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- 31e journée
- OM/PSG (2-3)
- Le débrief
Les leçons tactiques d’OM-PSG
Marcelo Bielsa a parlé d'une « opposition de styles ». Hier soir, l'Olympique de Marseille a tout bien fait pour tenter d'abréger les effets de la circulation de balle parisienne. Mais vu le score, était-ce une bataille perdue d'avance ? En face, Laurent Blanc a présenté un PSG de plus en plus hybride, dont la cohésion collective s'est avérée très inégale, malgré une constante production d'occasions. Le PSG ne dépend plus du ballon, ce qui le rend insaisissable, mais aussi plus fragile.
Coup d’envoi enfumé. Les espaces semblent gigantesques dans une rencontre qui annonce sa discontinuité dès les premiers contrôles. Côté marseillais, la défense individuelle mène à des situations invraisemblables où l’OM défend non pas à cinq ou à trois, mais avec un seul homme. Côté parisien, la soif d’espaces mène Verratti et Motta à laisser vingt mètres de liberté à Payet. Entre les prises de risques audacieuses et les gros ratés, le premier quart d’heure s’écoule, et le match est complètement déstructuré. Dans un premier temps, cela sourit au talent parisien et désorganise le marquage individuel. Pastore est à deux doigts d’ouvrir le score, bien lancé par une inspiration de Verratti.
Dans un second temps, c’est pourtant l’OM qui montre plus de cohérence collective. Le 3-3-3-1 de Bielsa n’avait qu’une mission hier soir : étouffer la circulation de balle parisienne. Une mission ambitieuse qu’un Chelsea en supériorité numérique n’avait pas pu accomplir. Pour certains, c’est le talent qui décide du sort des matchs. Pour d’autres, les idées des entraîneurs ont toujours le dernier mot. En fin de compte, il n’y a pas de réponse, car chaque match est une nouvelle histoire. Et parfois, il y a même des histoires dont le destin est scellé avant même l’écriture de leur scénario. Et si l’OM de Marcelo Bielsa n’avait, de toute façon, jamais pu gagner ce match ? Et si, parfois, le résultat ne dépendait que de l’adversaire ?
Au nom de Dimitri Payet
Bielsa choisit sa défense à trois. Un choix qui pourrait être expliqué par une logique défensive – les trois défenseurs pour marquer les trois attaquants adverses, les latéraux pour marquer Verratti et Matuidi –, mais qui est surtout rationalisé par les besoins de l’attaque marseillaise. On y voit deux justifications. D’une part, sans Imbula, personne à Marseille n’a la technique et le talent pour faire avancer le ballon à l’aide de sa seule technique : puisque Lemina ne saute pas les lignes, Bielsa demande à son schéma de le faire à sa place. En jouant un football de position basé sur Dja Djédjé et Mendy, Bielsa donne à sa relance deux références hautes sur le terrain. Et puisque Blanc joue avec deux faux ailiers comme Pastore et Cavani, le schéma du PSG ne peut s’étirer assez pour empêcher Marseille de gagner facilement du terrain sur les côtés. D’autre part, l’absence d’Imbula permet de résoudre une énigme du fonctionnement tactique de l’OM cette saison : ce désert axial.
Cet été, déjà, toute la France s’était demandée quel milieu habile allait venir donner un coup de main à Giannelli dans la construction ambitieuse de Bielsa. Puis, la France s’était résignée : ce football n’allait pas pouvoir être exquis sans un cerveau supplémentaire au milieu. Enfin, ce vendredi en salle de presse, Bielsa a lâché ça : « Oui, avec une défense à trois, Imbula est trop esseulé au milieu. C’est exact. » C’est un fait, et ça n’est pas un problème. En fait, l’absence d’Imbula nous a permis de voir que le désert axial de l’OM pouvait être voulu par Bielsa pour offrir de l’espace à Payet. Puisque le jeu marseillais part systématiquement des positions de Dja Djédjé et Mendy, Payet devient un créateur de mouvement dans une zone immense qu’il est le seul à habiter, à l’image de Marek Hamšík dans le Napoli de Mazzarri ou de Bryan Ruiz dans le Costa Rica du Mondial brésilien. En première période, le PSG n’a d’ailleurs pas eu de réponses face à cette liberté (malgré la générosité de Matuidi), qui est à l’origine du premier but. Cet isolement permanent de Payet permettrait aussi de justifier le refus de Bielsa d’aligner Michy et Gignac ensemble, afin d’insister avec deux ailiers et d’écarter le jeu et l’adversaire.
Péché d’ambition et manque de réaction de Bielsa ?
Lorsque le score chavire à la reprise et qu’il faut à nouveau partir à l’abordage, l’OM conserve ses mêmes idées. À l’heure de faire des changements, Bielsa conserve aussi l’équilibre : Batshuayi prend la place de Gignac, Alessandrini prend celle d’Ayew. Ocampos, lui, a remplacé Thauvin. Pas d’attaquant supplémentaire, donc : on garde le même système, et on change seulement la batterie. Le problème, c’est que le PSG s’est mieux organisé. Un manque de réaction décisif… Enfin, le système de l’OM aurait-il pu empêcher les buts « isolés » du PSG ? Au pressing, on a vu un OM volontaire et agressif : 6 interceptions du seul Romao, 4 de Fanni, 4 fautes de Gignac. Si Marseille n’a pas récupéré plus de ballons hauts, c’est bien parce que le PSG n’a pas pris autant de risques qu’au match aller, ou alors parce que Verratti est injouable, ou les deux. Mais de la 30e à la 45e minute, Pastore ne touche que 4 ballons, le marquage individuel crispe la circulation parisienne, Payet trouve des espaces, et l’OM marque deux fois, se créant aussi plus d’occasions que son adversaire. Sur chaque touche côté gauche, Maxwell doit demander de l’aide, car Cavani se propose, mais reste trop maladroit. Bref, Paris souffre.
Mais ça n’a duré qu’un quart d’heure. Une fois que le pressing a été battu, il a suffi d’une glissade chanceuse d’Ibra et d’une accélération de Pastore pour souligner les cruelles carences défensives de l’OM. Après tout, seuls Bordeaux et Rennes ont fait pire que leurs 34 buts encaissés chez les dix premiers de Ligue 1. Un système moins ambitieux aurait-il donné plus de garanties défensives ? Attendre les Parisiens dans son camp, fermer au maximum les espaces et spéculer sur des contres bien menés, un peu de chance et un ou deux faits de jeu favorables ? Le PSG aurait eu son habituel 65% de possession, mais les carences défensives marseillaises auraient été seulement maquillées. Or, Bielsa ne fait pas dans le superficiel. Fidèle à ses idées, El Loco a préparé un dispositif ambitieux. Et puis, il est mort avec. Sans oublier sa classe : « J’ai vu un niveau satisfaisant de la part de nos joueurs. Mais le dispositif que j’avais proposé pour ce match n’a pas été satisfaisant » .
L’ouverture de Blanc
À l’aller, les deux équipes avaient chanté un duo de pressing et d’intensité très structuré dans une sorte de « choc des possessions » . Hier, Blanc n’a pas placé son combat sur le ballon. Puisque l’OM ne s’était procuré des occasions que sur des récupérations dans le camp adverse, autant se débarrasser plus souvent de la balle, a dû penser Blanc. Décomplexé de ce « besoin » de la possession, l’entraîneur parisien a mis en place des idées de jeu hybrides. Un coup, la circulation de balle qu’attendait Bielsa, avec l’éternel duo Motta-Verratti (152 passes à eux deux). Et puis, un autre, une alternance de longs ballons vers Ibra ou via Matuidi. Le PSG a mis du temps à s’adapter à défendre sans ballon, mais la conséquence principale de ce flottement est la suivante : en variant des phases de circulation de balle et des phases rapides et de jeu long, Blanc est parvenu à casser la machine marseillaise, qui aime tant monopoliser le ballon, multiplier les mouvements, épuiser la défense adverse et la noyer dans le surnombre. Bielsa l’a dit : « Je crois que la clé du match, c’est le fait qu’on n’ait jamais été à l’aise et qu’on n’ait jamais pu imposer notre jeu » .
À l’image de l’Atlético de Diego Simeone, Paris varie les formes, mais conserve le fond : une production d’occasions constante (11e, 19e, 35e, 49e, 51e, 61e, 66e, 72e, 83e, 84e). Un football à l’image de Javier Pastore, insaisissable, fragile, mais dangereux. Mais ce flottement a un prix : une défense double face. L’équation défensive du PSG est la suivante : réussir à bloquer les montées des latéraux de l’OM sans abandonner le marquage de Payet ni perdre de vue les mouvements de ses ailiers. Après un bref calcul, on se rend compte que la mission est compliquée pour Verratti, Motta et Matuidi. Car Pastore et Cavani doivent gêner la relance de Romao et Morel, Zlatan doit penser à sa prochaine action, et le PSG défend donc avec seulement sept hommes. La première période est laborieuse : Payet a de l’espace, et seules les interventions brillantes de Thiago Silva permettent à Paris de souffler. L’organisation gagne en rigueur à la reprise, avec un axe Verratti-Motta qui se resserre. En fait, en première période, Blanc avait déjà essayé d’annuler les problèmes de relance en écartant David Luiz au maximum à gauche, et en demandant à Maxwell de monter d’un cran (pour faire reculer Dja Djédjé), mais le Brésilien s’était blessé quelques instants plus tard.
Et la défense avec le ballon ?
Si le PSG a semblé maîtriser son sujet sans maîtriser son football, c’est aussi parce qu’il s’est retrouvé incapable de défendre son résultat avec le ballon jusqu’à l’entrée de Rabiot à la 82e. À 2-3, on a vu un drôle de PSG spéculant sur les dribbles enchanteurs de Pastore et la finition capricieuse de Lavezzi, et pensant peut-être un peu trop à Saint-Étienne et Bastia. Évidemment, le pressing marseillais a sa part de responsabilités. Mais l’entrée du milieu français aurait pu arriver plus tôt, ce qui aurait permis aux Parisiens d’avoir une dernière demi-heure de contrôle, et non un petit quart d’heure. En attendant une prochaine titularisation, le gaucher a parfaitement rempli sa mission, ce qui n’est pas le cas d’un Edinson Cavani qui ne s’est même pas montré précieux défensivement.
Par Markus Kaufmann
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