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Les leçons tactiques de France-Écosse

Par Markus Kaufmann
5 minutes
Les leçons tactiques de France-Écosse

Face à des Écossais plus joueurs que dangereux, les Bleus ont offert à la Lorraine leur première clean sheet depuis novembre dernier contre l’Allemagne. Surtout, l’équipe de France a bossé les exos donnés par M. Deschamps : Kanté et la difficile interprétation du poste de numéro 6, la relance depuis les pieds de Rami et Koscielny, et enfin l’animation des couloirs. Une première période pleine d’enthousiasme et de rigueur, et puis le talent de Griezmann et Martial. Hourra, le prochain match ne sera pas amical.

Les chiffres des Bleus

18 – le nombre de ballons touchés par Giroud en 62 minutes. En une demi-heure, Gignac a participé 16 fois à l’animation bleue. Deux 9, deux styles.- 5 – le nombre de tirs des défenseurs français samedi soir : 2 pour Rami et Koscielny, 1 pour Évra. Sagna s’en tire avec une passe décisive.- 77% (10/13) – la réussite du jeu long de Paul Pogba, un bol d’air. Le Juventino a aussi été le milieu le plus actif avec 89 ballons touchés, plus que Kanté, qui devra être moins timide vendredi prochain. – 3 – le nombre d’occasions franches que s’est créées Yohan Cabaye en 35 minutes sur les deux rencontres, démontrant une fois de plus que sa place n’est pas devant la défense, mais bien entre les lignes. – 43 – le nombre de ballons touchés par Payet en 45 minutes, soit quasiment un par minute, comme un vrai meneur. Griezmann a répliqué avec 39 dans une seconde période moins rythmée. Ça fait – un peu – penser à la paire Zizou-Snake, non ?

Vole comme le papillon

Si les Bleus nous ont habitués à piquer comme l’abeille depuis le mois de mars – 10 buts marqués en trois matchs, 13 en 4 rencontres depuis samedi – ils étaient loin de voler comme le papillon. La faute à une lourde valise : une moyenne de deux buts encaissés par match. Mais samedi soir contre l’Écosse (qui a fini 4e de son groupe d’éliminatoires derrière l’Allemagne, la Pologne et l’Irlande), les Bleus ont réussi à se défaire de cet inconfortable costume de chenille avec une clean sheet. Une ligne suffit pour décrire la performance défensive française à Metz : les Écossais ont attendu la 86e minute pour « réussir » leur premier tir de la rencontre, de l’extérieur de la surface de Lloris. Une mue qui est née dans le ciel de Saint-Symphorien : les Français ont largement dominé les Écossais dans les duels aériens, au milieu et dans les deux surfaces. Sur le papier, ça donne 10 duels gagnés à 5. Sur le terrain, cela s’est vu grâce à un Koscielny et un Évra dominateurs. Plus haut, il faut souligner l’énorme impact de Pogba à la perte de balle : conquérant, le numéro 15 a poussé tout le milieu à défendre en avançant.

Kanté, l’interprétation du poste de 6 et la relance bleue

La muraille bleue a enfin tenu, et les canons français ont à nouveau frappé fort. Pourtant, le jeu des hommes de Deschamps partira à la conquête de l’Hexagone avec un gros doute : la qualité de son schéma de relance. Depuis les forfaits de Varane et Lass, ce secteur du jeu fait des cauchemars. L’équation à résoudre conserve trois zones de brouillard lorsque le ballon repose dans les pieds de ses défenseurs centraux. D’une, la difficile utilisation des deux latéraux, largement plus à l’aise sans le ballon ou face au jeu. De deux, la qualité du jeu long des centraux. Et de trois, enfin, l’absence de quarterback devant et/ou entre Rami et Koscielny. Samedi soir, Deschamps a lancé Kanté dans le grand bain.

Dans un rôle très éloigné de celui qui est le sien à Leicester, l’ancien Caennais s’est longtemps cherché. Bien moins à l’aise que Lass dans le trafic, Kanté a souvent proposé une solution bancale à droite de Rami ou préféré les passes en retrait à l’orientation du jeu. Accompagné par un Pogba très généreux lors de la première demi-heure, il a ensuite été soulagé par les interventions dézonées de Payet, Coman et puis Griezmann. De manière générale, l’animation du milieu a souffert de l’absence d’un repère axial et a conduit la relance bleue à porter le ballon plutôt qu’à le faire circuler, dans un style très Premier League, ce qui aurait pu amener de dangereuses pertes de balle. En seconde période, Griezmann a offert du jeu court, des combinaisons et du pressing à l’espagnole, se présentant avec une aile de pigeon qui ressemblait à un hommage au slogan de la FFF : « Pour la joie de jouer » (véridique).

La question de l’animation des ailes sans Martial ni Coman

Avec des ressources offensives aussi variées, que ce soit sur jeu placé, contre-attaque ou coup de pied arrêté, la principale limite de l’animation offensive bleue reste l’utilisation des couloirs. Avec deux latéraux aussi conservateurs, Deschamps a un vrai défi. Mais pour le relever, il a aussi deux alliés. À droite, la largeur qu’offre Coman, capable d’enflammer un couloir entier à lui tout seul. À gauche, les courses de Matuidi, toujours. Mais celles-ci impliquent l’existence a priori d’une construction collective : parce que Payet joue naturellement vers l’intérieur, le côté gauche est orphelin de la possibilité d’éliminer en un contre un.

D’où un dilemme : avec la probable absence de Coman dans le onze de départ – au profit de Griezmann – les Bleus se retrouvent condamnés à compter sur les montées d’Évra et Sagna pour déborder leurs adversaires. La passe décisive du latéral de City a rassuré, tout comme les nombreuses visites d’Évra dans la surface écossaise. Mais en seconde période, les prises de balle de Martial ont tout bonnement transformé l’aile gauche française. Dès qu’il tient le ballon, le Mancunien réussit à arrêter le temps avec sang-froid tout en accélérant le jeu avec pause. D’où une véritable interrogation pour le sélectionneur : comment parvenir à exploiter le potentiel de Martial et Coman tout en conservant le volume de Griezmann et Payet au cœur du jeu ? A priori, seuls deux des quatre devraient débuter les rencontres dans ce 4-3-3.

Giroud en boxeur

Sans Karim Benzema, possiblement le numéro 9 qui sait le mieux nourrir le jeu de nos jours, la France de 2016 sera portée par un avant-centre au style de boxeur en crampons. Un joueur qui touche peu le ballon, un attaquant qui défie les défenseurs plus souvent avec ses épaules qu’avec ses dribbles, mais une pointe qui sait cogner. Samedi soir, Giroud a gagné par K.O., en deux coups : une madjer d’abeille et un tir-tacle de déménageur qui aurait pu « tuer un rocher, blesser une pierre et envoyer une brique à l’hôpital » . Assez méchant pour rendre la médecine malade ?

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Par Markus Kaufmann

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