- Ligue des champions
- 3e journée
- Arsenal/Bayern Munich (2-0)
Les leçons tactiques d’Arsenal-Bayern
Comment Arsène Wenger a-t-il essayé de freiner le Bayern de Pep Guardiola à l'Emirates ? Au-delà du résultat (2-0), qui cache une partition bavaroise très intéressante, qu'est-ce qui a permis aux coéquipiers de Sánchez de réussir leur coup ?
En 2011, un service fabuleux de l’extérieur du pied de Messi avait mis David Villa hors de portée de la bande de Cesc et Song, avant que l’adresse de Van Persie dans un angle fermé et un service astucieux de Nasri pour Arshavin donnent de l’espoir aux Gunners. Wilshere avait joué au prodige rebelle face à Xavi et Busquets, mais Guardiola avait fini par éliminer Wenger et remporter la C1 à Londres quelques mois plus tard. En 2014, une lucarne brossée de Kroos suivie d’une tête de Müller, les deux sur des attaques placées méticuleuses, avaient donné un avantage conséquent aux hommes de Pep dès le match aller. Un an et demi plus tard, Wenger et Guardiola se retrouvaient à l’Emirates pour une nouvelle ode au contrôle du jeu. Enfin, c’est ce qu’on pouvait naïvement croire avant la rencontre après les propos du Français : « La meilleure façon d’annihiler Lewandowski, c’est d’avoir le ballon. » Ou de l’abandonner complètement ? Mis à part ses bons mouvements entre les lignes et quelques rares combinaisons sur le côté gauche, le Polonais s’est surtout montré dangereux en contre. Et il est tombé sur un grand Čech.
L’impuissance londonienne face à la réflexion bavaroise
« Tu ne peux jamais promettre de marquer trois buts en vingt minutes, comme contre Manchester, ce serait complètement fou. En revanche, on peut commencer très fort et c’est ce que nous allons essayer de faire. » Lundi en conférence de presse, Wenger était égal à lui-même : confiant et méthodique. Seulement, ce caractère s’applique bien plus à l’entame de match du Bayern qu’à celle d’Arsenal. Alors que le 4-2-3-1 des Gunners sort avec furie, la défense à quatre du Bayern éteint rapidement le feu, si feu il y a. Comme il y a un an et demi, les Allemands posent le jeu, ralentissent le rythme et tachent de posséder véritablement la balle. Le terrain est alors bien trop grand pour le pressing de Walcott et Sánchez. Et une fois le match lancé, le Bayern met en scène son merveilleux orchestre de football guardiolesque.
Autour de Xabi Alonso, les mouvements de Boateng et Alaba semblent téléguidés par Pep. Comme si ses tiroirs s’ouvraient, puis se refermaient de manière méticuleusement coordonnée, l’armoire géante bavaroise avance dans le camp anglais et se permet même d’accélérer, parfois. Une transversale d’Alonso pour Costa, une fois. Deux appels coordonnés de Vidal et Lewandowski entre les lignes, parfois. Quand le Bayern parvient à asseoir sa possession sur les côtés, avec principalement l’axe Bernat-Costa, l’équipe allemande impose une maîtrise insolente. Ce Bayern est une réflexion collective coordonnée et permanente. Et celle-ci se concrétise en débordements et centres de Costa, ballons infiltrés d’Alonso (5 passes clés) et appels imprévisibles de Vidal, Thiago, Müller et Lewa. Le Bayern n’a pas seulement plus de 65% de possession, mais il réduit aussi les Gunners à seulement 61% de passes réussies.
Les hommes forts du système : Sánchez, Cazorla, Coquelin et Özil, à moitié
En face, Walcott et Sánchez courent souvent dans le vide et Arsenal doit se contenter de reculer. Mais l’impuissance ne se transforme pas en panique, au contraire. Les Londoniens placent deux lignes de quatre joueurs face à la maîtrise bavaroise, s’assoient profondément et attendent. En début de match, les choix de Mesut Özil facilitent la sortie de balle et même le gain de territoire : l’Allemand alterne judicieusement entre l’audace et la patience, toujours dans le bon timing (au contraire de sa fin de match). À la 8e minute, une belle phase de possession entamée dans les doux pieds de Cazorla, prolongée par Koscielny et accélérée par Sánchez, aboutit sur un tir d’Özil et une première occasion. Arsenal a les idées claires. Mais si l’opéra n’est pas parfait, c’est que la mission du « contrôle du jeu sans ballon » des Gunners est plus ou moins réussie : alors que Cazorla (90% de passes réussies), Özil (83%), Mertesacker (93%) ou encore Coquelin (84%) gèrent les transitions avec sang-froid, ce n’est pas le cas de Koscielny (73%) et Ramsey (57%), sorti à l’heure de jeu.
Défensivement, le rôle de la lecture du jeu de Coquelin est crucial devant la défense : si Alonso parvient à trouver directement Thiago ou Vidal dans le dos des milieux anglais, les appels de Lewandowski et Müller se déclenchent automatiquement. Devant, alors qu’un démoniaque Alexis Sánchez livre une bataille de tous les instants au pressing, le Chilien est trahi de manière répétitive par les semi-efforts d’Özil, devenu spécialiste dans l’art du pressing trompe-l’œil. Au milieu, Cazorla et Ramsey jouent aux bons soldats et accompagnent leurs latéraux avec intensité.
Les origines diverses des opportunités des Gunners
« Il n’existe pas une seule équipe sans faiblesse » , disait Wenger lundi en conférence de presse. Alors qu’Arsenal est forcé à reculer dangereusement au quart d’heure de jeu, et essuie même quelques centres de Lahm et une frappe lointaine d’Alaba (défenseur central hier), le fait d’atteindre la demi-heure de jeu sans avoir encaissé de but sauve le projet londonien. Après tout, du début à la fin du match, les Anglais ont toujours réussi à se créer des opportunités et arriver à la cage de Neuer : l’essentiel était de ne pas encaisser de but pour continuer à espérer. Ces occasions prennent des formes diverses. Pour commencer, les tentatives de récupérations hautes d’Arsenal ont quasiment toutes échoué, ce qui a conforté Wenger dans son choix de la patience. L’Alsacien a donc utilisé les phases de transition pour faire mal, de deux façons.
La première naît d’une récupération basse, fille de l’organisation défensive patiente des Gunners et de la vision de Cazorla et Özil. La seconde naît d’une pression exercée sur le Bayern entre deux phases : ici, l’arme principale (unique ?) des Gunners se nomme Alexis Sánchez. Par ses récupérations féroces et ses percées – presque toutes les occasions d’Arsenal en première période –, le Chilien a sauté les lignes et fini par trouver un espace ou un coéquipier libre sur le côté pour centrer (frappe d’Özil, tête de Walcott). À chaque fois, il faut noter que les sorties de balle ont été soulagées par les appels et la vitesse de Walcott (6 tirs !). En étirant au maximum la défense bavaroise, l’Anglais a allongé le circuit de course de Sánchez et multiplié les lignes de passe d’Özil.
Contrôle du jeu et création de buts
Et pendant ce temps-là, pourquoi le Bayern n’a-t-il pas réussi à convertir son contrôle du jeu total en occasions de but ? A posteriori, il est naturel de dénoncer l’abus de contrôle du jeu des hommes de Pep. À l’image de leur double confrontation contre le Real Madrid en demi-finale de C1 2014, les Bavarois auraient plus contrôlé que créé ? Cette théorie va dans le sens des déclarations d’avant-match de Pep : « Du fait de leur enthousiasme chez eux et leur besoin absolu de gagner, nous devons être intelligents et contrôler le jeu. » Après le match, le Catalan s’est montré satisfait, d’ailleurs : « Nous voulions contrôler le jeu et avoir des occasions. Je suis vraiment fier de la manière dont nous avons joué. Nous avons fait preuve de beaucoup de caractère. On a eu nos chances, c’était un bon match (…) Arsenal est une grande équipe, toujours difficile à jouer en Ligue des champions. Et, pourtant, on a dominé le match. (…) C’était un drôle de match. »
Mais en réalité, le Bayern a justement donné de l’espoir aux Gunners au moment où ce contrôle du jeu a commencé à se précipiter, à accélérer impatiemment, à chercher les occasions directement (vers la demi-heure de jeu), à privilégier l’accélération axiale plutôt que la construction sur les côtés. Ces phases de transition, qui ont vu briller Alexis Sánchez, ont souvent mis Thiago Alcántara dans la position de jouer vers l’avant. Et alors que Vidal a joué au soldat obéissant et a toujours fait remonter le bloc, l’Espagnol a tenté de débloquer le match à de nombreuses reprises, d’où des opportunités de contres pour Arsenal. Les deux buts sont anecdotiques, tant les deux gardiens ont sauvé les leurs de manière miraculeuse à 0-0. Mais l’analyse des deux postures tactiques nous fait tirer un enseignement capital : un entraîneur était venu pour contrôler le jeu, l’autre était venu pour gagner le match. Les deux ont réussi leur mission.
Par Markus Kaufmann
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