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​Les nerfs à vif

Par Mathieu Faure
8 minutes
​Les nerfs à vif

Nice-Bastia, c’est le derby de Méditerranée le plus chaud. Car les deux équipes ne s’apprécient guère, les supporters, n’en parlons pas, et la dernière rencontre entre les deux équipes à Nice avait donné lieu à un sacré bordel.

Que s’est-il passé l’an dernier ?

On jouait la 10e journée, et le SC Bastia, alors 19e de Ligue 1, était venu s’imposer 1-0 à l’Allianz Arena. Un match moyen, âpre, solide, et dont les seuls souvenirs visibles restent le bordel de l’après-match. Alors que le préfet des Alpes-Maritimes avait eu la bonne idée d’interdire « le port, la détention et l’utilisation de tout objet ou vêtement à l’effigie de la Corse ou d’un club sportif corse » . Un arrêté finalement considéré comme irrecevable, l’État ayant été condamné à verser 500 euros au SCB en guise de dédommagement. Bref, le décor était planté. Alors, quand Bastia l’emporte, Jean-Louis Leca, gardien remplaçant bastiais, célèbre la victoire des siens dans le rond central… un drapeau corse à la main. Une provocation pour les supporters niçois qui ont immédiatement envahi la pelouse avec un bordel monstre. Moralité, quatre interpellés et de vives explications sur le terrain entre Leca et Digard, alors capitaine du Gym. Le Niçois s’en était d’ailleurs expliqué immédiatement après la rencontre. « La provocation, c’est le plus petit mot qu’on puisse utiliser avec un comportement pareil. Nos supporters étaient irréprochables, même chose pour l’ambiance sur le terrain : pas d’animosité, pas d’excès d’engagement, l’arbitre a bien géré le match. Donc même si on avait perdu, il n’y avait pas de souci extérieur et il a tout gâché. Il ne me dit rien : quand je le vois agiter son drapeau, que je vois les supporters commencer à chauffer, je veux le faire sortir, et il n’est pas du tout d’accord avec ça, il a bien envie que tout le monde le voit. Qui plus est face à la brigade, donc si ce n’est pas de la provocation… Tout le monde a vite pris conscience de la situation, qu’il avait fait un geste très stupide et tout gâché au niveau de l’ambiance. Et je pense qu’il a eu ce qu’il voulait. » Du côté corse, on nie toute provocation. « C’était juste par rapport à l’arrêté, et non pour provoquer » , lâchera François-Joseph Modesto dans les couloirs de l’Allianz. Le match suivant, à Furiani, tout le stade accueillera ses « héros » avec le drapeau corse. Même en tribune de presse.

Où en sont les protagonistes ?

Beaucoup de choses ont changé depuis le 19 octobre 2014. Claude Makelele, alors entraîneur de Bastia, n’est plus coach du tout. Il est devenu le bras droit de Vadim Vasilyev du côté de l’AS Monaco. Didier Digard, lui, a quitté la Côte d’Azur. En fin de contrat, il a rejoint le Betis Séville cet été. Jean-Louis Leca a pris du grade, puisque le portier est devenu titulaire depuis le départ d’Alphonse Areola. Enfin, il y a aussi Alexy Bosetti, pur produit niçois et véritable catalyseur de haine du côté des amoureux du Sporting. Hué à chaque fois qu’il touchait la balle (il avait joué 80 minutes), le champion du monde U20 2013 a lui aussi pris du recul avec Nice. D’abord prêté à Tours, en Ligue 2, en début de saison, l’attaquant a finalement opté pour le club norvégien de Sarpsborg 08 en janvier dernier. Mais comme l’an dernier, la préfecture des Alpes-Maritimes a mis son grain de sel dans le match du jour. Ce vendredi soir, il n’y aura pas de supporters bastiais en parcage visiteurs. Une interdiction de déplacement de plus.

Une rivalité bouillante

Entre Nice et Bastia, une haine viscérale. Surtout entre les deux franges de supporters. Dans le milieu ultra, la vidéo du déplacement niçois à Bastia, au milieu des années 2000, a fait le tour de la toile. On y voit l’arrivée du ferry en provenance de Nice, avec le contingent niçois à son bord et, au loin, sur le port de Bastia, plusieurs centaines de Bastiais en guise d’accueil. La suite est mythique. Répartis dans plusieurs bus et escortés par la police, les Niçois vont tomber dans un guet-apens sur le port. Les véhicules vont être arrêtés en pleine circulation, en plein jour. Bombes agricoles, pétards, fumigènes, vitres brisées, les images sont impressionnantes et témoignent de la vraie rivalité qui existe entre les deux clubs. Une rivalité qui a connu des épisodes marquants, à commencer par ce dimanche sanglant de novembre 1972. À la suite d’un banal accrochage entre le portier bastiais Pantelić et l’attaquant niçois Van Dijk au stade du Ray, le secteur visiteur s’embrase. Au sens propre comme au figuré. Le grillage cède, les bancs en bois volent, les bombes agricoles giflent les tympans, et les CRS dérouillent. Dans le parcage, beaucoup de jeunes étudiants corses de Nice. Ils sont pointés du doigt. Le début de 40 ans de haine qui vont connaître, au fil des ans, des petites secousses. 1976, 8e de finale de la Coupe de France. À l’époque, les matchs se déroulaient sur deux rencontres. À l’aller, à Nice, certains Niçois jouent des coudes avec les Corses. Le retour s’annonce bouillant…

Durant l’échauffement, les Azuréens servent de cibles. Douis et Katalinski sont touchés au crâne par des pierres. Ils ne reviendront pas sur le terrain. Nice débute le match à dix. Dominique Baratelli, le portier du Gym, passera son match dans le rond central, loin des projectiles. Bastia l’emporte 4-0 mais la FFF, face aux incidents, annule le score et le match. Jean-Nöel Huck, fantastique joueur du Gym, a la mauvaise idée de dire « Je n’irai plus jouer en Corse » . Dans la foulée, son magasin de fringues « Huck-Store » part en fumée. La tension est telle que le maire de Nice, Jacques Médecin, demande fermement aux dirigeants de l’OGC Nice de ne pas disputer le troisième match sur terrain neutre. Requête acceptée, Bastia est qualifié. Et même quand les deux équipes ne jouent pas l’une contre l’autre, la rivalité est présente. Comme en 2011 où des incidents éclatent sur le port de Nice quand des supporters bastiais débarquent pour assister à un match de National contre Fréjus. À la descente du bateau, des Niçois les attendaient… Enfin, difficile de parler de rivalité entre Nice et Bastia sans évoquer Alexy Bosetti. Lors d’un match disputé à Furiani en 2013, l’histoire raconte que l’attaquant aurait montré au banc niçois une banderole « Pas de match le 5 mai » avant de mimer une chute. C’est en tout cas la version du collectif des victimes du 5 mai 1992, en rapport avec le drame de Furiani, qui avait immédiatement exigé des excuses publiques du joueur. Le joueur s’était alors fendu d’un communiqué expliquant son geste : « En aucun cas, mon geste ne doit être interprété comme un mépris des vies perdues à Furiani. Pris hors contexte, on peut faire dire tout et n’importe quoi à un geste. Et dans ce cas, surtout n’importe quoi. Quand on m’insulte, je regarde et m’adresse à un groupe de supporters. À aucun moment, je ne fais référence à la catastrophe de Furiani. » Bref, un match entre Nice et Bastia est toujours et sera toujours chaud.

Bastia à fleur de peau

Outre l’absence de supporters à Nice ce vendredi soir, le Sporting connaît un début d’année 2016 très compliqué. Dernièrement, le club a été secoué par les tragiques incidents qui se sont déroulés en marge de la rencontre Reims-Bastia. Lors de graves échanges avec la police, un jeune supporter corse, Maxime Beux, étudiant à Corte, a perdu un œil à la suite de tirs de flashball. Ce n’est pas la première fois qu’un supporter de football perd un œil à la suite d’un tir à bout portant en marge d’une rencontre de football. Touché, le jeune homme évoque, selon son avocate, « un guet-apens tendu par les policiers » . Le parquet de Reims a assuré de son côté que Maxime se serait blessé en tombant sur un poteau alors qu’il était poursuivi par des policiers. Une information judiciaire pour « violence volontaire » a été ouverte à Reims pour clarifier les circonstances des incidents, et l’Inspection générale de la police nationale a été saisie. De son côté, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a décidé d’ouvrir une enquête sur les circonstances dans lesquelles le supporter bastiais Maxime Beux a été grièvement blessé. Mais ce n’est pas tout, dans la foulée, de graves troubles ont eu lieu à Corte, et durant lesquels un jeune homme de 20 ans, Rémi Di Caro, a été interpellé, puis condamné en comparution immédiate à dix mois de prison, dont cinq fermes. Le garçon était accusé de violence en réunion à l’encontre des forces de l’ordre. Pour marquer le coup et à l’initiative du groupe de supporters Bastia 1905, une grande manifestation pacifique a eu lieu la semaine dernière à Bastia aux cris de « Ghjustizia per Maxime » . Une manifestation sans le moindre débordement. Depuis, la tension est un peu retombée, mais l’actualité autour du club corse est très agitée.

Nice sous surveillance

Ce n’est pas mieux à Nice où le président de la Populaire Sud (fondée sur les cendres de la Brigade Sud Nice), Frédéric Braquet, a fait un tour en garde à vue en début de semaine… à la suite du tifo « BSN » lors de Nice-OM. Un tifo en principe interdit depuis la dissolution, par arrêté ministériel, de la BSN en 2010. Donc pour comprendre comment un tifo BSN a pu être possible à l’Allianz, le président de l’association a fait de la GAV. En 2016. Durant le même temps, les enquêteurs de la sûreté départementale ont perquisitionné la boutique de la Populaire Sud pour tenter de mettre la main sur des objets à l’effigie de la BSN. Sans succès. Interdit de stade depuis le match amical contre Naples en août dernier, Frédéric Braquet a été relâché dans la soirée de sa garde à vue et a soulevé des problèmes plus larges concernant l’Allianz lors d’une conférence de presse en présence de son avocat : « En France, on ne peut pas amener 500 supporters d’un point A à un point B. Comment fera-t-on pendant l’Euro quand 15 000 fans vont débarquer à Nice ? » Bonne question.​

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