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Les mots bleus (7)

Par Benjamin Laguerre
6 minutes
Les mots bleus (7)

Un mois de passion, de débats et une fin brutale pour les Bleus. La France a joué son Euro à domicile et l'a presque gagné... Les hommes de la Dèche ont écrit une page de plus dans l'histoire des Bleus. À travers notre série Les mots bleus, c'est l'occasion de revenir, non pas uniquement sur l'histoire ou les victoires des Bleus, mais sur des récits bleus. Parce que les défaites sont parfois aussi belles que les victoires. Parce que la reprise de la Ligue 1 n'est pas pour tout de suite. Parce que juillet et août nous laissent du temps pour bouquiner afin de mieux connaître nos Bleus pour préparer, nous aussi, les matchs éliminatoires pour la Coupe du monde 2018. On continue notre sélection de livres estampillés « bleus » pour vous accompagner dans cette période estivale post-Euro.

Chronique 7 : Vincent Duluc, Au cœur des bleus

I. Le pitch du bouquin

« Nous les avons retrouvés pour ce livre (les sélectionneurs nationaux encore vivants). Michel Platini à Nyon, Henri Michel à Aix-en-Provence, Raymond Domenech à Paris, Michel Hidalgo à Marseille, Gérard Houllier à Lyon et à Paris, et tous les autres, ont fait émerger l’essence d’une vie particulière : le sélectionneur est un homme seul, depuis 1960, et il ne se bat pas sur un ring. Son combat se déroule sur un terrain infiniment plus vaste, qui n’a pas de murs. L’homme seul se débat au milieu de tous, joueurs, dirigeants, agents, journalistes, sponsors, public, sans pouvoir différencier ses alliés de ses adversaires. C’est ce combat qu’il vont raconter eux-mêmes et décrypter dans ces pages. Au-delà des matchs, du palmarès, de la durée de leur mandat, c’est ce combat qui les réunit. Ils sont frères de tempête. »

II. La cote « bleue attitude »

En fait, elle oscille selon le bon vouloir et les avis des journalistes de L’Équipe.

Et la plume de référence du quotidien, Vincent Duluc, a la franchise de l’assumer : « La vérité est que mes camarades et moi-même avons participé à leur désespoir et à la fin de leur règne(celui des sélectionneurs), parfois. Mais, contrairement à la perception publique, L’Équipe n’a jamais demandé le départ d’un sélectionneur depuis vingt ans. Ni celui d’Aimé Jacquet, nous y reviendrons longuement, ni celui de Raymond Domenech, autrement éreinté, pourtant. Je ne réclame pas l’acquittement, pour autant : il nous est arrivé de réunir les conditions d’un limogeage, évidemment, par l’orientation éditoriale comme par la mise en scène de nos informations et de nos opinions. »

III. Pourquoi faut-il lire ce livre ?

Pour connaître le bilan d’une vie de suiveur des Bleus pour L’Équipe : « Nous avons passé une vie avec eux, contre eux, ou juste à côté, à tenter de nous débattre avec des principes essentiels : ne pas s’éloigner de ses convictions, mais ne pas prendre son journal en otage non plus, personnaliser sans confisquer, se tromper souvent, sûrement, mais défendre l’idée même que le raisonnement compte, ne pas se satisfaire du fait que les résultats donnent tort ou raison, refuser cette simpliste dictature. » Du coup, les dialogues entre le journaliste et les anciens sélectionneurs sont souvent savoureux.

IV. L’exemple que Didier Deschamps aurait peut-être aimé suivre, celui de Michel Hidalgo, si la France avait remporté cet Euro 2016

« Un jour, il faut penser à l’après. Un jour, il prend la décision de se retirer après l’Euro 1984, après la victoire en finale contre l’Espagne (2-0), après 3014 jours et 75 matchs de l’équipe de France. Sortir par la grande porte est une image magnifique. Mais il faut, alors, faire le deuil de la fonction, et surpasser la petite dépression de l’après-victoire, ce sentiment qu’il n’y aura jamais rien de plus fort, qu’il n’y a plus d’objectif devant, plus de rêve une fois qu’il a été atteint. »

V. Le souvenir « bleu » qu’Henri Michel n’a pas digéré

« Ce 1er novembre, Fournet-Fayard me fait monter d’Aix-en-Provence à Lyon pour m’annoncer que c’est fini. Mais ça, je le sais avant.(…)J’avais loué une voiture, je suis parti, direction le sud, chez moi. En montant dans la voiture, j’allume la radio, et j’entends des interviews de Gérard Houllier, qui devenait l’adjoint de Michel Platini, et de Thierry Roland par Jacques Vendroux. Je venais d’être viré depuis une heure, et j’écoutais une interview qui avait été enregistré bien avant. Houllier passait sa vie à appeler Fournet-Fayard dans la nuit, il savait que si Platini était nommé il serait adjoint. Et là je suis gentil en ne racontant que ça. »

VI. On a apprécié la franchise et le recul de Michel Platini par rapport à son rôle de sélectionneur

« En novembre 1988, Michel Platini a 33 ans. Il doit définir sa nouvelle vie, se réinventer. Pour la plupart des autres, sélectionneur est le sommet d’une vie de football, au moins d’une vie d’entraîneur. Pas pour lui.« C’est ce que je me dis encore aujourd’hui. Le sommet de ma carrière, ce n’est pas d’avoir été sélectionneur de l’équipe de France ou président de l’UEFA, c’est d’avoir été Ballon d’or. De toute façon, en 1988, je n’avais pas du tout envie d’être entraîneur, ou sélectionneur. La preuve, c’est que je ne suis pas resté, et que je n’ai jamais entraîné un club, après. Je l’ai fait parce qu’on me l’a demandé, pour rendre quelque chose au football français qui m’avait beaucoup donné. (…) Tout a été fait pour que j’y aille. Je n’avais aucune base pour le boulot. » »

VII. En revanche, Platoche n’a pas oublié d’être taquin

« C’est vrai, je me mêlais souvent au jeu à l’entraînement. À un moment donné, j’ai dû arrêter de jouer avec eux parce que j’étais le meilleur techniquement. Je n’ai plus joué pendant l’Euro, parce que, pendant les petits jeux, j’avais toujours le ballon, c’est moi qui organisais. Si tu le donnais à Didier Deschamps, c’était plus difficile (rires). Alors, j’ai dit :« Ça va, je m’enlève… » »

VIII. Comment devenir sélectionneur ? Mode d’emploi par Raymond Domenech

« Être choisi est un combat. Estelle a été une très bonne conseillère pour moi. Elle m’a rappelé la base : pour être choisi, il ne faut pas avoir d’ennemis. Donc j’ai essayé de me rapprocher, même artificiellement, de tous les gens qui pouvaient me nuire. J’ai appelé Guy Roux pour prendre des nouvelles, en donner.(…)Pareil avec Gérard Houllier.(…)Pendant le processus de nomination, il est important de ne pas faire d’erreurs. »

IX. Vincent Duluc revient sur la brouille historique entre L’Équipe et Aimé Jacquet

« Aimé Jacquet ne s’exprime pas dans ce livre qui donne la parole aux sélectionneurs. Nous ne lui avons pas fait l’affront de le solliciter. Il ne nous parle plus depuis le mois de mai 1998 et nous ne lui parlons plus depuis le 12 juillet 1998 au soir. Nous vivons assez bien cette ignorance mutuelle. Surtout lui, j’imagine. » Espérons qu’entre le journal et Didier Deschamps, la fin de l’histoire sera différente.

X. La séquence « bleue émotion » entre Roger Lemerre et David Trezeguet

« Avec Trezeguet, j’avais un lien affectif énorme. À la naissance de son fils, le premier mec qu’il a appelé à 1h du matin, c’était moi. Et puis, il y avait eu la finale de la Coupe du monde, quand même. Je n’ai rien à dire, mais j’échauffais les mecs(Lemerre était un des adjoints de Jacquet en 1998),je faisais mon boulot le mieux possible. Et puis, à un moment donné, Aimé a fait entrer Dugarry. Nous, on savait dans quel état il était. Moi, j’échauffais Trezeguet et il s’est mis à pleurer sur mon épaule pendant une demi-heure, parce qu’il n’allait pas jouer la finale de la Coupe du monde. J’ai essayé de trouver les mots… »

XI. La statistique improbable qu’on avait oubliée, mais que Didier Deschamps a effacé après cet Euro 2016

« Jacques Santini possède la meilleure moyenne de points de l’histoire des sélectionneurs : 2,75 points par match. Il a perdu un seul match de compétition, son dernier, en quart de finale de l’Euro 2004 contre la Grèce. Il a réussi un grand chelem en qualification de l’Euro 2004, avec huit victoires en huit matchs, a gagné la Coupe des confédérations en 2003, en France, et avec lui les Bleus ont remporté treize victoires d’affilée en 2003. L’écart entre ce bilan et la reconnaissance du milieu lui est une blessure.(…)Un an après sa place en quarts de finale de l’épreuve face au futur vainqueur, l’Allemagne (0-1), son équipe s’était quelque peu affaissée, et une recherche dans nos archives nous avait conduit à cette sidérante statistique : à la moyenne de points par match, Didier Deschamps était le sélectionneur le moins performant de l’histoire de l’équipe de France. »

Dans cet article :
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Dans cet article :

Par Benjamin Laguerre

Au cœur des bleus de Vincent Duluc, Stock éditions, mai 2016, 18,50 euros.

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