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Les meubles indispensables
Lloris, Sagna, Évra. Ce sont les trois seuls Français à avoir disputé l’intégralité des cinq rencontres de l’Euro. Une coïncidence due à leur poste ? Pas seulement.
Ils sont trois. Trois à avoir passé les 450 minutes disputées par leur équipe sur le pré. Trois à avoir été systématiquement couchés sur la feuille par Didier Deschamps. Comme une évidence. Trois à ne pas avoir été touchés par la rotation. Trois à avoir tenu leur poste contre vents et critiques. Trois indispensables, en clair. Leurs noms ? Hugo Lloris, Bacary Sagna et Patrice Évra. Surprenant, au vu de leur talent naturel moins développé que Dimitri Payet, Antoine Griezmann ou Paul Pogba. Étonnant, au regard des questionnements qui ont longtemps entouré – et entourent encore – leur rendement.
Alors bien sûr, ces trois joueurs doivent en grande partie cette performance à leur poste. On ne s’amuse pas à changer de gardien comme on peut le faire avec un joueur de champ, et les latéraux sont très souvent moins concernés par les remplacements. L’Allemagne en est un autre exemple, Manuel Neuer et Jonas Hector n’ayant eux non plus échappé à aucune seconde jouée par la Nationalmannschaft. Pour Sagna et Évra, on peut aussi évoquer une absence de concurrence (ce qui n’est pas le cas pour Lloris vu la saison passée de Steve Mandanda). Lucas Digne et Christophe Jallet ne représentent pas vraiment des candidats crédibles dans le onze de départ et ont davantage été sélectionnés en raison de leur état d’esprit impeccable pour faire le chiffre que pour venir titiller les titulaires en place.
Des mini-Deschamps
N’empêche que la totale implication temporelle de nos trois gars dans cette équipe de France est à souligner. Car d’autres raisons viennent expliquer ce statut statistique d’indispensable. En fait, il s’avère que Sagna, Évra et Lloris sont à l’image de Deschamps. À savoir des bonhommes pas forcément techniques et séduisants, mais fidèles, dévoués et efficaces. Ce que recherche avant tout le pragmatique sélectionneur. De plus, il s’agit de joueurs réguliers, pratiquement incapables d’une grosse boulette dans les gros rendez-vous. Lloris est sans doute moins spectaculaire que Mandanda, mais moins sujet à des fautes de concentration. Sagna est peut-être plus sobre et moins offensif que Sébastien Corchia ou Djibril Sidibé, mais il est rarement pris à défaut sur le plan défensif. Évra, indiscutablement sur la fin, ne réalise pas le tournoi de sa vie (en témoigne le penalty provoqué contre la Roumanie ou ses absences face à l’Islande), mais il a l’habitude des grandes compétitions, ce que ne peut revendiquer Layvin Kurzawa, son probable successeur. Face à l’Islande, ce fut un peu ça : Sagna et Évra ont été les moins en vue de l’EDF, mais ont tout de même apporté leur science du combat. Lloris a pris deux pions dans la tronche, mais en a sauvé un et a surtout été rassurant quand le score n’était pas encore large. Une habitude.
Le combo ancienneté/expérience
Un autre point commun des trois indispensables, c’est justement l’expérience. Raison pour laquelle ils n’ont pas récolté de carton jaune, au contraire de Laurent Koscielny, qui a dû quitter pour la première fois ses partenaires contre l’Islande afin d’éviter une suspension en demies. L’expérience donc, et la gagne qui va avec. Que ce soit Sagna, Évra ou Lloris, tous ont connu le plus haut niveau avec leur club respectif. Sagna et Évra ont remporté la Premier League et ont participé – au minimum – au dernier carré de la Ligue des champions. Lloris sort d’une saison où il s’est battu pour le titre d’Angleterre et vient de s’adjuger le record de capitanat avec les Bleus (56 fois contre 54 pour Deschamps). C’est d’ailleurs un autre argument qui justifie la présence des trois dans la catégorie des indispensables : l’ancienneté. À eux trois, le nombre de sélections grimpe à 220 (80 pour Lloris, 78 pour Évra, 62 pour Sagna). Ce sont tout simplement les plus anciens de la maison, loin devant Olivier Giroud et ses 53 capes. Bref, ils font partie des murs. Et comme un meuble trop lourd à enlever dans ton appartement, tu le laisses en place parce qu’il est quand même bien pratique pour ranger tes affaires. Au pire, tu passes un coup de peinture et ça fait vintage. Et même s’il est moche, il fait le taff.
Par Florian Cadu