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Les Light Blues ont suivi la lumière
Quatre ans après avoir sombré dans les bas-fonds du football écossais, les Glasgow Rangers retrouveront enfin la première division la saison prochaine. Une renaissance inespérée il y a un an encore, et qui porte le sceau d'une stabilité financière retrouvée et la patte d'un coach audacieux, Mark Warburton.
Quatre ans. Quatre longues années déjà que les Teddy Bears ont quitté la Scottish Premier League pour la quatrième division nationale, laissant leurs meilleurs ennemis du Celtic orphelins d’un vrai challenge dans l’élite. Si, à l’échelle de la vie du club, ces années ne sont guère plus que quelques briques rouges dans le mur de l’Ibrox Park, elles ont été aussi longues pour les amoureux des Gers qu’une vie sur les bords du Styx. Miné par une gestion financière et sportive désastreuse, le club semblait bien incapable de grimper l’échelle vers son paradis. Abattus par la violente désillusion subie l’année passée en finale des play-offs face à Motherwell (1-3 ; 3-0), les Rangers semblaient condamnés à végéter un moment encore loin de leurs rivaux historiques. Jusqu’à l’arrivée d’un nouveau comité de direction et d’un nouvel entraîneur, déjà entré dans la longue histoire du club. De l’argent, de l’audace et une alchimie parfaite ont mené les Teddy Bears jusqu’à leur fauteuil laissé vacant depuis 2012. C’est avec plaisir qu’ils iront y poser leurs séants dès la saison prochaine, avec la furieuse envie de reconquérir un titre trop longtemps monopolisé par les Bhoys.
Le consortium Dave King à la rescousse
En mars dernier, la situation financière du club passe à nouveau d’alarmante à catastrophique. La grogne des supporters à l’encontre de l’ancien président, David Somers, grandit, et tout le monde se met en quête d’un nouveau propriétaire. Le 6 mars 2015, le consortium de Dave King (composé de Dave King, Paul Murray et John Gilligan), un homme d’affaires écossais, remporte 87% des suffrages et s’empare du comité de direction des Rangers. Après un ballet incessant de marionnettes désarticulées en coulisses, les Gers s’apprêtent à enfin connaître le calme d’une stabilité retrouvée. Pour Alasdair Lamont, journaliste à la BBC Sport et spécialiste du football écossais, aucun doute n’est permis : le succès des Rangers vient avant tout de ce changement. « Je pense qu’avant même de parler de la révolution Warburton, il faut se pencher sur la situation en coulisses. C’est une des clefs essentielles pour comprendre la saison des Rangers. Depuis quelques années déjà, le comité de direction des Rangers était rempli de gens qui n’œuvraient pas pour les intérêts du club. C’était pour la plupart des opportunistes qui pensaient qu’ils pourraient se faire de l’argent facilement. Ils n’étaient pas supporters, ne tenaient pas vraiment au club. »
Une analyse largement partagée par Dave King lui-même, qui, lors de son arrivée, déclare sans ambages : « Le club est cassé. Dans tous les domaines, le club est en ruines. Il faut tout reprendre, tout reconstruire. » Avec une équipe à reconstruire, sans aucun proche de Mike Ashley, le propriétaire de Newcastle (Derek Llambias et l’ancien directeur des finances, Barry Leach, sont des associés de la famille Ashley), Dave King s’est employé pour présenter aux supporters un plan de développement simple, sans promettre de verser des milliards tous les quatre matins. « Quand le consortium de Dave King a pris le contrôle à Ibrox, les finances sont redevenues stables, ce qui n’était plus le cas depuis très longtemps. Une promesse de stabilité financière et sportive a été faite » , explique Alasdair Lamont. Et la première des promesses est simple : trouver un manager capable de redonner aux Rangers une âme et un jeu digne de leur histoire. Car même la légende Ally McCoist a fini par être dévorée par la situation de crise à l’Ibrox.
Warburton, de trader à héros
Après les échecs successifs de Kenny McDowall et Stuart McCall, c’est Mark Warburton qui est nommé à la tête des Gers pour la saison 2015-2016. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas là d’un grand nom du football. Alors, mauvais casting ? Bien au contraire, explique le journaliste de la BBC : « L’histoire de Warburton est vraiment très intéressante. Il était trader à la City de Londres avant de devenir entraîneur. C’était un joueur de football, mais ses blessures l’ont empêché de faire carrière. Il gagnait bien sa vie, ce qui lui a permis de tout plaquer un jour pour aller suivre des entraînements dans plusieurs clubs européens. Il a étudié les méthodes de plusieurs entraîneurs. » Un ancien trader devenu entraîneur, voilà de quoi faire rire les plus moqueurs. Mais le bilan de Warburton à Brentford, son ancien club, parle pour lui. En deux saisons en tant que manager des Bees, Warburton a obtenu une promotion de League One à Championship et une participation aux play-offs de promotion en Premier League. « Il prône un football très attrayant, très offensif. Il a quitté Brentford après un désaccord avec le président pour rejoindre les Gers » , détaille Alasdair Lamont.
Arrivé au pire des moments, Mark Warburton a dû gérer une équipe anéantie après sa défaite en finale de play-offs. Et c’est peu dire que son audace a finalement payé. Avec 22 départs à l’été et onze arrivées dans le même temps, le technicien est reparti de zéro. Après avoir nommé David Weir, une autre légende d’Ibrox, comme adjoint, Mark se met au travail. « Pour la première fois depuis longtemps, le manager pouvait dépenser un peu d’argent. Pas des millions, mais assez pour faire venir des joueurs de qualité. Aucun grand nom, mais beaucoup de joueurs qui venaient d’Angleterre, des gens que Warburton connaissaient bien, des gars comme James Tavernier, Martyn Waghorn. Ils marquent beaucoup » , analyse le journaliste de la BBC. « Il n’y a que deux joueurs présents dans l’effectif l’an dernier qui ont joué cette année un rôle particulier : le capitaine, Lee Wallace, et Kenny Miller. » Un remaniement extrême payant : jamais en quatre ans les Rangers n’avaient montré autant de facilités et de plaisir à évoluer ensemble. Exit le jeu pénible et lent, Warburton a imposé sa marque : des passes courtes, des accélérations et des buts, énormément de buts.
The blue sea of Ibrox !
Résultat : les Teddy Bears ne passeront même pas par les play-offs et pourraient même se payer une finale de Cup s’ils parvenaient à faire tomber le Celtic ce dimanche. « C’est le genre de match qui fait transformer une bonne saison en une saison historique » , expliquait Warburton cette semaine en conférence de presse. Symbole du système Warburton, Barrie McKay, indésirable pendant les trois ans en enfer, est aujourd’hui un élément indispensable de l’équipe. Assurément l’homme à suivre de cet Old Firm à Hampden. « L’an passé, il y avait un fossé gigantesque qui séparait les Rangers des Celtic. Cette année c’est différent. Les Celtic sont bien évidemment favoris, mais si les Gers gagnent, ce ne sera pas une énorme surprise. Ils ont une chance » , assure Alasdair Lamont. Glasgow peut quoi qu’il en soit se réjouir. Car les Rangers sont de retour. Et tous les marins protestants vont pouvoir faire cap sur la plus belle mer qu’ils aient jamais vu, la plus bleue et la plus bruyante : the blue sea of Ibrox !
Tous propos recueillis par Gabriel Cnudde, sauf ceux de Dave King, recueillis par la BBC Sport
Par Gabriel Cnudde