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Les marches de Garcia

Par Maxime Brigand
5 minutes
Les marches de Garcia

Assis sur une série de six victoires toutes compétitions confondues et réchauffé par 47 points au compteur, l’OM reçoit dimanche, au Vélodrome, un Monaco qui l’avait plié facilement fin août (6-1). Un match sur lequel Rudi Garcia s'est appuyé pour transformer son équipe.

Une étincelle. « Vous pensez qu’il faut retourner trois mois en arrière ? Que je dise ça aux joueurs pendant la causerie ? Ça peut être intéressant ? » À cet instant, Rudi Garcia n’a pas tout à fait pris en joue son interlocuteur : c’était un peu plus que ça, une forme de défi, ou plutôt la volonté de consolider sa bulle. La question posée, ce jour-là, était simple : juste avant de partir à Lyon, en plein mois de décembre, Garcia avait-il peur ? En interrogation, ça donnait ça : « Vous avez dit être performants à l’extérieur, mais vous avez pris l’eau à Monaco. Face à une autre armada offensive, y a-t-il la crainte d’une nouvelle déroute ? » Deux jours plus tard, l’OM s’inclinera au bout d’un match savonné d’entrée par une boulette de Steve Mandanda, soir où le gardien international prendra la défaite pour lui. Rudi Garcia, lui, ne regarde pas. Il avance, sans faire dans le sentimentalisme, parlant en permanence de l’ensemble – « Ce qui est important, et j’y veille pour mes joueurs offensifs, c’est d’avoir un esprit collectif, une volonté de servir le joueur le mieux placé.(…)Tout le monde joue la carte collective, c’est pour ça qu’on est bien classés. » – et se laissant aller, parfois, à un discours volontairement militaire.

Au fond, il y a du Deschamps dans Garcia, lui qui s’attache depuis le début de sa carrière d’entraîneur à garder une distance méticuleuse entre son bureau, celui de ses dirigeants et le terrain. S’il est là, c’est pour gagner, pas pour se faire des potes. Interrogé par L’Équipe durant l’été, le coach marseillais avait alors donné le rythme du deuxième chapitre de son aventure à l’OM : « L’enthousiasme est là, la passion aussi. Mais il ne faut pas vendre n’importe quoi à nos supporters. On vend du travail, de la sueur, on vend du beau jeu et des buts marqués parce qu’on a envie de voir ça. Mais on ne vend pas qu’on va finir champions. Ce n’est pas pour maintenant. Ce n’est pas que je manque d’ambition. Je suis peut-être l’entraîneur le plus ambitieux dans le championnat de France. »

Le ménage de Louis-II

C’est autre chose que la tisane proposée par Jacques-Henri Eyraud, c’est du pragmatisme, du Garcia, finalement. Step by step, comme le bonhomme aime souvent dire. Dimanche soir, l’OM reçoit ainsi Monaco avec 47 points grattés en 22 matchs de Ligue 1, trois petites défaites au compteur – dont une seule à domicile, face à Rennes (1-3), le 10 septembre – et la perspective d’un aller-retour face à Braga, en Ligue Europa, dans quelques semaines. Seule certitude dans cette histoire : Marseille va bien, très bien, et reste sur six victoires consécutives toutes compétitions confondues. Mieux, l’OM joue, semble par moments marcher sur certains adversaires (Rennes, Saint-Étienne) et s’en sort quand il rame, comme à Caen (0-2), vendredi dernier.

D’où ça vient ? De l’apprentissage. Perdre fait partie du foot. Ce qui compte, c’est la façon de se souvenir, la façon de tomber. C’est de l’expérience, aussi. À Monaco, le 27 août, on avait même touché l’humiliation : une branlée 6-1, avec cinq défenseurs, et ce, alors que Garcia ne pensait pas pouvoir faire pire que le non-match de l’exercice précédent (4-0). Le soir même, il s’était alors élevé : « C’est de ma faute. Vous voyez que le football est parfois particulier. Même en ayant les joueurs les plus grands en taille, ça n’a pas suffi pour être efficace sur les coups de pied arrêtés. » Marseille avait alors reçu sa plus large défaite en championnat depuis vingt ans et fait un premier ménage : on n’a plus revu Hubočan, Dória et Sertic.

Conseil des sages et guerriers

Depuis, Marseille a appris, galéré, pataugé – notamment en C3 –, s’est cherché, et Garcia a trouvé, surtout : tactiquement, la mèche de Nemours a sorti un 4-2-3-1 pour protéger sa défense avec « deux guerriers » – d’où Gustavo ressort en patron – selon les mots d’Adil Rami après s’être fait sécher contre Rennes au Vélodrome. L’idée était aussi de libérer Dimitri Payet, qui n’a toujours pas fait sauter ses chaînes, mais c’est l’équilibre que Rudi Garcia a trouvé. Lui insiste : le schéma n’est qu’un mot, l’important est dans l’animation et dans la confiance. Celle de l’extérieur, d’abord, le Vélodrome s’étant calmé après avoir demandé en septembre la tête d’un coach qui avait également été secoué par le passé à Lille avant de soulever un doublé coupe-championnat. Celle de l’intérieur, finalement, même si le management à la Garcia fait parfois des dégâts.

À Rennes, Florian Thauvin avait alors appuyé sur les épaules de son entraîneur : « Vous voyez, Dória n’a pas joué et pourtant il est là, à s’investir dans le groupe et à s’entraîner juste après le match. » Ce à quoi Adil Rami répond dans La Provence en soulignant la force de l’approche : « Ce changement de système ne nous empêche pas d’être dans la surface adverse et de bloquer tout le monde. Regardez aujourd’hui : il y a des équipes qui ne passent pas très souvent leur moitié de terrain contre nous. Ça ne veut pas dire qu’on est bas ; au contraire, on est positionnés très haut. »

Dans les chiffres, cela parle d’une défense qui n’a pris aucun but en 2018 et, dans les faits, cela raconte les fruits du travail d’un groupe tenu par un conseil des sages (Mandanda, Rolando, Payet, Gustavo) et par la renaissance de trentenaires qui rend l’idée de faire des plus-values sur le marché quasi impossible. Peu importe, Garcia est un entraîneur de l’instant, pas un formateur. Son rôle est aujourd’hui de donner du goût au cocktail. Reste une inconnue : cet OM est-il capable de faire un jour tomber un concurrent ? Voilà la prochaine step, Rudi.

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