- Il faut que cela cesse
- Épisode 10
Les joueurs qui célèbrent leur but en formant un cœur avec les doigts
Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingues tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Edouard Balladur, « je vous demande de vous arrêter ». Focus aujourd'hui sur ces hommes sensibles qui célèbrent leurs buts d’un cœur avec les doigts.
D’où cela vient ?
La mode kikoo a fait bien plus de mal qu’on ne l’imaginait. Avant les duck face et les selfies devant les miroirs, elle a été la principale instigatrice du cœur avec les doigts, et ne s’est pas contentée de l’importer sur les réseaux sociaux ou dans les salles de concert. Le phénomène a aussi frappé aux portes des stades, et malheureusement pour les amoureux du ballon rond, le football n’a pas été épargné par la gêne de ce geste. Non, le footballeur n’est pas qu’un homme égoïste, imbu de sa personne qui roule en grosse cylindrée et qui compte ses thunes à longueur de journée. Le footballeur est aussi un être sensible qui est reconnaissant envers ceux qui sont à ses côtés au quotidien. Et quoi de plus démonstratif qu’un cœur formé avec les mains pour témoigner de son amour ? Certains joueurs ont donc le plus naturellement du monde repris à leur compte l’idée de former le symbole de l’amour avec leurs pouces et index, pour pouvoir dire « je t’aime » à l’heureuse élue, leurs enfants, leur famille. Aucun type de joueurs n’y a échappé, pas même les plus rebelles comme ce gros dur d’Arturo Vidal.
Pourquoi c’est insupportable ?
Parce que justement, malgré certains signes avant-coureurs, admettre que les footballeurs sont des kikoo comme les autres n’est pas chose aisée. Un terrible sentiment de gêne s’abat sur le stade lorsque le buteur court vers les tribunes, lève ses mains (non), tend ses pouces vers le bas (non pas ça) et courbe ses index pour former le signe de l’amour (et merde il l’a fait). L’éponge pourrait à la rigueur être passée si le geste était destiné aux coéquipiers, au passeur décisif, au coach, ou même au préparateur physique pour les remercier du travail accompli. Mais, jusqu’à preuve du contraire, madame n’est pas sur le terrain aux côtés de monsieur pour le faire marquer, pas plus que ses enfants, ses parents où même tonton Guy et tata Simone. Trop de love tue le love, un match de foot n’est pas un concert de Selena Gómez, messieurs.
Qui l’incarne le mieux ?
S’ils sont nombreux à oser faire ressortir le côté kikoo qui sommeille en eux, Ángel Di María et Gareth Bale en sont les porte-drapeaux. Le premier s’est converti au « cœur avec les doigts » lorsqu’il portait encore la tunique de Benfica. « Lors de ma dernière saison au Portugal, ma femme est venue vivre avec moi. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire un cœur avec mes doigts pour elle. Et, depuis, c’est resté… » , se souvenait El Fideo il y a quelque temps. Depuis sa conversion, plus aucun but ne peut être inscrit par le Parisien sans que nous soit infligée cette déclaration d’amour mimée. Mais l’Argentin n’a pas le monopole du cœur. Gareth Bale a aussi fait sienne cette célébration depuis ses débuts chez les Spurs, par amour pour son amie d’enfance devenue depuis Mrs Bale. Le Gallois se l’est même littéralement approprié, faisant du cœur avec les doigts le logo de sa marque. Logo bien sûr déposé à l’équivalent britannique de l’INPI. Le cœur a ses raisons que le business n’ignore pas.
Comment faire pour que ça s’arrête ?
Trop c’est trop, il est temps de dire stop à ces ayatollahs de l’amour et pseudo romantiques. Plusieurs solutions s’offrent à la FIFA pour interdire toute utilisation de ce geste. La première, imposer le port des moufles aux vingt-deux acteurs d’une rencontre. Ainsi emmitouflés, les joueurs pourront au mieux former un triangle ou un rond avec leurs mains. Deuxième solution, si le port des moufles s’avère dérangeant selon le climat, attacher les doigts des joueurs. Radicale, mais efficace. En échange, les joueurs seront autorisés à retirer leur maillot pour pouvoir exhiber un magnifique tee-shirt à message. Un tee-shirt sur lequel est écrit « mamour forever » ou « maman je t’aime » reste quand même moins gênant qu’un cœur formé avec les doigts. Quoique…
Pourquoi ça peut précipiter la fin du monde ?
Le cœur avec les doigts investi tous les pans de notre société, salles de concert, cours de récré, stades de foot. Les hommes politiques pourraient eux aussi s’y mettre. Les relations diplomatiques entre les pays ne tiendraient alors qu’à deux pouces et deux index. Cour de l’Élysée, Emmanuel Macron reçoit Angela Merkel. Pour la rassurer sur les relations qui unissent leurs deux pays, le président français, inspiré par Florian Thauvin, l’accueille en formant un cœur avec ses doigts, au lieu de lui serrer la main ou de lui claquer la bise. La chancelière allemande est conquise. Problème : deux mois plus tard lors de la venue du président américain, Manu offre une poignée de main virile à ce dernier. Vexé de ne pas avoir eu le droit à la même attention que son homologue germanique, Donald Trump décide de laver cet affront. En moins de temps qu’une séance d’UV, Donnie interdit l’entrée sur le sol américain à tous les ressortissants français. Une guerre froide vient d’être déclarée entre la France et les USA. On dit merci qui ? Merci Ángel et Gareth.
Faites entrer les accusés
Sloan Privat (EA Guingamp) : « Je le fais par amour pour ma compagne, ma petite fille, ma famille, les gens qui soutiennent, parce qu’on sait que le foot n’est pas un long fleuve tranquille. C’est grâce à eux si je réussis et je leur dédie ce but et ce geste. C’est l’instinct, le geste sort comme ça, c’est pas calculé. Après un but, on a besoin de se lâcher, d’expulser, c’est comme de l’adrénaline, et moi, c’est déjà sorti comme ça en faisant un cœur avec les mains. Mes coéquipiers et mes potes ne m’ont pas chambré. Mais ma famille et mes proches en rigolent, ils sont contents, ce geste leur fait plaisir, ils savent qu’il est pour eux. »
Pierre Bouby (US Orléans) : « Honnêtement, ça ne me choque pas trop, après c’est vrai que ça fait un peu cucul la praline. À un moment sur Twitter, ça chambrait un peu ceux qui le faisaient, du coup on m’avait demandé de faire un cœur avec les doigts. C’était pour rire, pour faire le con. Je me rappelle que je l’ai aussi fait une autre fois parce que ma femme m’avait dit « Ils le font tous, et toi quand tu marques, tu ne me fais jamais rien. » C’était une vraie demande de sa part, je ne sais pas si c’était pour rire, si c’était pour me charrier, mais du coup quand j’ai marqué, je lui ai fait. Elle était contente, ça lui a plaisir et comme ça maintenant je suis tranquille. (rires) »
Par Maeva Alliche