmes, et les instances – le gouvernement comme la LFP – continuent de s’enfermer dans une spirale répressive. Qui, elle, ne peut pas être une réponse à long terme.
Grenoble profite des erreurs messines, Laval se fait peur et Martigues coulePar Corentin Delorme
Tous propos recueillis par Corentin Delorme sauf mention.