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Les Jaune et Vert déjà dans le rouge ?
Le début de saison sent mauvais du côté de Nantes, où les prestations indigestes se succèdent, sans rayon de soleil entre les nuages. Et déjà, dans les travées de la Beaujoire, certains commencent à craindre que cette saison ne ressemble typiquement à une autoroute vers la descente.
Traumatisé par quelques années à faire le yo-yo entre la Ligue 1 et la Ligue 2, depuis que le FC Nantes a retrouvé l’élite en 2013, il se garde bien de fanfaronner et de se montrer trop ambitieux. À chaque début de saison, les Canaris jurent qu’ils sont là pour le maintien, et semblent prendre du plaisir à être catalogués comme une équipe faiblarde dont on n’attend pas beaucoup. Une jolie preuve de fausse modestie. En effet, depuis la remontée de 2013, le FC Nantes a souvent fait plus que de la figuration, ne flirtant que rarement avec la zone rouge. Pour son retour chez les grands, en 2013-2014, Nantes aborde la phase des matchs retour à une belle huitième place. L’année d’après, il tourne aux abords du podium jusqu’à début décembre.
Et la saison dernière, ils se sont payés une superbe série hivernale de treize matchs sans défaite en Ligue 1, entre novembre et fin février. Dans tous les cas, le maintien avait été acquis assez tôt dans la saison, et les Nantais s’étaient contentés de gérer des fins de saison sans enjeu en pilotage automatique, terminant systématiquement en milieu de deuxième partie de tableau, dans ce confortable océan un peu médiocre qui fait le charme de la Ligue 1. Mais cette saison, les voyants sont au rouge, plus que jamais depuis trois ans. Effectif plus faible que jamais, projet de jeu inexistant, leadership fantôme sur le terrain et sur le banc, querelles d’ego… Après six journées de championnat, la catastrophe arrive à grands pas, et la situation ravive de très mauvais souvenirs du côté de la Beaujoire.
La psychose de l’attaque
Si l’attaque était le fléau des Nantais ces trois dernières saisons, cette année, son inefficacité est proche du sketch. Après un but de Thomsen face au promu dijonnais en ouverture, Nantes doit attendre la 5e journée et ce but de Stępiński face à un autre promu, Nancy, pour se souvenir de ce que ça faisait de marquer. Entre les deux, 378 minutes de néant offensif s’étaient écoulées, Nantes n’a toujours pas marqué à domicile, et y a même reçu cette gifle 3-0 par le troisième promu, Metz. Mercredi dernier, contre des Stéphanois réduits à 10 en un quart d’heure, touchés par les blessures, et qui leur ont même offert un penalty, les Canaris ont gratifié la Beaujoire d’un effrayant 0-0, parfait pour donner des sueurs froides à toute une ville. « Offensivement, il ne faut pas que ça devienne une psychose » , voulait rassurer René Girard après le nul contre les Verts, sans vraiment convaincre.
Car à Nantes, personne ne souhaite revivre le cauchemar d’une saison où l’équipe court tout droit vers la Ligue 2. Témoin privilégié de la terrible descente de 2009, Christian Larièpe, éphémère coach des Jaune et Vert cette saison-là et ancien directeur sportif du club, revient sur ces heures noires : « On a perdu des points dès le départ, et après ça va très vite. » C’est bien simple, lors de cette saison, Nantes n’a jamais vu la première partie de tableau, avec pour meilleur classement une 13e place après la première journée. L’attaque ? Déjà catastrophique. « On avait fait le pari de Klasnić, précise Larièpe.J’avais dit que s’il mettait entre quinze et vingt buts, on serait bien, et qu’en dessous de douze buts, on serait mal. Bon, il a dû marquer huit ou neuf buts… » En réalité, six en championnat. Et effectivement, les Nantais ont fini mal.
Ambitions à la baisse et méthode Coué
Au-delà de Klasnić et de ses ratés, les autres paris de la saison se nomment Douglão et Babović, des noms qui hantent encore les pires cauchemars de la Beaujoire. Christian Larièpe se rappelle avoir senti le point de non retour un peu après la moitié de saison : « Il y a eu un moment capital, on joue Grenoble chez nous, on prend un but à la 94e minute, et au lieu d’être 7es au classement, on passe 15es. C’était le tournant. » Aujourd’hui, les Nantais veulent jurer qu’il est trop tôt pour envoyer les SOS. Valentin Rongier, adepte de la méthode Coué, préférait mettre les œillères après le désastre face à Metz : « Non, on ne joue pas le maintien, on n’a jamais dit qu’on jouerait le maintien et ce n’est toujours pas d’actualité. » Mais ce cri du cœur n’effacera pas les paroles de René Girard, qui avait commencé septembre en délivrant un triste « Il faudra peut-être réviser les ambitions fixées entre la 1re et 10e place et peut-être maintenant jusqu’à la 15e place. Il faut être réaliste. »
Au fil des matchs, le discours de Girard est passé d’un « frustré » après Nancy, à « humiliation » après Metz, pour terminer par un « ce n’est pas facile » suite au 0-0 de Sainté. Pas le genre de plaidoirie qui galvanise les troupes. Avec, en prime, déjà des rumeurs de départ, et des relations dites conflictuelles avec le président Kita, éternel fil rouge des malheurs nantais. Car à l’époque de Larièpe aussi, « l’entente était imparfaite entre Der Zakarian et le président » . En 2008-2009, l’Arménien sautera au bout de cinq journées, avant de laisser la place à Larièpe, puis Élie Baup. Dans les mines de charbon, on utilisait des canaris – très sensibles au changement d’atmosphère – pour annoncer les coups de grisou. Assurément, l’oisillon est en train de battre des ailes à tout rompre pour prévenir du danger.
Par Alexandre Doskov
Propos de Christian Larièpe recueillis par AD