- Ligue des champions
- 8e de finale
- Leverkusen/PSG (0-2)
Les leçons tactiques de Bayer Leverkusen – PSG
Quatre coups de poignard, et le PSG est en quarts. Trop facile, ou presque, pour les Parisiens, qui ont réussi là où ils avaient échoué l'an dernier à Valence. L'occasion d'analyser la possession de Laurent Blanc, l'évolution du jeu d'Ibrahimović, la folie du talent de Verratti et la progression de la maturité parisienne.
Sur le papier, on voit deux 4-3-3. Et pourtant, Blanc et Hyypiä ont des théories (et des effectifs) bien différentes. Le PSG crie sur tous les toits son 64% de possession de balle. Le Bayer fait du 47%, mais n’a probablement jamais vraiment regardé. Conquête des seconds ballons, impact physique, tirs (15 par match !) : le Bayer est roi dans le chaos. Un Chelsea de Mourinho (2004-2007) du pauvre, en quelque sorte. L’an passé à la même époque, le PSG avait choisi les pions noirs à Valence (sans Motta ni Silva) : un 4-2-2-2 qui laissait 64% de possession à ses adversaires et brillait par l’intensité de Lucas et Lavezzi… Déjà, le PSG avait commencé fort.
Quand les duels et l’intensité annulent tout plan de jeu
Blanc et Hyypiä, tous deux illustres défenseurs centraux, savent bien que le football est avant tout un combat. Il faudra « attaquer quand nous aurons le ballon et ne pas trop les respecter » , disait Hyypiä avant la rencontre. À vrai dire, ses hommes n’ont pas eu le temps de se poser la question du respect. Une gifle énorme de Matuidi : l’intensité, le pressing et l’anticipation du Français ruinent le plan de jeu du Bayer. Le PSG devait avoir le ballon tout le match et tenter de ne pas se faire surprendre. Il aura d’abord surpris, et joué ensuite. Les Allemands se savaient « outsiders » . Dès la 6e minute, alors qu’ils enchaînent pour la première fois trois passes, ils se savent éliminés. Ce début de match est une première victoire pour Blanc, car si sa possession de balle est imparfaite, elle fait déjà peur à l’Europe, qui a bien en tête ce classement : Barça, Bayern, PSG…
Analyse de la possession du PSG de Blanc
Sous Carletto, le PSG n’a pas été éliminé par la possession du Barça. Le changement de projet de jeu n’a pas été amené par la nécessité du terrain, mais bien par la seule philosophie de son nouveau coach. Après une campagne convaincante en Ligue 1 et un groupe léger en C1, Blanc mettait donc en jeu sa crédibilité face au dauphin du Bayern en Bundesliga. Comparons avec le Barça, qui jouait aussi à l’extérieur hier soir. Une comparaison qui mérite d’exister si l’on admet deux choses : le fait qu’Ibra a un positionnement similaire à celui de Messi, et que le nombre de ballons joués est une statistique pertinente, malgré les écarts de rythmes et les adversaires différents. Alors, à qui appartient cette possession ? Xavi (144 ballons joués), Cesc (123) et Alves (119), d’un côté. Motta (146), Verratti (123) et Ibra (112) de l’autre. Un cran en dessous, donc : Motta participe trop par rapport à Busquets (108). Et Matuidi (61 ballons, 38 passes seulement) n’a pas le même rôle que Fàbregas : Motta et Verratti communiquent sur (presque) la même ligne, mais Blaise est placé plus haut, en chien aboyeur, au contact des pieds adverses, « coupé » de la circulation.
De deux, comment est-elle répartie ? Si, étonnamment, les centraux participent autant (130 ballons joués pour Piqué-Mascherano et Alex-Silva), l’utilisation des ailes n’est pas la même. Paris se prive de ses ailiers : 81 passes pour Lucas-Lavezzi (33 ballons joués seulement pour l’Argentin) contre 134 pour Iniesta-Sanchez. Le PSG n’a pas non plus de latéral capable de « mener » le jeu depuis la ligne de touche : si Van der Wiel (99) continue à progresser, l’ex-Ajax reste loin de la participation de Dani Alves (119). Résultat : le PSG écarte moins et n’a pas les points d’appui nécessaires pour s’amuser dans le camp adverse. Le Barça a donc logiquement un total de passes plus élevé (889 contre 787) et Paris garde le ballon plus longtemps dans ses pieds. Un PSG trop tactique ? Oui, les Parisiens pensent beaucoup leur possession dans leur propre camp. Cela pourrait changer avec Pastore et Cabaye (qui auront joué quasiment autant de ballons que Lavezzi et Matuidi en vingt minutes), mais le but n’est pas ici de ressembler au Barça, qui est un modèle de possession, mais pas de jeu.
La possession pour mieux défendre, certes, mais plus de variations pour savoir attaquer avec et sans le ballon. Grâce à la verticalité de Matuidi, comme hier. Et au toucher de « Don Verratti » , surnommé ainsi par les Espagnols lors de sa présentation européenne à Valence. Du haut de ses 21 ans, un huitième de finale aller de Ligue des champions est déjà trop peu pour l’Italien, qui a surclassé le Bayer sans se fatiguer. En cette période olympique, on croirait qu’il tient une crosse de hockey et qu’il transforme le ballon en palet insaisissable. Marco garde beaucoup le ballon. Moins efficace (intelligent ?) que Xavi, mais plus spectaculaire. Sans les déchets prétentieux, la prochaine fois ?
L’évolution de Zlatan Ibrahimović
D’abord ailier « versatile » à Malmö, Amsterdam et Turin, le Suédois devient buteur sous Capello et Mancini, pour remporter son premier titre de meilleur buteur à l’Inter en 2009. La saison suivante, il est devenu « trop avant-centre » pour Guardiola. Aujourd’hui, on assiste à l’évolution finale : après son passage au Milan (14 buts et 12 passes décisives lors de ses six premiers mois) et maintenant à Paris, il est devenu l’un de ces joueurs offensifs modernes, complets, inqualifiables. Zlatan, Cristiano, Messi, Rooney à une époque. Il dribble, dézone, est au contact des défenseurs centraux quand il en a envie, et peut mener le jeu, grâce à son jeu de passes, à son lien avec Maxwell, et à la verticalité de Matuidi et Lavezzi. En attendant que Lucas développe des mouvements de buteur, ou plus simplement en attendant le retour de blessure de Cavani. Son match est un chef-d’œuvre : 112 ballons joués, trois fois plus que Kiessling (31), plus que Messi et Iniesta hier soir (103 et 110). Omniprésent.
L’an passé à la même époque, le PSG menait 0-2 à Valence avant d’encaisser un but sur coup de pied arrêté et de finir à dix. Avec Motta et Silva sur le terrain, le PSG a cette fois-ci accompli sa mission. Au retour des vestiaires, la technique du PSG reste supérieure à la rage et l’honneur des Allemands : fautes intelligentes, patience et maturité. Le dernier quart d’heure est sans espoir pour le Bayer. En revanche, on peut se demander pourquoi Blanc a pris le risque de garder Matuidi jusqu’à la 67e minute. Ses changements avaient déjà fait couler ses hommes à Monaco.
Par Markus Kaufmann
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