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Les hommes de Scaloni
Plus jeune sélectionneur de la compétition, Lionel Scaloni, 44 ans, partage les commandes de l’Albiceleste avec d’anciens partenaires de l’équipe nationale qui ont, comme lui, le bleu ciel et le blanc dans la peau. Avec Pablo Aimar, Walter Samuel et Roberto Ayala, ils forment un staff uni, humble et très respecté par les joueurs malgré leur maigre expérience sur un banc.
Lionel Scaloni rappelle souvent l’anecdote. Août 2018. Avec son pote Pablo Aimar, l’ancien capitaine du Deportivo La Corogne se balade tranquillement sur une plage de Valence en Espagne. Ensemble, ils viennent de remporter le prestigieux tournoi de l’Alcudia à la tête des U20 argentins. Le téléphone sonne. C’est Claudio Tapia, le président de la fédération argentine. Un peu emmerdé, le boss de l’AFA lui demande s’il peut prendre les rênes de la sélection pour un intérim de deux matchs amicaux face au Guatemala et au Mexique. L’Albiceleste est en cendres après la débâcle au Mondial russe. Scaloni le sait bien. Il était aux côtés de Jorge Sampaoli quand Benjamin Pavard est apparu au second poteau. « J’ai accepté sans réfléchir, racontait encore le natif de Pujato cette semaine en conférence de presse. Dans mon staff, on est comme ça. On est spontané et on profite. »
Sur un banc face à la mer Méditerranée, Scaloni écrit sa première liste de joueurs comme nouveau boss de l’équipe d’Argentine. Improbable. En réalité, le début d’une belle histoire. Pablo Aimar est déjà là pour l’aider à faire ses choix. Walter Samuel et Roberto Ayala, tous d’anciens partenaires en sélection, complèteront comme une évidence ce staff de coachs débutants qui a remis, à la surprise générale, le pays sur le chemin de la gagne après presque trois décennies de lose. « Ils sont plein d’idées et de projets. Ils ne vendent pas de fumée », appréciait César Luis Menotti sur TyC Sports au lendemain de la victoire en Copa América. Mythique sélectionneur des champions du monde 1978, El Flaco, aujourd’hui âgé de 84 ans, supervise les équipes nationales depuis 2019. « J’ai une relation très affective avec ce staff. Il n’y a pas que Scaloni. Avec Pablo, Walter et Roberto, ce sont tous de jeunes garçons qui travaillent avec beaucoup de sérieux. » Et sans faire de bruit. « On est des gars simples qui viennent du campo et veulent simplement le meilleur pour la sélection », disait l’année dernière le boss de l’Albiceleste à propos de ses « gringos ». Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?
Aimar, le penseur
L’ancien milieu de terrain du FC Valence, international à 79 reprises, était l’adjoint évident pour Scaloni. Ils partagent une référence commune : José Pékerman, l’entraîneur qui leur a appris la valeur, la signification de la sélection et les a guidés vers le titre mondial U20 en 1997 en Malaisie avant de les convoquer ensemble chez les A à la Coupe du monde 2006 aux côtés d’un rookie nommé Messi. Si les deux hommes enseignent aujourd’hui l’humilité, le travail et le calme à leurs joueurs, c’est grâce aux leçons du Profe Jose. Comme ce dernier, Aimar a la fibre de la formation. Depuis 2017, il est le très respecté entraîneur des U17 argentins avec lesquels il a remporté le tournoi continental il y a trois ans. Toujours avec sa touffe bouclée et sa barbe rousse, El Payaso (Le Clown en VF), 43 ans, séduit au pays à chaque fois qu’il évoque sa vision du football entre plaisir, éducation et méthodologie.
Jorge Valdano et Marcelo Bielsa suivent et écoutent avec attention celui qui est comme eux un amoureux de littérature et des bons mots. « Je connais Pablo depuis qu’il a 14 ans. Il a toujours été un garçon correct, très intelligent et avec une grande capacité pour observer les choses, souligne Hugo Tocalli, ancien adjoint historique de la sélection argentine de Pékerman qui a formé l’ex-magicien de Mestalla. Aujourd’hui, on voit que c’est un entraîneur avec des concepts très définis. Il a un grand avenir comme technicien. On parlait de lui comme remplaçant de Gallardo sur le banc de River Plate. C’est un grand penseur. Il garde toujours son calme. Scaloni écoute beaucoup Pablo. » Avec lui, le sélectionneur discute et définit tous les changements. Peu importe si Aimar est au bord de la crise cardiaque, comme après l’ouverture du score face au Mexique. C’est son adjoint tactique et stratégique. Le natif de Rio Cuarto a un autre atout majeur dans le staff actuel de l’Albiceleste. Il est l’idole d’enfance d’un certain Lionel Messi qui n’a jamais été aussi à l’aise et influent sous le maillot national.
Samuel, le bras droit idéal
Âgé de 44 ans, c’est un autre « fils de Pékerman » , ex-coéquipier de Scaloni et Aimar au Mondial U20 en Malaisie en 1997. Surnommé « le Mur » pendant sa carrière de joueur, l’ancien défenseur central de l’Inter Milan, 57 capes internationales, a déjà officié comme adjoint. C’était aux côtés de Stefano Pioli chez les Nerazzurri avant une pige en Suisse sur le banc du FC Lugano. « Il est un bras droit idéal pour Scaloni, pense Hugo Tocalli, dont le fils Martin est aussi l’entraîneur des gardiens du staff actuel de l’Albiceleste. On pense que Walter est un garçon timide parce qu’il n’aime pas les photos ou les interviews. Il parle peu, mais je peux vous dire qu’il est très écouté. Il voit bien le jeu et a beaucoup de personnalité. Il sait parler aux joueurs et bien s’entendre avec eux. C’est celui qui va s’approcher en premier pour dire ce qui est bien ou moins bien après un match ou donner les dernières consignes avant l’entrée sur le terrain d’un remplaçant. C’est un relais parfait pour Scaloni. Il le consulte beaucoup parce qu’il a énormément confiance en lui. » Lorsque le sélectionneur a été touché par la Covid en janvier dernier, Samuel a pris sa place lors de la victoire au Chili (1-2) lors des éliminatoires. Toujours avec son crâne rasé et ses yeux bleus perçants, le grand Walter qui a grandi dans la province de Santa Fe comme Scaloni connaît très bien les cadres de l’équipe actuelle. Joueur, il a participé à la Coupe du monde 2010 aux côtés de Messi, Di María et Otamendi.
Ayala, le soutien des joueurs
Lionel Scaloni connaît bien le natif de Paraná pour avoir participé avec lui au Mondial 2006 en Allemagne. C’est Pablo Aimar, son ex-partenaire au FC Valence, qui a conseillé au sélectionneur d’intégrer l’ancien défenseur central, « le plus rude que j’ai jamais rencontré », disait Ronaldo le Brésilien. Exit les cheveux longs, Roberto Ayala, barbe grise, 49 ans, 116 sélections au compteur, a connu une brève expérience de manager au Racing en Argentine et de conseiller technique à Valence avant d’accepter l’aventure sur le banc de la sélection.
« C’est le plus discret des quatre, confie Hugo Tocalli qui l’a dirigé avec l’Albiceleste et connaît bien le fonctionnement de ce passionné de peinture qui ne part jamais sans une feuille de papier et un crayon pour dessiner. Roberto, il regarde et observe en permanence. C’est lui qui va parler aux joueurs quand il sent qu’ils ne sont pas bien moralement. Je ne dirais pas que c’est un psychologue, mais c’est un soutien important pour eux. Il apporte beaucoup au staff dans ce registre. » C’est lui qui a permis l’éclosion en sélection du défenseur Cristian Romero, un garçon qu’il suivait depuis plusieurs années en Italie. Joueur, Ayala a participé à trois Coupes du monde, dont celle de 2002 avec Walter Samuel. Sous les ordres de son modèle Marcelo Bielsa, l’Argentine, grande candidate au titre, avait été éliminée au premier tour. Une leçon apprise par cœur et répétée aux joueurs actuels pour éviter de connaître la même désillusion ce mercredi.
Par Georges Quirino-Chaves à Buenos Aires
Tous propos recueillis par GQC sauf mentions