- C1
- Quarts
- Atalanta-PSG (1-2)
Les leçons tactiques d’Atalanta-PSG
Et si tout était une histoire d’étoiles alignées ? Au milieu d’une nuit des Perséides voyant tomber une nuit de traînées lumineuses dans le ciel, le Paris Saint-Germain a fini par trouver la lumière et inverser son destin. Mais si le club de la capitale retrouve le dernier carré de la Ligue des champions 25 ans après sa dernière apparition, il a d’abord failli voir ses projets se faire exploser sur les plans cosmiques de Gian Piero Gasperini. Récit tactique d’une soirée où les Parisiens ont enfin réussi à repousser leur plafond.
Quand bien même on porte au pied gauche une godasse aussi lourde que celles de Marcel Hirscher. Quand bien même on est forcé d’adopter la position fétiche de Marcelo Bielsa sur glacière. Quand bien même cette immobilité forcée. Pour Thomas Tuchel, il fallait prolonger un élan. Celui qui avait permis au Paris Saint-Germain de passer un quart de finale de la Ligue des champions pour la première fois depuis quatre ans. Celui-là même qui avait été laissé en suspens pendant cinq mois à cause de la crise sanitaire. Celui-là encore qui n’avait pas besoin de grand-chose pour être brisé. Face à la séduisante Atalanta, dans des conditions inédites — sans public, en un match sec et sur terrain neutre —, le champion de France a enfin pu briser le signe indien et prolonger cette inertie précaire.
« Cette équipe, après le premier match contre Dortmund, a vécu une situation clé dans la saison, se réjouissait le technicien allemand après la victoire arrachée dans le temps additionnel.Après ce match, j’ai eu l’impression qu’on a créé une atmosphère. Ces joueurs voulaient montrer qu’ils étaient capables de combattre ensemble. Ils ont la qualité mentale et physique pour faire de grandes choses. » Pourtant, avant de voir des grandes choses, ce mercredi soir, il aura fallu patienter, attraper un seau de pop-corn et se goinfrer en devinant l’évidence : pendant 90 minutes, le PSG a patiné face au plan huilé de Gian Piero Gasperini, se rapprochant inexorablement d’une nouvelle désillusion. Mais ça, c’était compter sans Eric Maxim Choupo-Moting.
Losange, je laisse
Une minute de silence, pour se recueillir et repenser aux derniers mois traversés. Ceux qui ont mis au supplice une cité comme Bergame, peut-être plus que d’autres. Il fallait bien cela pour poser la dimension symbolique de cette rencontre. Mais la vague de Covid-19, aussi forte soit-elle, n’a pu effacer ce qui fait le sel de cette Dea. Une équipe où chaque boulon a été vissé avec soin par le Mister Gasperini. « On a une idée de jeu, des motivations, une envie de jouer, la passion, l’enthousiasme, égrenait le coach lombard avant le match. Ce sont des ressources extraordinaires. On a une responsabilité de ne pas décevoir les gens, pas sur les résultats, mais sur les valeurs, afin de montrer qu’une équipe comme l’Atalanta peut être à la table des grands. » Pour ses retrouvailles avec la C1, après l’orgie face à Valence (8-4 sur l’ensemble des deux matchs), l’Atalanta peut toujours compter sur son pressing à haute intensité, ses permutations, ses prises de risques déroutantes et la vista de ses joueurs pour animer l’ensemble.
Et il ne faut que deux minutes à Marquinhos pour s’en rendre compte, moment où le maître à jouer Papu Gómez se glisse dans son dos pour aller chauffer les gants de Keylor Navas. Un poil plus tard, le meneur argentin fera aussi admirer son toucher de balle, trouvant au second poteau la tête du massif piston Hateboer (11e). Le Néerlandais ne faisait alors que commencer son entreprise de destruction de Juan Bernat et permet au portier costaricien de se chauffer les gants. Le tableau qui est dressé n’est pas si différent des préceptes de Tuchel : « Ils jouent avec un style unique, presque en un contre un sur tout le terrain. Ils attaquent avec 7 joueurs dans le camp adverse. C’est un style unique. C’est compliqué de jouer contre eux. » Pris dans la nasse bergamasque, Navas ou les centraux Thiago Silva et Presnel Kimpembe n’ont alors d’autres solutions que d’allonger, le plus souvent en direction du désemparé Sarabia, pour éviter la densité imposée au milieu de terrain. Le traquenard est identifié.
Pour la première fois depuis sa prise de fonction à Paris, Thomas Tuchel a démarré avec un 4-4-2 et un milieu disposé en losange (on a pu en voir un aperçu en cours de match contre Lyon en finale de Coupe de la Ligue). Marquinhos en pointe basse, Gueye et Herrera en flanker, Neymar aux manettes. Une formule utile pour mettre l’artiste brésilien dans les meilleures dispositions : face au jeu, à distance de la triplette défensive de l’Atalanta et avec du champ pour prendre de la vitesse. Par deux fois, cela lui permet de s’ouvrir le chemin des buts, grâce à une déviation opportune d’Icardi (3e), puis d’un échange rythmé avec Ander Herrera (18e), sans pouvoir trouver la justesse dans le dernier geste. La clé est là : dès que Ney peut aspirer deux joueurs ou plus, dès que Mattia Caldara se lance à ses trousses, des portes s’ouvrent. Mais personne n’ose s’y engouffrer… Ni Icardi, qui a déserté sa surface adorée, ni Pablo Sarabia, scotché à la ligne de touche. Il ne faut pas oublier que ce milieu en losange, incapable de mettre en place ses circuits de passes, a surtout été imposé par la palanquée d’indisponibilités. C’est ainsi que les absents Mbappé (sur le banc), Verratti et Di María (en tribune) sont toujours plus présents, du moins par la pensée, que ceux qui entourent physiquement Neymar. Sans ses habituels relais techniques, la danseuse de Mogi das Cruzes est alors esseulée face à sept bonshommes qui creusent les lignes parisiennes comme on irait à la mine. Une princesse condamnée à attendre l’arrivée de son prince Mbappé pour réveiller son monde.
Des maux, mais pas de remède
La pomme, elle, sera croquée juste avant la demi-heure de jeu. Si le PSG a colmaté les brèches, si la charnière a réussi à contenir le poison Zapata, s’il a la possession (61%), Bergame met alors le feu dans la surface adverse sur coups de pied arrêtés, Papu Gómez régalant successivement Caldara (hors jeu et bouté avec fermeté par Navas), Djimsiti et Pašalić. Mais ce sera le Croate qui découpera les illusions parisiennes au terme d’une action typiquement gasperinienne. Paris vient tout juste d’orchestrer sa première attaque placée, où tout son bloc est monté, mais se fait piquer sur une montée caractéristique de Rafael Toloi, le défenseur droit de la Dea. Allant jusqu’au bout de son dépassement de fonction, le Brésilien s’appuie sur Freuler et poursuit sa course pour emmener dans son porte-bagage Juan Bernat. Profitant de cette bourrasque et d’un contre favorable de Duvan Zapata face à Kimpembe, Mario Pašalić n’a plus qu’à s’appliquer pour mystifier Navas (26e). La voie est libre et le PSG dans une impasse.
La problématique est clairement posée, mais, pendant une heure, les Parisiens n’offriront qu’un seule réponse (spoiler : la mauvaise) à celle-ci. D’abord parce que le trio Marquinhos-Gueye-Herrera, surpassé dans l’agressivité par Freuler et De Roon, a été asphyxié autant à la récupération qu’à la création. Ensuite parce que les latéraux Kehrer et Bernat ont été forcés de jouer contre-nature : l’Espagnol – de retour à la compétition – a été acculé dans son couloir par Hateboer et n’a pas pu apporter sa vitesse devant, quand Gosens a laissé plus d’espace à son vis-à-vis allemand pour se projeter, sans que sa qualité technique ne lui permette de délivrer de bons centres. Devant, l’animation offensive en devient forcément caricaturale, ne dépendant que des éclats de Neymar — 16 dribbles réussis, un record en C1 depuis Lionel Messi face à Manchester United en 2008 (16 aussi) — sans qu’il puisse combiner avec ses deux partenaires d’attaque. Le Brésilien filera plus de ballons à Mbappé en 30 minutes (6), qu’à ses deux compagnons d’attaque titularisés ce mercredi (3 à Sarabia et 2 à Icardi). Et c’est surtout ce dernier qui a brillé par sa transparence. Censé occuper le côté droit du trident, l’Argentin a été naturellement attiré vers l’axe, mais s’est rarement montré disponible. Finalement, il ne touchera que 21 ballons, le plus bas total parmi tous les titulaires. Famélique.
La filante Choupo-Moting
Après ce statu quo, c’est à la 60e minute que les cartes sont rebattues. Papu Gómez sort en boitillant, remplacé par Ruslan Malinovskyi, et Kylian Mbappé supplée dans le même temps Sarabia. Comme l’avait programmé Thomas Tuchel. À ce moment, la Dea perd son leader technique, le seul capable de garder la balle haut sur le terrain. Posé sur le côté gauche, Mbappé soulage lui Neymar, mais surtout force un bloc bergamasque bien entamé à descendre de dix mètres et à défendre en reculant. Si le cahier des charges de l’Atalanta a été appliqué pendant une heure, peut-être avec moins de poigne que d’habitude, il s’effrite au fil du temps. Après les contre-performances de la Juve et de la Roma, ce manque de jus apporte un peu plus d’eau à un moulin voulant que les clubs italiens soient cramés physiquement, après une reprise de la Serie A éprouvante. « On pensait que le match était plié, c’est dur, reconnaîtra alors Gasperini. Quand on a mené, on a plutôt bien géré. Mais l’entrée de Mbappé, combiné à la présence de Neymar, a changé les choses pour le PSG. Son entrée a donné une énergie au PSG qui était en train de perdre le match, cela a été fondamental de par ce qu’il a apporté. » Mais Bergame ne doit pas seulement sa perte à Kyky. Il y a aussi les entrées en jeu de Paredes — précieux dans sa faculté à livrer des passes verticales — et d’Eric Maxim Choupo-Moting. Le Camerounais est venu se placer dans une zone désertée par Icardi, c’est-à-dire à droite, et c’est là que se situait une faille à exploiter.
Après avoir effacé Timothy Castagne, moins hargneux que le titulaire Gosens, le super sub rentre sur son pied gauche pour trouver Neymar au second poteau. La frappe manquée du Brésilien ne sera pas comptée parmi ses 7 tentatives (dont deux cadrées), car elle se transformera en passe décisive pour Marquinhos. 149 secondes plus tard, c’est le même Choupo-Moting, Zorro inespéré, qui coupera le centre de Mbappé. Comme quoi, un attaquant est toujours plus utile devant le but. Mbappé et Neymar peuvent alors rester enlacés, regarder au loin Luis Muriel gaspiller une contre-attaque désespérée, ils ont emmené le PSG dans le dernier carré de la Ligue des champions. Avec en guest star un type qui n’était pas inscrit dans le groupe au début de l’année et qui avait blessé Marco Verratti quelques jours plus tôt à l’entraînement. Si ça, ce n’est pas avoir une bonne étoile…
Par Mathieu Rollinger