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« Les médecins m’avaient dit d’arrêter le foot »

Par Laurent Brun, au Haillan
6 minutes
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Buteur décisif jeudi dernier avec l’Équipe de France Espoirs face à l'Irlande (1-0), Enzo Crivelli, du haut de ses 20 ans, veut désormais retrouver le chemin des filets en L1. Son dernier but remonte au 20 septembre, face à Toulouse. Interview.

Passer d’un quasi-anonymat de CFA au groupe pro, à la Ligue 1, puis à la Coupe d’Europe et l’équipe de France Espoirs, très vite, ça se vit comment ?

Ça va vite, oui. C’est bien, mais ça ne change rien pour autant… On continue le travail, sans que ça ne change grand-chose dans ma vie.

Et autour de toi ?

Pareil : rien n’a changé !

Et être recruté alors que les dirigeants bordelais étaient, à la base, venus superviser un gardien de but (Jérôme Prior), ce n’est pas vexant ?

Non… parce que je savais qu’à cette époque-là, il n’y avait pas que Bordeaux qui avait des vues sur moi (Nice, Monaco, puis Rennes, ndlr) ; donc pas vexant du tout… Et, en plus, Jérôme ne me chambre pas, donc ça va !

Tu as montré que tu pouvais gagner ta place, malgré la concurrence de joueurs internationaux au même poste. Comment tu l’expliques ?

J’ai eu du temps de jeu… J’ai fait des bons matchs… Disons que j’ai été bon quand j’ai joué. Le temps de jeu, c’est ça, hein : faut être bon pour gagner ta place ! Quand tu en as, faut saisir ta chance ! Après, il faut savoir que dans le groupe, on se conseille tous ; les anciens nous conseillent et la concurrence est saine… Donc c’est très bien pour notre groupe et pour moi. Ça permet de progresser.

Être le « chouchou » du public bordelais parce que, entre autres, tu mouilles le maillot, tu le vis comment ?

Je le vis très bien… enfin… Je suis heureux quand le public reconnaît ça. Ça fait vraiment plaisir, il ne faut pas lâcher et continuer comme ça. Et c’est vrai que la nouveauté, ce sont les messages, les autographes et les photos… ce qui est toujours plaisant !

On te surnomme parfois « le Bison » , comme un certain Preben Elkjaer-Larsen, à l’époque (en 1984), auquel on te compare : tu l’interprètes comment, ça ?

Ah bon ? Mais non, c’est quelqu’un d’autre qu’on surnomme comme ça…

Qui ?

C’est Pallois ! Bon, c’est parce qu’il est… vraiment costaud ! Mais personnellement, je ne l’ai jamais entendu… Du moins, parce que je ne connais pas Elkjaer-Larsen…

Explique-nous pourquoi le rouge est ta couleur préférée…

(Rires) Disons que le rouge, non… ou alors, de temps en temps ! Bon, je parle des cartons hein, pas du rouge à boire, parce que ça, le vin, jamais !

Tu as été victime, dans ta jeunesse, de la maladie d’Osgood-Schlatter ; peux-tu nous dire comment tu l’as vécu ?

J’avais treize ans, et c’était dur parce que tu ne te reconnais plus… Tu ne reconnais plus ton corps, tu n’arrives plus à jouer. Avec des douleurs violentes… Et, limite, tu veux rentrer chez toi, et tu n’arrives plus à marcher ! J’ai vu des médecins qui m’ont dit qu’il fallait que j’arrête de jouer pendant quelques mois, tandis que d’autres me conseillaient d’arrêter le foot complètement…

Mais tu avais prévu de devenir footballeur, à cet âge-là ?

Ah oui ! Depuis tout petit…

Tu as vécu notamment à Antibes et Cannes ; vu ton gabarit, pourquoi ne pas t’être alors tourné vers le basket ou le volley ?

Je n’y ai jamais pensé à vrai dire, en même temps je ne suis pas un géant non plus. Je ne mesure qu’1m83, je suis dans la moyenne… Enfin de toute façon, moi ça a toujours été le foot, le foot, toujours le foot !

Pourquoi, actuellement, aux Girondins, ce sont de jeunes joueurs sortis de CFA (Touré, Ounas, etc.) qui viennent à la rescousse d’un collectif en perdition ?

C’est tout simplement parce que Bordeaux, c’est un très bon centre de formation, avec des entraîneurs et formateurs compétents. C’est le fruit du travail… Quand il y a de bons jeunes, ils vont en pro, ils continuent à bosser, et ça se retrouve sur le terrain. Après, je ne suis pas trop les débats médiatiques nous concernant, mais je ne trouve pas très logique que, parfois, on s’acharne un peu sur nous… Parce que Bordeaux, c’est un grand club en France, un club mythique. Il y a eu de bons joueurs, il y a de bons joueurs, et je pense qu’il y aura toujours de bons joueurs à Bordeaux !

Justement, est-ce par rapport à l’éclosion subite des jeunes que Willy Sagnol, le coach, ne voulait pas que vous donniez d’interviews jusque-là ?

Alors, je pense que c’est une bonne chose car, quand tu es jeune, il ne faut pas trop parler. Je crois qu’il faut parler un peu à la presse, mais sans trop s’éterniser sur ça, parce que quand t’es jeune… tu dois avant tout penser à jouer. Et, plus tu prouves, plus, selon moi, tu as le « droit » de parler à la presse…

Quels sont tes objectifs, à plus ou moins long terme ?

Déjà, c’est de remonter au classement (Bordeaux est 11e, ndlr)… Le plus rapidement possible et, individuellement, c’est surtout de ne pas me blesser. Après, quand tu n’as pas de blessure, tout vient : les buts et les passes décisives !

Karim Benzema sera peut être out – en raison d’affaires extra-sportives – pour l’Euro 2016. De fait, il y a une place pour toi ?

Euh… je ne crois pas non ! Je ne me pose pas la question, franchement… Je veux déjà réaliser une bonne saison avec le club et la sélection, ça passe en deuxième plan. Mais après Benzema, il n’y a pas que Crivelli ! Il y a d’autres attaquants…

Samedi, c’est Rennes. Comment vit-on le fait de devoir jouer dans un contexte d’insécurité et, selon le président de la République, même de « guerre » ?

Ben, on le vit mal… C’est un choc pour tous les Français, et aussi pour tous les gens qui vivent en France. Mais on essaye… On ne va pas dire de faire avec, mais de continuer à travailler malgré tout. Mais on y pense, on a ça quand même dans un coin de la tête. Après, je sais que les supporters adverses n’ont pas le droit de se déplacer et donc, qu’on n’aura pas les nôtres. Mais on va jouer pour eux, tout simplement. Et c’est sûr qu’ils vont nous manquer.

Et le match en lui-même ?

Bah, on dit parfois que les deux clubs sont de même niveau, mais non : Bordeaux, c’est plus mythique que Rennes ! Rennes, ils sont capables du pire comme du meilleur… Tant dans le jeu, que dans le classement. Chaque année, c’est un peu ça… Disons, capables de faire une bonne saison, et l’année d’après, une moins bonne… Ouais, bon, comme à Bordeaux, finalement ! (Rires)
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