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Les leçons tactiques de Géorgie-France

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de Géorgie-France

La France a toujours aimé se faire prendre par la main. Et mettre un nom sur ses conquêtes. Napoléon. De Gaulle. Platini. Zidane. Tony Parker. Depuis quelques semaines, il est admis par tout l'Hexagone que la conquête du Brésil en 2014 devra porter celui de Franck Ribéry. Alors que Teddy Riner a remporté son sixième titre mondial pour les couleurs de notre beau pays, le peuple se demande pourquoi Ribéry gagne avec le Bayern, mais pas avec les Bleus. Parce que Franck a beau faire tout ce qu'il peut, créer cinq ou six situations dangereuses par match, les Bleus produisent encore trop peu de football. Même face à la Géorgie.

Chaque match a son histoire. Hier soir, il s’agissait de faire exploser le verrou géorgien. Un coffre-fort positionné en banlieue de Tbilissi, entouré d’une foule de 25 000 fans de lutte, et déguisé en un 4-4-1-1 « de résistance » . On ne peut pas rapprocher ce match de la défaite contre l’Espagne ni comparer les prestations des Bleus. Hier, Deschamps devait faire sans trois milieux aussi importants que Pogba, Matuidi et Cabaye. Il a choisi Guilavogui et Sissoko, et a échoué. Au cœur du jeu, le cœur du problème.

Pas de milieu, pas de football
De tous les milieux de terrain alignés hier soir dans les compositions des grandes nations européennes, la paire Guilavogui-Sissoko est certainement la moins apte à créer du mouvement, manœuvrer des changements de rythme ou même faire circuler le ballon. Pirlo, De Rossi, Motta pour l’Italie. Gerrard, Wilshere, Lampard à Londres. Moutinho, Veloso, Meireles pour le Portugal. Kroos et Khedira à Munich. L’Espagne devait faire sans Busquets ni Alonso, et aligna Mario Suárez, Xavi et Iniesta. Le football est impulsé par le milieu de terrain, il marque l’équilibre, le rythme et l’état d’esprit d’un onze. En alignant Guilavogui pour remplacer Pogba et Sissoko pour Matuidi, Deschamps a non seulement provoqué une grande perte de qualité chez les Bleus, mais s’est aussi trompé de mission. Fallait-il vraiment craindre les contre-attaques géorgiennes ? Aurait-il été vraiment téméraire d’aligner un seul récupérateur ?

Un mauvais choix, et trois conséquences. D’une, l’arme française la plus dangereuse, Ribéry, se voit obligé de faire le jeu et d’amorcer les attaques françaises bien trop loin des cages adverses. De deux, le principal créateur Bleu depuis un an, Valbuena, n’a pas d’interlocuteur derrière lui capable de créer les conditions d’une bonne passe ou d’un intervalle intéressant. De trois, la France manœuvre lentement, ne change pas de rythme et peine à bouger le verrou géorgien. En retour, les Bleus ont des hommes pour interrompre plus ou moins rapidement les contre-attaques blanches. Bon. Et alors ? Durant 78 longues minutes, l’équipe de France a ainsi donné l’impression de ne jamais aller à l’essentiel. On s’applique à construire des combinaisons, on va à droite, à gauche, il y a certaines ententes Ribéry-Évra, certaines tentatives Valbuena-Sagna, mais on ne perçoit jamais le danger, car sans milieu, sans moteur, la France ne parvient pas à exercer une pression nécessaire pour donner de l’intensité à ses attaques. Jusqu’à l’entrée de Nasri.

La liberté de Ribéry, les bons ballons de Valbuena et le retour de Nasri

Dans cette configuration, seule la liberté de Ribéry permet aux Bleus de se montrer offensifs, voire tout simplement actifs. Ce sont ses décalages vers un Valbuena qui coupe les lignes et vers un Giroud en pivot qui nous permettent de voir du jeu. À gauche, à droite, au repli défensif et en attaque, Ribéry joue son football comme depuis maintenant un an avec les Bleus. De son côté, Valbuena est moins dangereux à droite que libre dans l’axe. Avec Sissoko et sa conduite de balle de basketteur sur le couloir droit, Valbuena aurait été moins bousculé par le physique des Géorgiens. Benzema, positionné dans le « trou » entre Giroud, Ribéry et Valbuena (et non pas en deuxième pointe), a semblé perdu. La présence de Giroud a le mérite de donner du sens, ou du moins une direction au jeu des Bleus. Mais s’il veut avoir une influence autrement plus intéressante que des remises sans espoir, le 9 Bleu doit être capable d’étirer la défense, de la challenger, de passer dans son dos. Benzema aurait pu l’aider, mais son attirance pour le ballon semble irrésistible. Quand un numéro 9 touche le ballon, cela doit être pour frapper. Et sans pour autant faire du grand Trezeguet, c’est dans ce sens-là que le jeu de Gignac peut être intéressant.

Finalement, il a fallu attendre la 78e minute pour voir le premier changement structurel des Bleus, et on peut avoir des regrets quand on voit l’excellente intensité du dernier quart d’heure des Français. Samir Nasri entre en jeu, et la dynamique se met en marche. Le temps entre la récupération et la remise en position offensive du onze bleu est bien plus court. Il manquait tout simplement des bons pieds au milieu. Nasri contrôle mieux, regarde plus et lâche plus proprement le ballon que les autres. À défaut de faire de la magie (quel dommage que cette volée sur corner n’ait pas été cadrée), Samir fait du jeu et remet en cause l’acceptation générale de sa mise à l’écart depuis l’Euro 2012. La magie, comme souvent, vient du pied droit de Valbuena. Le dialogue entre les deux est facile, la Géorgie est plus fatiguée, et Mathieu trouve deux fois Giroud. Un bel arrêt, et un contrôle affreux. Gignac n’aura pas eu de bons ballons, mais se sera montré disponible.

Une bonne équipe de barrages ?
Les plus pessimistes répètent depuis hier soir qu’en 2013, l’équipe de France est incapable de marquer ne serait-ce qu’un but contre la Géorgie. Les optimistes préfèrent parler des grosses occasions créées par les Bleus dans le dernier quart d’heure et par les bonnes prestations face à l’Espagne. Si la qualification au Mondial sera incertaine jusqu’au bout, la France ne sera pas non plus un adversaire facile lors des barrages. Elle sera à sa place, finalement. Il s’agira de faire les bons choix à ce moment-là, et d’espérer pouvoir compter sur Varane et Pogba en bonnes conditions. Le processus est long, mais comme toujours, l’émotion viendra inévitablement avec les résultats.

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Par Markus Kaufmann

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