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Les mots bleus (8)
« Après avoir lu ce livre, vous ne regarderez plus l’Euro de la même façon. » Ah bon, il fallait absolument le lire avant le début du tournoi ? Bah on l'a lu après.
L’Euro français en 11 points, plus une prolongation…
1. Mai 2016. L’invité surprise que tout le monde attendait, Christophe Jallet, débarque à Clairefontaine. Présentation des lieux. Inside with Chris : « Au domaine de Montjoye, les Bleus prennent leurs quartiers dans le château proprement dit. Un endroit d’un cachet fabuleux. Les volumes sont impressionnants, les boiseries soyeuses. (…) Il y a ce grand hall tout en parquet qui accueille les joueurs. C’est le salon Aimé Jacquet, huit mètres de hauteur sous plafond. Les teintes sont chaudes. C’est élégant. Deux canapés trois-places et quatre fauteuils se font face. Un immense écran plat permet de se rassembler autour d’un match. Une minuscule mezzanine embellit encore le lieu. Un baby-foot bleu jure un peu dans ce décor bourgeois. En le scrutant de près, il révèle sa beauté high-tech : il vient de chez Mathieu Debuchy, l’arrière droit des Bleus pendant la Coupe du monde 2014. Il en commercialise avec son frère. À droite du hall se trouve la salle où trône toujours un billard.(…)À gauche du hall, c’est le salon Raymond Kopa, ancien et fameux salon rose, rendu célèbre par la révolte de Thierry Henry.(…)Une fois passé les quatre salons (Jacquet, Fontaine, Kopa, Lemerre), un étroit couloir à la moquette épaisse conduit au logement du staff de l’EDF.(…)Les joueurs dorment au premier ou au deuxième étage. »
2. Après les derniers matchs de préparation, contre le Cameroun et l’Écosse, DD est prêt et le montre : « On le chambre sur sa ligne impeccable, et surtout sur ce pull, très tendance, qui épouse son torse avec délice. Un pull posé à même la peau. Et c’est alors que tout à coup, sans prévenir et pour seule réponse, il se lève, arborant fièrement ses tablettes de chocolat. « C’est pas mal, hein ? », sourit-il enfin devant les regards admiratifs. »
3. 10 juin 2010. Avant le premier match contre la Roumanie, Noël Le Graët prend la parole devant les Bleus. Séquence motivation : « Une victoire à l’Euro changerait tout(…). Le football est profondément sociétal et il s’est passé beaucoup de choses en 2015 en France avec les vagues d’attentats. Il y a un goût du bleu blanc rouge, une volonté de détruire le France bashing. Cette équipe créerait beaucoup de fierté parce que le phénomène d’identification entre les Français et l’EDF reste absolu. »
4. Après les matchs de poule, tranquillement gérés, Didier Deschamps est bien l’homme de la situation : « Comme directeur des ressources humaines, on ne fait donc pas mieux que lui. Pour beaucoup, concernés comme observateurs, le métier d’entraîneur n’est devenu que cela : de la gestion humaine, des caractères et des ego, du guidage comportemental, de la transmission de passion et de motivation. Un entraîneur se doit d’être entraînant et, lui, c’est son rayon. »
5. Le SMS que Paul Pogba aurait bien envoyé à certains observateurs suite à ses prestations du premier tour, et aux débats sur son niveau en Bleu : « »Tu n’es qu’une merde. » La cause du courroux (…)? Le jugement de la performance… » (Bon, pour le coup, c’était un SMS de l’agent Stéphane Courbis à un journaliste, suite à la note de son joueur, Peguy Luyindula, après Lituanie-France en 2009).
6. Pour affronter l’Irlande en huitièmes, les Bleus se préparent sereinement. Aux jeux de mains, si besoin : « La table de ping-pong(…), l’un des incontournables avec ses parties et tournois endiablés. Les Bleus excellent au tennis de table, et sont parfois aussi habiles avec leurs mains qu’avec leurs pieds.(…)Autre repère de la vie des Bleus : les jeux vidéo, qui transcendent les âges et les postes. »
7. De son côté, avant le match, le président de la République, François Hollande, et ses conseillers, réfléchissent encore : « Le calcul relève toujours du casse-tête – il faut montrer qu’on est là, mais éviter d’être sur la photo si l’affaire tourne au vinaigre. En revanche, si les Bleus vont loin, ce qui n’est jamais mauvais pour le moral d’un pays, il ne doit pas apparaître comme celui qui récupère le succès ou cherche à surfer dessus. Il ne peut pas juste débarquer pour une demi-finale. »
8. France-Islande en quarts. Coté supporters de l’équipe surprise, le séjour est plus long que prévu et on ne posera pas la question de la note de frais aux Islandais. En revanche, côté français, on fait les comptes : « Yannick, responsable de Supporters des Bleus, section de Dunkerque, est agent de maîtrise dans une collectivité territoriale. Il détaille : « J’ai dépensé 400 euros pour le match au Danemark, 250 pour celui au Portugal. Le Brésil m’a coûté 5000 euros et j’ai fini de payer, en janvier 2016, le crédit de deux ans que j’avais effectué pour y aller. » »
9. Enfin un gros match, France-Allemagne. La Dèche confie son idéal de jeu : « C’est le jeu direct, la percussion, combinés au jeu de sol. Cela donne de la variété à notre jeu et les profils différents de mes joueurs offensifs me permettent d’envisager beaucoup d’options en début ou en cours de match. »
10. La France est en finale, Antoine Griezmann est confiant, il assume la nouvelle force des Bleus : « Plus tu joues le haut du classement, plus tu t’habitues à cette pression et au « besoin » de gagner chaque match. Ça rend costaud mentalement, Paul a joué une finale de C1, Raph’ côtoie les plus grands chaque jour. Moi, même quand je fais un match nul, je ne suis pas content. Cette envie de gagner, je sens que le groupe France l’a. »
11. L’auteur avait vraiment tout anticipé : « Les Bleus ont du talent, redeviennent compétitifs dès que l’enjeu monte, surferont sur une vague d’envie et d’amour provoquée par des Français demandeurs et de plus en plus fervents à mesure que l’Euro avancera. »
Prolongation : Tout était écrit d’avance, même ce moment classé X que personne ne pouvait imaginer. Cette parabole du but portugais en finale, impensable, sale, et pourtant si vrai : « La sélection et ses suiveurs ont accompli le voyage tous ensemble, les reporters avaient jeté un œil au-dessus de l’épaule de ce célèbre attaquant, aussi connu pour sa pointe de vitesse que ses coiffures fantasques, afin de vérifier qu’il était bien en train de visionner un film pornographique sur son lecteur DVD portable. » Une action signée Eder productions.
Par Benjamin Laguerre
La face cachée des Bleus de Dominique Sévérac, Éditions Mazarine, 244 pages, 15 euros.