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Les leçons tactiques de Juve-Barça

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de Juve-Barça

La Juve était condamnée au chef-d'œuvre, et Berlin a parfois cru en voir les couleurs. Mais ce n'était qu'une illusion, bien entretenue par un Gigi Buffon de rêve. Le Barça, bien plus luxueux footballistiquement, nous a montré tout ce qu'il était en un seul match : patient mais dangereux, déséquilibré mais solide, spécial mais parfait.

Messi surprend le losange

Sur la scène olympique berlinoise, les danseuses se retirent et laissent place aux visages angéliques et aux gueules cabossées des artistes en crampons. Mais sans la musique, Mascherano perd rapidement le rythme. Deux mauvaises relances consécutives plus tard, la Juventus est déjà installée dans le camp barcelonais. Les Italiens n’ont pas le ballon, mais les pattes d’acier de Tévez et Vidal font tout pour trancher les pieds de velours des Catalans. Pressing haut et agressivité pour le 4-3-1-2, comme prévu. Seulement, comme prévu – aussi – la densité axiale turinoise a ses points faibles. Le manque de largeur, notamment.

Lorsque Messi renverse le jeu vers Jordi Alba, le bloc de la Juve met logiquement trop de temps pour venir aider Lichtsteiner, bien plus à l’aise quand il a trois centraux derrière lui. La lecture du jeu de Neymar et Iniesta, ainsi qu’un bon appel de Rakitić font le reste du travail, alors qu’Allegri se demande comment sa défense ultra-compacte a pu se faire pénétrer dans sa propre surface en trois minutes. Quand il reverra les images cet été, il pourra imaginer ce qui serait arrivé si Pirlo était descendu entre ses deux centraux pour combler la distance créée par le décrochage de Barzagli. Il pourra aussi se demander si Chiellini aurait pu éviter ce but, par un tacle rageur héroïque, un bon coup de gueule au bon moment sur ses milieux ou une faute génialement inventée.

Lecture du match à l’italienne

« Gagner n’est pas important, c’est la seule chose qui compte » , peut-on lire sur tous les murs du Juventus Stadium, dans le col des maillots des Turinois et certainement dans l’âme de nombreux tifosi de la cité habitée par Giampiero Boniperti. Au regard de son histoire et de l’identité qu’elle tente de véhiculer depuis à peu près toujours, le visage de beau perdant ne va pas bien à la Juve. Et pourtant, l’équipe d’Allegri va devoir apprendre à vivre avec ce profil sur la scène européenne. Face à un Barça si élaboré, le coach toscan avait plusieurs équations à résoudre. La première a été aisément résolue par une défense habituée à évoluer près de sa surface : ne pas donner d’espace à la profondeur de Luis Suárez. La seconde, qui était de bousculer l’ordre de la possession barcelonaise, aura finalement abouti sur des résultats mitigés : des frappes lointaines de Marchisio, sans plus. Mais au-delà des questions tactiques ponctuelles comme les mouvements salvateurs de Vidal, c’est l’attitude globale de l’équipe qui doit être analysée. Parce qu’il y a quelque chose d’inexplicable dans le football italien.

Cette sérénité face à la tempête, cette faculté à souffrir sans crier, à reculer sans craindre. Un phénomène qui s’est vérifié une fois de plus hier soir. Alors que le tableau d’affichage aurait pu afficher un 2-0, voire 3-0 sans surprise au bout du quart d’heure de jeu, la Juventus a réussi à atteindre l’heure de jeu avec un 1-1 et un gros temps fort en bonus. Un savoir-faire ? Peut-être. Mais si la Juve avait besoin de « onze animaux » pour l’emporter d’après Bonucci, l’image donnée par l’équipe d’Allegri a été bien plus cérébrale : celle d’une équipe qui parvient à regarder au-delà de son temps faible ou fort du moment. Un groupe capable d’attendre, de foncer, de ralentir et d’accélérer aux moments opportuns. Ponctuellement, cette réflexion se traduit évidemment par les fautes tactiques de Vidal, Pogba et Bonucci, et semble à première vue se situer en défaite technique. Que nenni. Ces fautes à répétition, ainsi que certaines bonnes respirations de Morata, auront permis à la Juve de gagner du temps et de rester vivant.

Mais les arrêts de Buffon, le sérieux d’Évra, le cœur de Vidal et les bonnes interventions de Barzagli et Bonucci auraient-ils pu suffire ? En seconde période, l’ambitieux Pogba aura souvent été le seul à vouloir prendre ses responsabilités pour aller chercher l’impossible. La marque des champions. Quelques chiffres rendent compte de la supériorité effrayante du Barça. D’autre part, les hommes de Luis Enrique ont réussi quinze dribbles, contre six pour la Juve. Le seul Messi en a réussi dix. D’autre part, le Barça a subi 23 fautes, alors que la Juve n’a su en provoquer que neuf. Voilà la différence entre une équipe qui souffle et une autre qui souffre.

Le cas Pirlo

Il fallait que ce soit lui, Massimiliano Allegri. Il fallait que ce soit lui qui ait à faire ce choix dramatique. Il fallait que ce soit lui qui décide si Andrea Pirlo devait être titulaire lors de cette finale de Ligue des champions. Alors, l’ex-technicien du Milan qui avait osé relâcher Pirlo pour privilégier un milieu de muscles et de poumons a finalement fait le choix des beaux pieds du barbu. Mais s’agissait-il d’un choix courageux ? Allegri s’est-il écouté ? A-t-il cédé à la pression, ou plus simplement à l’espoir de voir Pirlo tout régler sur un coup de pied arrêté magistral ? Après une heure et demie d’un ultime combat, ce coup de pied arrêté n’a jamais été sifflé et la titularisation de Pirlo est devenue une mauvaise décision. D’une part, la présence du vétéran à l’apport défensif limité n’a pas aidé la Vieille Dame à se montrer conquérante au pressing, laissant le Barça dominer outrageusement la première période. La Juve aurait-elle pu avoir un visage plus agressif avec Marchisio en regista et Pereyra en relayeur ?

D’autre part, la prestation de Marchisio, tout en maîtrise des deux pieds et de l’espace, a mis en lumière les difficultés que traverse ces derniers temps la réflexion du jeu de Pirlo. Un meneur qui s’est fait bousculer par le marquage infatigable de Suárez en début de match, et qui n’a jamais su trouver ses marques, alors qu’il devait justement devenir le repère des siens. L’entrée prématurée de Pereyra aurait-elle pu changer la donne ? Les mouvements vers l’avant de l’homme-clé de la victoire à Dortmund auraient pu permettre à Lichtsteiner de se protéger plus longtemps en deuxième période. « On ne gagne pas à onze, mais à quatorze » , disait Lippi cette semaine à la Gazzetta. Cette fois-ci, Allegri n’a rien bouleversé avec ses changements, tous réalisés après le deuxième but du Barça.

Tout le Barça en une fois

Lors de sa présentation au Camp Nou, Luis Enrique avait préféré parler de style de jeu que de philosophie. Une saison plus tard, il a réalisé un chef-d’œuvre de compromis tactique entre les besoins d’idées de jeu collectives et l’impact du talent individuel. Hier, le Barça est parvenu à danser habilement entre l’élaboration de son jeu de possession et la vitesse de son jeu direct. Le Barça de la possession, en première période, aura montré ses deux visages : une équipe conquérante à la récupération et prête à courir pour se donner le droit de prendre plus de risques offensifs, puis une équipe de « gestionnaires du ballon » , très voire trop patiente, qui aura d’ailleurs fini par laisser échapper sa proie. Puis le Barça du jeu direct, en seconde période, aura alterné le meilleur et le pire : une production de contres impressionnante, mais aussi une dizaine de minutes de doutes dans la défense de la transition. Finalement, ce n’est peut-être pas un hasard si les deux premiers buteurs sont les deux recrues à l’ADN forgé dans le football direct : Rakitić et Suárez. Pour le Barça, cela donne un but construit, deux autres en contre, et des adversaires qui n’ont pas encore trouvé la solution. Il ne s’agit pas de le priver de ballon, comme l’a fait le Bayern de Guardiola. Il ne s’agit pas non plus de l’attendre et de le piquer, comme a essayé de le faire la Juve. À qui le tour ?

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