- Ligue des Champions – Demi-finale aller – Bayern Munich/FC Barcelone (4-0)
Les leçons tactiques de Bayern-Barça
Non seulement ce Bayern de Munich a fait chuter l’immense FC Barcelone, mais en plus, il a su y mettre les formes. L’Histoire étant un éternel recommencement, il fallait donc des Allemands pour mettre fin au règne foototalitaire du FC Barcelone.
Le plan de bataille était simple, efficace et surtout appliqué à la lettre. Ce Bayern a le meilleur de Chelsea ou de l’Inter en défense, mais avec un jeu d’attaque d’une qualité que le Barça n’a quasiment jamais affrontée. Sauf, quelquefois, contre le Real du Mou. Alors le Bayern a reproduit la formule : 4231, combinaisons létales sur coups de pied arrêtés, et contre-attaques une fois le Barça bien monté dans sa possession. Et l’a même boosté, porté par des joueurs d’exception et un goût prononcé du travail bien fait.
La journée de la Jupp
Sur le but de Robben, l’écran de Thomas Muller rappelle fortement le basket. S’il aurait d’ailleurs été sifflé (dans le dos et en mouvement, on ne doit pas bouger pour poser un vrai écran dans les règles de l’art), ce geste trahit la volonté du Bayern Munich de jouer au football comme on doit jouer au basket, au ping-pong ou aux échecs : avec sa tête. Mouvements huilés, application des systèmes sur coups de pied arrêtés, et exécution d’un plan de jeu qui ne laisse aucun doute quant à son élaboration à l’entrainement, et dans le cortex de Jupp Heynckes.
Mention spéciale, donc, au Mister du Bayern, qui a su choisir, sublimer puis appliquer le bon plan de jeu. Qui a su surtout exploiter les faiblesses, de plus en plus criardes, de son adversaire. L’exploitation des carences barcelonaises fut en effet totale. D’abord du petit état de forme de Messi et des siens. Le Bayern s’est donc pointé en toute sérénité, surtout défensive. Un seul tir cadré pour les catalans au cours de la rencontre. Et une méthode assez simple : presser les Barcelonais dès la remise en jeu de Valdès, les empêcher de mettre facilement la balle au milieu de terrain, ou en tout cas, les retarder le plus possible. Mais une fois cela fait, car le Barça parvient tout de même toujours à trouver ses milieux de terrain (ou plutôt, ses milieux de terrain finissent toujours par se retrouver balle au pied), les joueurs du Bayern s’empressaient alors de former le bloc le plus solide possible, voire le plus bas, en tout cas le plus hermétique. Densité du bloc, couverture des lignes de passe, verrouillage permanent de l’axe ballon-but, gros abattage défensif des ailiers (mention spéciale à Ribéry sur Alvès), et Gomez ou Muller pour toujours aller chercher des noises à Sergio Busquets et l’empêcher de régner sur le territoire allemand. Pique et Bartra, eux, avaient du temps sur la balle, mais n’ont jamais su l’exploiter.
La Grosse Bertha
Ce qui fut exploité, en revanche, ce sont les carences défensives catalanes. Mais c’est surtout la qualité des offensives allemandes qu’il convient de souligner. Projections, prises d’espace, première intention, mouvements et rapidité d’exécution et une idée directrice : le but. Ce Bayern joue lui aussi pour les stats, mais non la possession, et bien les frappes. 90 cadrées avant ce match, soit le meilleur total des demi-finalistes de cette édition de Ligue des Champions. Et ça peut venir de partout. Ribéry ou Robben en jeu direct, Gomez sur des centres, Schweinsteiger qui est monté apporter le surnombre, ou Thomas Muller, dans tous les coins, sous tous les angles…
Oui, Thomax Muller, parce qu’il peut vraiment le maximum. Le monstre de Bavière a en effet quatre joueurs de très haut niveau dans les jambes. Un huit malin, technique, athlétique et clairvoyant (disons Claudio Marchisio). Un faux dix, c’est-à-dire un meneur qui cherche avant tout l’ombre pour mieux mettre ses partenaires dans la lumière, ou venir lui-même l’apporter d’un but, une sorte de facilitateur ultime, plein axe, position dans laquelle il a commencé la partie, avant d’être rapidement partout (disons Thomas Muller). Un ailier, aussi collectif que décisif, capable de la jouer extérieur comme de rentrer dans l’intervalle, grand et empli d’abnégation (une sorte de Dirk Kuyt sans les bouclettes). Et un neuf dans la plus belle tradition germanique, dynamiteur de surfaces, monstre de sang-froid et renard des ballons perdus (disons Rudi Völler). Quand il parlait de son Übermensch, Nietzsche parlait d’un être supérieur, d’un surhomme, animé par la plus haute volonté de puissance, à même de tout surmonter, même le nihilisme et capable ainsi de donner un sens à l’histoire pourtant sans but (et sans Dieu, mort) de l’humanité. Ne manquait alors qu’un nom au philosophe allemand. Aujourd’hui, il l’a. Ainsi jouait Thomas Muller.
La mise en bière du Barça
Plus bas sur le terrain, un autre surhomme a fait tourner la machine pour trois. Javi « Holy Motors » Martinez. Entre son abattage, son placement, sa qualité de passe, sa ruse, et son volume défensif (que de tacles, de ballons grattés, de duels remportés), le petit Espagnol a fait du Busquesta, soit une prestation parfaite quelque part entre Busquets et Iniesta. D’ailleurs, comme un symbole, la dernière action du match pour le petit milieu au teint blafard sera une faute sur Javi Martinez. Busquets dit de Martinez qu’il est le poumon du Bayern. Javi, lui, qu’il en a encore pour envoyer de l’action après-match : « Nous avons joué beaucoup de bon football cette saison, et je ne suis pas sûr que ce soit notre meilleur match. »
Peut-être pas leur meilleur match, mais pas loin quand même. Car, tout de même, les Bavarois ont été énormes. Peut-être la première fois d’ailleurs que le Barça affronte à ce stade une équipe qui est vraiment dans son meilleur moment. Alors que ce Barça lui-même est dans une sale période. En difficulté contre le Celtic, battu à l’aller par un moyen Milan, secoué par un valeureux PSG, il vient de se faire blitzkrieger par un Bayern d’acier. Sans Messi (une nouvelle fois évanescent), sans défense, sans plan B (un vrai 9, enfin ? Si possible rapide et technique, du genre, par exemple de Wayne Rooney ?), le Barça vient de se (faire) casser la gueule de son trône. Toute la limite du système Barça, qui avait mis l’Europe à feu et à sang, est symbolisée en une seule action, hier. Cette action où Pique monte en avant, un peu à l’arrache mais surtout pour apporter le surnombre ainsi qu’un vrai poids devant, n’est pas servi, revient aussi vite qu’il peut, c’est-à-dire assez lentement, en défense, puis se fait dépasser pour le troisième but du Bayern. A ce moment-là, devant son téléviseur, Pep Guardiola s’est dit deux choses. Qu’il allait être très difficile au Barça, sans lui, de trouver comment relancer la machine. Et qu’il allait être encore plus dur au Bayern, avec lui, de s’améliorer.
Par Simon Capelli-Welter