- Anniversaire de Frédéric Née
- Interview
« Les joueurs de Knysna n’auraient jamais dû être repris »
Avant de devenir adjoint de Montanier et de s’occuper des attaquants du Stade rennais, Frédéric Née a fréquenté l’équipe de France, le temps d’une Coupe des confédérations remportée en 2001. Du haut de sa seule sélection, l’ancien buteur, qui fête aujourd’hui ses 42 ans, revient sur cette période et n’oublie pas d’évoquer l’EDF actuelle.
Quand on regarde votre carrière, on s’aperçoit que votre passage en équipe de France est un bon indicateur. Il survient en juin 2001 et se situe pile poil quand vous êtes au top, à 26 ans. Cinq ans après vos débuts en professionnel et cinq ans avant la fin.Oui, c’est un peu le pic de ma carrière, c’est vrai. À l’époque, j’avais fait une très bonne saison (17 buts, ndlr), et la Coupe des confédérations tombait bien. C’était un moment assez spécial, car il y avait pas mal d’absents, beaucoup des joueurs qui évoluaient en Serie A n’étaient pas là, donc c’était l’occasion parfaite pour en profiter et les remplacer.
Vous aviez déjà été convoqué auparavant ?J’avais déjà quelques sélections en A’, mais je n’avais jamais été appelé en A. Je me souviens quand je l’ai appris. Avec mon ami Pierre-Yves André, on avait tous les deux reçu des pré-convocations. On avait suivi la liste et on n’était pas dedans. Bon. Puis arrive la fin du championnat. Moi, j’avais programmé des vacances avec des amis. Et deux jours après la dernière journée de Division 1, je reçois un coup de fil d’Henri Émile pour me dire que Thierry Henry est indisponible. C’est moi qui étais choisi plutôt que Pierre-Yves. J’ai tout de suite appelé mes parents pour leur annoncer la bonne nouvelle. C’était assez fort sur le plan émotionnel.
Vous sauriez expliquer pourquoi ?Parce que j’avais fait toutes les catégories de jeunes en équipe de France et il ne me manquait que celle-là. C’était important pour moi de décrocher ce fameux sésame. En plus, ça récompensait ma bonne saison et celles de mes partenaires à Bastia.
Face à l’Australie le 1er juin 2001, lors de la deuxième rencontre de groupe de la Coupe des confédérations qui se déroulait en Corée du Sud et au Japon, vous êtes donc titulaire et vous jouez 70 minutes avant de laisser votre place à Anelka. Ce qui sera l’unique sélection de votre carrière. Oui. Je n’étais pas un titulaire habituel, mais le sélectionneur nous avait dit qu’il ferait sûrement tourner pendant les trois matchs de poule. Donc on sentait que nous, les remplaçants, on allait jouer le second pour que les titulaires puissent disputer le premier et le dernier.
Porter ce maillot, ça vous a fait quoi ?C’était une fierté, mais j’avais déjà joué avec l’équipe de France en espoir, en A’… Donc entendre la Marseillaise, jouer sous les couleurs des Bleus, j’étais habitué. Non, ce qui change, c’est l’encadrement, la manière dont tu es préparé. Tu sens que tu n’es pas n’importe où, que c’est important… C’est le niveau au-dessus, quoi. Après, concernant la rencontre en elle-même, je me souviens surtout de mon but refusé alors qu’il aurait dû être validé, à 0-0. Wiltord n’était pas du tout hors jeu. J’y ai cru deux secondes, quand même… C’est un gros regret. Sinon, sur le but encaissé, je n’y peux rien, je ne suis même pas dans le mur !
Et les 44 000 supporters présents dans le stade ?Ouais… (Pas emballé) C’était spécial parce que le continent asiatique commençait juste à suivre le football et à s’intéresser au ballon rond. Quand j’ai joué un peu plus tard au Camp Nou avec Lyon en C1, là c’était le must. À Gerland en Ligue des champions, pareil.
Vous avez été bien accueilli chez les Bleus ?Ce n’était pas du tout bling bling et il n’y avait absolument pas de clan. Personne n’était à l’écart. On était six ou sept nouveaux, certains avaient une relation particulière parce qu’ils se connaissaient depuis longtemps, mais on a été très bien reçus. Non, ce qui m’a marqué, c’est le professionnalisme des mecs. En dehors des rencontres, c’était tranquille, il n’y avait pas de pression. Mais dès qu’un match approchait, les joueurs se mettaient en mode concentration. Et ça, ça change tout. Il y avait une envie de gagner dans ce groupe… C’était un peu dingue.
Quels joueurs moteurs vous ont fait forte impression ? Je dirais Youri Djorkaeff, Bixente Lizarazu… Willy Sagnol aussi. Il parlait beaucoup avec nous, les nouveaux.
Mais la Coupe des confédérations, c’était pas un peu les vacances ?
Même quand vous avez remporté la finale ?Je ne sais pas ce qu’ont fait les autres, mais moi, je suis resté tout seul dans ma chambre.
Lilian Laslandes disait qu’il était bien conscient que lorsqu’il venait en EDF, c’était pour remplacer et faire souffler les meilleurs. Et qu’il n’avait pas forcément le niveau pour concurrencer Henry ou Trezeguet. Vous étiez dans la même optique ?Ouais. Moi aussi, j’étais derrière eux. Chez les jeunes, c’était déjà le cas. Donc je savais, et c’était logique, qu’après la compétition, ils reprendraient leurs places. J’étais un ton en dessous. J’ai ensuite fait le choix de partir à Lyon pour me rapprocher de leur niveau, mais j’ai eu pas mal de pépins physiques. J’aurais aimé ne pas connaître ces histoires de blessures pour montrer que je valais plus que ça.
Vous croyez que vous auriez pu faire partie intégrante du groupe France ?Je pense, oui. J’avais des talents de buteur, j’étais régulier dans ce que je faisais, j’avais le bon état d’esprit et le tempérament pour m’accrocher, j’étais jeune, en pleine possession de mes moyens… J’ai toujours eu envie d’y retourner en tout cas. Parce que représenter la France, c’est quelque chose d’important.
Justement, l’équipe de France a connu quelques problèmes depuis. Knysna et le reste… Ça vous a déçu ?Complètement. Je ne m’attendais absolument pas à toutes ces malheureuses polémiques. Je trouve ça très dommageable. Quel message on a fait passer aux jeunes et aux supporters ? Pour moi, les sanctions ont d’ailleurs été trop légères. Les joueurs impliqués n’auraient jamais dû être repris. Quand on représente un pays, il faut oublier ses états d’âme. C’est pas un club quoi, c’est un pays ! C’est totalement différent. On ne doit rien laisser passer. C’est une chose qui n’aurait pas pu se passer avec la génération que j’ai connue.
C’est-à-dire ?À l’époque, il y avait une envie collective qui prédominait largement sur les bénéfices personnels. Depuis, chacun joue un peu sa carte, notamment par rapport aux médias, et on a perdu cette identité collective. Bon, Deschamps a ramené cette notion de groupe, cette volonté de gagner, cette discipline. Il a bien fait comprendre que le collectif devait passer avant tout.
Elle vous plaît, cette équipe ?Certains joueurs apportent de la fraîcheur et bougent un peu la hiérarchie. Encore une fois, l’expérience de Deschamps lui permet de transmettre sa gagne. Les nouveaux qui arrivent adhèrent au discours, montrent de l’envie et ça, ça fait plaisir.
Laurent Blanc avait aussi ce profil d’ancien obnubilé par la victoire et l’ordre. Il n’a pourtant pas franchement réussi avec la sélection…C’est également une histoire de générations de joueurs. S’il est tombé sur certains caractériels, ce n’est pas non plus sa faute. Peut-être aussi que les jeunes sont aujourd’hui sensibilisés par les médias qui pointent très souvent l’importance du comportement et de l’exemplarité.
L’Euro, vous le voyez comment ?La France est favorite. Les derniers matchs ont montré qu’on avait un fort potentiel offensif. Il y a certes quelques lacunes derrière, mais au moins, on attaque, ce qui n’était pas forcément le cas ces dernières années. On est offensifs, on a des occasions et on est toujours en position de marquer. Gignac a faim, Griezmann va faire mal s’il n’est pas trop fatigué, Coman est très utile quand il entre… On sent que les jeunes ont la dalle, qu’ils vont découvrir une compétition et qu’ils veulent en faire quelque chose. Il y a une dynamique qui fait plaisir à voir.
Propos recueillis par Florian Cadu