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Les incidents de Tours-Montpellier décryptés

Par Anthony Cerveaux
6 minutes
Les incidents de Tours-Montpellier décryptés

Cette saison, Montpellier fait l’actualité sur le terrain, mais aussi dans les tribunes. De violents incidents ont notamment éclaté le 23 janvier dernier entre ultras pailladins et policiers à Tours, lors du 16ème de finale de Coupe de France. Retour sur ces événements, alors que les supporters héraultais vont être dimanche, au Parc, sous les feux de la rampe.

Lundi 23 janvier 2012. La soirée s’annonce a priori tranquille en Indre-et-Loire. Tours, club du milieu de tableau de Ligue 2, accueille Montpellier, indétrônable dauphin du PSG. Eurosport voulant diffuser le match, celui-ci est fixé le lundi soir à 20h00. En dépit de l’horaire et de la distance, une trentaine de supporters montpelliérains, membres de la Butte Paillade et des Armata Ultras, rejoignent les bords de la Loire. Les trente téméraires sont attendus : police nationale, policiers en civils et CRS : entre 70 et 80 membres des forces de l’ordre sont présents, selon plusieurs témoignages concordants. Une dizaine de fourgons de police fait une haie d’honneur aux Pailladins jusqu’au secteur réservé aux supporters visiteurs. Encore une fois, la réputation des ultras montpelliérains les précède (voir notre précédent papier « Le retour de la « horde sauvage » « ).

Torche clignotante et charge des CRS

Dixième minute de jeu, une torche clignotante scintille dans le parcage montpelliérain. Bien moins dangereux que d’autres engins pyrotechniques, l’objet est néanmoins proscrit par la loi. Cinq minutes plus tard, policiers en civil et stadiers interpellent un supporter, Cyril, président de la Butte Paillade. « Ses comparses sont aussitôt intervenus pour empêcher l’interpellation. Des policiers en tenue sont alors venus en renfort » , indique le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) d’Indre et Loire, Olivier Le Gouestre. « On s’est mis au milieu parce qu’on savait que c’était pas lui qui avait allumé la torche clignotante » , rétorque Kevin, un supporter montpelliérain. « A aucun moment, je n’ai pris, allumé ou jeté un fumigène,conteste le principal intéressé. Les collègues sont venus me protéger parce qu’ils savaient que c’était pas moi, puis la police m’a gazé et je n’ai plus rien vu » . Bien qu’extérieur au « délire » ultra, Yves, 59 ans, était en tribune avec les Montpelliérains. Ancien Tourangeau, habitant désormais dans la capitale du Languedoc, il profitait du match pour rendre visite à des amis. Il donne sa version de l’interpellation : « J’étais avec ma femme en haut de la tribune et j’ai vu dix CRS descendre dans la tribune en courant, comme une charge, et se jeter sur quelqu’un. Au départ, je ne me suis pas rendu compte de la violence de l’attaque et puis j’ai vu deux supporters montpelliérains avec le visage en sang et un autre allongé par terre KO » . Le commissaire divisionnaire apprécie différemment la scène : « un deuxième supporter a été interpellé pour violence » . Il soutient que l’intervention policière était « nécessaire » et qu’elle a été « réalisée dans un contexte de légitimité et de proportion » . « C’était complétement disproportionné,réplique Yves,la violence de l’attaque m’a révolté ! » .

Mickaël, jeune père de famille résidant à Tours, était en tribune latérale, à côté du parcage. Un peu à distance, il avait néanmoins une vue d’ensemble sur les événements : « Une torche a bien été allumée puis posée au sol. Mais, ensuite, l’intervention de la police a été excessive. Des coups de tonfas ont été donnés et un supporter est resté au sol. Les secours ont mis 30 minutes à arriver et tout ça s’est passé dans l’indifférence la plus totale du reste du stade » , déplore-t-il. Le supporter montpelliérain resté au sol, raconte : « Je me suis réveillé dix minutes environ après être tombé, j’étais comme paralysé, je ne pouvais plus bouger. Les pompiers sont arrivés et m’ont transporté sur civière jusqu’à l’hôpital où j’ai passé la nuit en observation. Heureusement, il n’y a pas eu de séquelles, mais j’ai un trou noir sur ce qui s’est passé » . « On a fait venir cette personne au commissariat le lendemain, et il nous a dit qu’il était tombé de lui-même » , indique le commissaire de la DDSP. « J’ai dit que je ne me rappelais plus ce qui s’était passé,corrige ce membre de la Butte Paillade. Quand, ensuite, j’en ai parlé avec d’autres supporters présents, ils m’ont dit que j’avais pris un coup derrière la tête lors de la charge des policiers… » .

Le procureur requiert un mois de prison avec mandat de dépôt

Suite à ces incidents, deux supporters montpelliérains sont emmenés en garde à vue par les forces de police. Ils y apprennent qu’ils passeront en comparution immédiate le lendemain. L’un, Cyril, pour utilisation d’engin pyrotechnique. L’autre, le supporter interpellé pour s’être interposé, pour violence. La décision est prise par le magistrat de permanence du Parquet de Tours, en l’absence du procureur Philippe Varin. De leur côté, les membres de la Butte Paillade et de l’Armata Ultras, révoltés par le traitement dont ils estiment faire l’objet, enlèvent leurs banderoles et veulent quitter la tribune à la mi-temps. « Au départ, la police les a empêchés de partir » , se souvient Yves. Finalement, ils sortent quand même du stade de la Vallée du Cher avant la fin du match et passent la nuit et une bonne partie de la journée suivante à attendre l’audience de leurs amis.

Le lendemain matin, le magistrat de permanence, représentant le procureur, requiert 150 heures de travaux d’intérêt général concernant le supporter poursuivi pour violence et un mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt, deux ans d’interdiction de stade et 2000 euros d’amende à l’encontre du président de la Butte Paillade, accusé d’utilisation d’un engin pyrotechnique et de rébellion. « On cherchait à leur faire supporter l’intégralité de ce qui s’était passé » , explique maître Gerdet, avocate des supporters, qui a plaidé la relaxe. Selon elle, l’identification de Cyril ne repose que sur la description de ses vêtements : or, la plupart des supporters portait les mêmes vestes et bonnets… Contacté à plusieurs reprises par So Foot, le magistrat de permanence n’a pas souhaité s’expliquer sur ses réquisitions. Quant au président de la Butte Paillade, s’il était effectivement « connu » , selon les mots du directeur de la DDSP, c’était pour ses responsabilités associatives et non pour des comportements violents ou des refus d’obtempérer, comme en attestent des sources policières montpelliéraines.

« Je vais faire ce qu’a dit Hessel dans son livre « Indignez-vous » »

Finalement, le juge écarte la prison et ramène l’interdiction de stade à 18 mois ainsi que l’amende à 1500 euros pour Cyril, qui a décidé de faire appel de cette décision. De son côté, maître Guibert avocat des forces de l’ordre s’est félicité de « ces poursuites tout à fait normales compte tenu de la gravité des faits » et de la fermeté de la justice à l’encontre de ces « attitudes débordantes et déviantes » .

Yves décide de ne pas en rester là. En découvrant le papier paru dans la Nouvelle République le lendemain des faits, « qui ne parlait que des forces de l’ordre et de l’état du policier alors qu’un supporter montpelliérain avait été transporté aux urgences, je me suis dit, je vais faire ce qu’a dit Hessel dans son livre « Indignez-vous » » . De retour à Montpellier, il envoie par courrier signé et daté sa version des événements à la Nouvelle République, au Midi Libre, à la Gazette de Montpellier au club de Montpellier ainsi qu’à So Foot. Sans grand succès. C’est que les supporters font couler plus d’encre quand ils sont suspectés d’être coupables de violences que quand des doutes existent sur la pertinence de l’intervention policière.

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