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Les leçons tactiques de la défaite de Manuel Valls à Barcelone

Par Douglas de Graaf
6 minutes
Les leçons tactiques de la défaite de Manuel Valls à Barcelone

Plombé par une philosophie de jeu trop restrictive et agressive, Manuel Valls a encaissé une sévère défaite en Coupe de Catalogne dimanche, terminant à une peu glorieuse 4e place. Conséquence de cette débâcle : l’ancien Premier ministre ne verra pas la Ligue des champions la saison prochaine.

C’était le match de l’année pour lui. À l’image d’un PSG dont la saison est jugée sur un ou deux grands rendez-vous en Ligue des champions, Manuel Valls jouait très gros en Coupe de Catalogne dimanche dernier. À l’issue de 90 minutes intenses et malgré une grosse préparation en pré-saison, l’ancien Premier ministre n’aura pas réussi à justifier son retentissant transfert en provenance de l’Assemblée nationale française en octobre 2018. Temps d’adaptation trop faible ? Difficultés à s’adapter aux caractéristiques du très joueur championnat espagnol ? Projet de jeu inadapté ? Les raisons de l’échec sont nombreuses.

En choisissant de sortir de sa zone de confort pour se tester dans un championnat et un club plus huppés, Valls partait pourtant en terrain connu, lui le globe-trotter habitué à animer le mercato d’été (3 clubs en 3 ans) et à se faire trimbaler de poste en poste (entraîneur au Evry FC, adjoint au PS, directeur sportif de l’équipe de France…). L’Espanyol Barcelone pouvait-il rêver d’une recrue avec une telle expérience et au CV aussi richement garni ? Lui, l’homme d’État, devait devenir le taulier du vestiaire des Pericos pour concurrencer rapidement le grand Barça. Natif de Barcelone, parlant le catalan sans une once d’accent, le Franco-Espagnol ne semblait pas avoir besoin d’une grande période d’adaptation.

Mouiller le maillot ne suffit pas

D’autant que pour relancer une carrière en perte de vitesse, l’Espanyol avait offert plusieurs garanties au transfuge, couchées noir sur blanc dans son juteux contrat : le fixer à son poste préférentiel de milieu défensif (pour exprimer au mieux ses qualités de récupération) et lui garantir la mise en œuvre de son propre projet de jeu pour l’équipe. En obtenant l’adhésion à sa cause du couloir droit mené par l’ailier Ciudadanos, qui lui garantit des efforts dans le repli défensif, les conditions semblaient idéales pour que la méthode Valls produise rapidement ses effets.

Mais voilà : à 56 ans, l’ancien locataire de Matignon fait désormais son âge et qu’importe que l’équipe soit bâtie autour de lui si le corps ne suit pas. Ce n’est pas faute d’essayer, pourtant, l’ancien de l’AS La République en Marche n’ayant rien perdu de sa combativité et de sa rugosité au duel. Sur le terrain, Valls donne tout et continue de mouiller le maillot, à l’image de l’action Youtube qui a fait sa réputation lors d’une rencontre de Coupe de la Ligue à La Rochelle en août 2015.

À Barcelone, on l’a notamment aperçu en pleine nuit, balai à la main, en train de coller lui-même ses affiches de campagne en pré-saison, afin de retrouver une condition physique digne de ses ambitions. L’ex-d’Evry multiplie aussi les porte-à-porte pour dénicher de nouveaux talents afin d’améliorer son effectif et convaincre les socios indécis de supporter « l’autre » formation de Barcelone. Rien n’y fait, Valls part de trop loin. Pendant toute la saison, les journalistes sportifs et les consultants prédisent déjà son échec, l’accusant d’être venu en pré-retraite et d’avoir accepté la première porte de sortie pour fuir un pays où il a été mis au pilori à cause de ses changements d’allégeance répétés. Son idylle avec Susana Gallardo, riche héritière d’un grand groupe pharmaceutique, ne manque d’ailleurs pas de faire fleurir les comparaisons avec Adil Rami, autre star en perdition sur le terrain, mais pas en amour.

Outre un rendement trop faible sur le pré malgré son volontarisme, Manuel Valls paye l’échec de sa philosophie de jeu, à la fois trop frileuse et trop musclée pour le championnat espagnol. Dès son arrivée, le milieu défensif annonce la couleur : avec lui, pas de place pour l’improvisation et la liberté offensive. Catenaccio, bloc bas et compact, jeu centré sur la verticalité sont au contraire au menu, des principes qui ne passent pas chez des joueurs adaptés à se ruer vers l’attaque. Son fameux système en 4-9-3, tiré d’un article de la Constitution française qui lui est cher, cristallise toutes les critiques. Par ailleurs, faisant de la lutte contre l’insécurité sa priorité, le capitaine gueulard avait promis d’augmenter les effectifs de la police municipale et le nombre de caméras de surveillance, comme il l’avait fait lors de son passage à Evry. Mais l’aseptisation de l’ambiance dans les tribunes ne passe pas auprès des socios, qui désertent peu à peu le stade, de même que l’utilisation abusive des séances vidéo à l’entraînement qu’il impose à son groupe.

État d’urgence

Voyant ses joueurs le lâcher, largement mené à la mi-temps, Valls décrète l’État d’urgence et change radicalement de stratégie. Habitué à clasher ses rivaux sans prendre de gants, il abandonne son sécuritarisme et fait de l’anti-indépendantisme catalan son nouveau cheval de bataille. Valls se pose en héraut d’une Barcelone ouverte à l’Europe et au monde, en opposition à un Barça enfermé dans son tiki-taka et sa Masia et favorable au projet de la réforme de la C1. Sauf qu’après tant d’années passées hors d’Espagne, le Français oublie de remarquer qu’Ernesto Valverde est passé par là sur le banc des Blaugrana et que le pragmatisme de ce dernier ne diffère pas tellement du sien.

Concernant le jeu, Valls passe aussi à l’offensive, rappelant certains virages à 180° effectués après les échecs de sa philosophie minimaliste. Un pressing haut et agressif prend le relais, et son discours musclé refait des siennes. N’hésitant pas à qualifier l’entraîneur du Barça de « populiste » , Valls joue la carte du conflit, mais oublie que sa stratégie agressive lui a déjà fait du tort dans le passé. Son message voilé en référence à la remontada de la Roma contre le Barça l’an dernier – « Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie » – n’est pas compris par les socios, et sa vision d’un club ouvert finit par se retourner contre lui après que ses propos flirtant avec le racisme à Evry ont refait surface. L’Espanyol est ainsi forcé de rompre son contrat et de lui trouver un rôle dans son staff, où il siégera désormais sur les bancs de l’opposition au sein de la direction.

Dans cet article :
So Foot consacre un hors-série aux numéros 9
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Par Douglas de Graaf

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