- Il faut que cela cesse
- Épisode 19
Les joueurs qui font des petits pas d’élan sur penalty
Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingues tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Edouard Balladur : « Je vous demande de vous arrêter. » Focus aujourd'hui sur ces mecs qui font des petits pas d’élan avant de tirer un coup de pied arrêté.
D’où cela vient ?
C’est une mode que l’on peut remarquer depuis la fin des années 2000. Tirer un penalty, un coup franc, un corner en troquant une course d’élan classique pour des tout petits pas – presque du surplace – avant la frappe. À l’heure où l’image du joueur est sacralisée, certains semblent avoir la prétention de vouloir apposer leur signature aux coups de pied arrêtés. Peut-être s’imaginent-ils avoir une place à côté des légendes ayant donné leur nom à un geste technique : Panenka (la feuille morte), Madjer (la talonnade), Zidane (la roulette), Cruyff (le « Cruyff turn » , ce geste technique où le cuir passe derrière la jambe d’appui). La vérité, c’est que ceux qui font ces petits pas avant de tirer n’ont pas leur place au panthéon du foot, mais, au mieux, dans Le foot en folie.
Pourquoi c’est insupportable ?
Parce que c’est l’échec assuré, particulièrement sur penalty. Même des grands noms comme Samuel Eto’o, Paul Pogba ou encore Neymar sont tombés dans le panneau en faisant des petits pas, entre arrogance et nonchalance, avant de voir leur tentative repoussée par le gardien. Tout simplement parce qu’à l’instar des botteurs de pénalités au rugby ou des sauteurs en longueur en athlétisme, réussir sa course d’élan nécessite un rituel précis : distance, angle de la course, vitesse de la préparation, angle de la jambe d’appui… Et puis un penalty raté après une course d’élan classique du tireur laissera toujours moins de regrets que l’amertume éprouvée par les supporters de l’Italie après les petits pas de canard de Simone Zaza en quarts de finale du dernier Euro.
Qui l’incarne le mieux aujourd’hui ?
C’est sûrement celui qui maîtrise le mieux cette « technique » , puisqu’il en a fait sa marque de fabrique au Stade rennais. Bien avant de partir à l’AC Milan, d’exploser à Bordeaux, de planter sa tente dans l’infirmerie de l’Olympique lyonnais et de revenir en Bretagne, Yoann Gourcuff faisait déjà des petits pas au moment de tirer un corner ou un coup franc au début de sa carrière. Un précurseur, en somme. Un homme dont l’échauffement se prolonge sur le terrain, aussi.
Comment faire pour que cela s’arrête ?
Jeter un coup d’œil dans le rétro, c’est toujours utile pour éviter un accrochage. Si les tireurs de coups de pied arrêtés avaient la bonne idée de s’inspirer des références en la matière, ils s’apercevraient que Juninho n’a jamais marqué de coup franc en piétinant avant de tirer. Ni Matt Le Tissier sur penalty, lui qui n’aura manqué qu’une seule fois dans l’exercice – contre Nottingham Forest, en 1993 – pour un bilan en carrière de 47 réussites sur 48 tentatives. Sinon, rien de tel qu’une bonne gamelle pour apprendre à se relever : « Ce qui s’est passé va me rester collé à la peau jusqu’à la fin de ma vie, regrettait Simone Zaza après son fameux numéro à l’Euro 2016. C’était un moment crucial pour l’équipe, et pour moi, et j’ai échoué. Encore une fois, je suis désolé. Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont apporté leur soutien après cet incident. Ils savent que je n’avais pas l’intention de rater comme je l’ai fait. » Madame en tête.
Pourquoi cela peut précipiter la fin du monde
Tirer à droite ou à gauche ? Comme les coups de pied arrêtés, la vie est une succession de dilemmes : fromage ou dessert, aller se coucher ou regarder encore un épisode, partir maintenant pour arriver largement en avance ou prendre le train suivant avec le risque d’être en retard. On a beau être confronté à ces situations au quotidien, on continue éternellement de se tordre la tête pour trouver la réponse. Sauf qu’à force de trop tergiverser, on finit par s’y perdre et accumuler les regrets comme Simone Zaza et tous les adeptes des petits pas. Comme pour le réchauffement climatique, il est temps d’arrêter de repousser l’échéance en piétinant. Il faut prendre une décision et foncer !
La parole est à la défense
Selim Benachour (entraîneur des U19 DH du FC Martigues)
« À mon époque, tu ne voyais pas ça. On prenait un pas d’élan, et voilà… On tirait normalement. Je ne sais pas si c’est un phénomène de mode, mais à la base, ça a été lancé sur les corners. C’est Yoann Gourcuff que j’ai vu faire des petits pas en premier avant de tirer les corners. Maintenant, c’est devenu normal, beaucoup de joueurs font ça sur coup franc. À quoi ça peut servir ? Je ne sais pas, je ne l’ai jamais tenté ! »
Emmanuel Bourgaud (Amiens)
« Chacun a sa course d’élan. Moi, j’ai tout le temps la même depuis que je jouais chez les jeunes à Angers : deux pas et demi d’élan derrière la balle. C’est mécanique, comme toi quand tu fais tes lacets. Peut-être que les petits pas peuvent permettre de placer son pied d’appui plus proprement ? Mais je pense que c’est plus pour l’image. Il y en a qui se donnent un style. Cristiano Ronaldo, c’est le seul qui écarte les jambes avant de tirer, il y arrive très bien. Et si ça marche, les jeunes essayent de reproduire en le voyant à la télé. »
Romain Grange (Chamois niortais) :
« Moi, je m’entraîne toutes les semaines avec l’entraîneur des gardiens. J’essaye dans ces moments-là de varier mes courses, d’essayer de nouvelles choses. Mais tirer comme Cristiano en étant presque sur la pointe à la fin de la course d’élan ou faire des petits pas, avec moi, ça ne marche pas du tout : je ne cadre jamais. Étant jeune, j’étais vraiment fan de David Beckham , j’essaye de tirer un peu plus intérieur du pied comme lui. Honnêtement, je ne sais pas à quoi ça peut servir de faire des petits pas. Si j’en tire un comme ça demain, ça va partir au-dessus parce que les repères ne seront plus les mêmes. »
Coefficient d’irritabilité
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Par Florian Lefèvre