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Les Lions domptables du Cameroun
Neutralisé par le Burkina Faso samedi (1-1), le Cameroun est malade, victime d'une grosse hémorragie. Une pelletée de joueurs a renoncé à la Coupe d'Afrique. Pour des raisons diverses et variées, drôles ou désolantes. Mais derrière ça, c'est tout un système et un fonctionnement qui sont remis en cause.
Tout ça a quelque chose de désolant. De presque humiliant. Depuis des années maintenant, le Cameroun s’affiche bêtement aux yeux du monde. Ingérence diplomatique, batailles enragées pour les primes, guerre froide autour du capitanat, jalousies entretenues par les anciens… Bref, l’embrouille n’est jamais très loin. Mais cette année, le pays a pris une nouvelle claque : pas moins de huit joueurs ont déserté pour la Coupe d’Afrique : André Onana, Guy Roland N’Dy Assembé, Joël Matip, Allan Nyom, Maxime Poundjé, André Zambo Anguissa, Ibrahim Amadou et Eric Choupo-Moting.
Parmi les huit joueurs, seul Nyom était régulièrement titulaire depuis l’arrivée d’Hugo Broos à la tête des Lions indomptables début 2016. Mais qu’importe le talent ou l’apport individuel de chacun, huit, c’est une véritable saignée. Et le fruit bien pourri d’un mauvais management. Au sein et autour de cette équipe, le professionnalisme est aussi rare que les pingouins dans le désert. Les exemples de N’Dy Assembé et Onana sont parfaits. Les deux gardiens sont titulaires en club, respectivement à Nancy et à l’Ajax, mais se sont fait griller la priorité chez les Lions par Fabrice Ondoa, talentueux certes (vingt et un ans), mais qui serait plus légitime aujourd’hui dans le rôle de coupeur de citrons. Cette saison, il n’a pas joué la moindre minute avec l’équipe réserve de Séville. D’aucuns disent que le fait qu’il soit issu de la fondation Eto’o l’a aidé à obtenir sa place de titulaire.
Le Cameroun n’a pas su séduire les binationaux
Les cas Amadou, à Lille, et Anguissa, à Marseille, mettent en lumière d’autres lacunes, celles de la Fédé. Les deux joueurs se sont étonnés de leur soudaine convocation, arrivée comme un cheveu sur la soupe. Le Cameroun a clairement manqué de tact avec ces joueurs, oubliant qu’une période de drague était nécessaire pour convaincre les binationaux de choisir leur (bon) camp. Jamais Amadou et Anguissa n’ont reçu le moindre appel avant cette convocation. Résultat : deux refus. Peut-être se laisseront-ils charmer à l’avenir. Pour Poundjé, en revanche, c’est déjà cuit. Le Bordelais a choisi de jouer pour la France. La France, elle, ne l’a plus convoqué depuis 2011 et quelques matchs en U19… Preuve pour Patrick M’Boma, ancienne gloire des Lions, que le pays « ne séduit plus » . « Sinon, une vague de binationaux aurait pu venir booster la sélection » . Mais il assure que les réfractaires, bouffés par des « choix financiers » , finiront par « regretter leur décision » .
Des sanctions contre les déserteurs et leurs clubs ?
Aujourd’hui, pourtant, les regrets sont plutôt du côté de ceux qui s’étaient laissés convaincre. Comme Matip et Choupo-Moting. Les deux Germano-Camerounais s’en mordent les doigts. Le premier a dénoncé sa « mauvaise expérience » et ne veut plus entendre parler du pays. Le deuxième s’est plaint dans une lettre à la Fécafoot du « traitement qu’il subit » , du coach et « des injustices à son encontre » . On pourrait les traiter de pleureuses s’ils n’étaient pas le symbole d’un mal bien plus profond. Claude Le Roy, ancien sélectionneur du pays, voit lui en ces forfaits un égoïsme sans nom. « Pour moi, les Lions, c’était le patrimoine national. J’ai vu des entraînements avec 40 000 personnes. À mon époque, les joueurs se battaient pour venir. C’est incroyable qu’aujourd’hui, certains oublient l’importance de l’équipe. C’est une identité. Des moments de vie sans pareil. » M’Boma, à l’image de plusieurs anciens, a demandé des sanctions et en a fait une question d’amour de la patrie. « Il faut être intransigeant, abonde Le Roy, aujourd’hui en poste au Togo. Il faut être ferme avec les joueurs et avec les clubs, qui leur mettent la pression, qui font des certificats médicaux bidons. C’est une honte ! » , conclut-il. Les absents ont toujours tort. Et la FIFA semble aller dans ce sens puisqu’elle a interdit à Liverpool d’aligner Matip durant la CAN. Les Reds devront d’abord obtenir l’autorisation des Lions. C’est pas gagné.
Par Pauline Omam Biyik