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Les Hommes de Rio

Chérif Ghemmour
Les Hommes de Rio

En juin 1964, L'Homme de Rio de Philippe de Broca et avec Jean-Paul Belmondo cartonnait sur les écrans français : ça fera 50 ans pile aujourd'hui ! En 1964, avec Bébel, l'Amour triomphait du Mal caricaturé. En 2014, avec les Bleus, on espère que l'Amour triomphera du désespoir bien plus réel…

Les demies pour l’amour d’Agnès

Des similitudes incroyables relient les aventures brésiliennes de Belmondo et les Bleus de Deschamps… Bébel (Adrien dans le film) chope l’avion pour Rio in extremis, tout comme les Bleus barragistes miraculés, qualifiés au bout du bout d’éliminatoires pleines de suspens. Adrien était parti pour les Tropiques par amour pour Agnès, enlevée au Trocadéro. Les Bleus y vont pour reconquérir l’amour de la France et des Français. Adrien était un bidasse en permission, auto-missionné pour aller chercher sa belle de Rio à Brasilia en passant par la forêt amazonienne. Les Bleus-bite de DD sont une gentille petite escouade (la plus jeune du tournoi), disciplinée et cheveux courts, prête aussi à parcourir tout le Brésil pour y affronter l’adversité. Des petites statuettes dorées constituent un des enjeux communs des aventures fictionnelles d’Adrien (les fameuses statuettes maltèques) et celles plus réelles des Bleus (le trophée Fifa). Mais cette quête de l’or n’est pas primordiale… Adrien revient en France avec son amour, Agnès, mais pas plus riche qu’avant, ni glorifié non plus par ses exploits puisqu’il doit rentrer humblement de perm à la caserne ! Idem pour les Bleus. On ne leur demande même pas de gagner la Coupe du monde (la France n’est pas favorite) : on leur demande de nous faire rêver et de bien représenter la Nation. Bref, de rallumer entre eux et nous la flamme de la passion. Les sondages auprès de la population française sont formels et épousent même les pronostics des experts du ballon rond : 56 % des Français pensent que l’équipe de France atteindra au moins les quarts, et un peu plus si affinités (enquête d’opinion de L’Équipe et I-Télé de ce matin).

Et c’est quoi les « quarts » ? Une corvée ! Pour le bidasse Bébel, « prendre le quart » , c’était reprendre du service au Brésil. Bien malgré lui, puisqu’il était en permission. Pour les Bleus, jouer au moins « les quarts » , c’est la possibilité de dépasser « le car » de Knysna et les « quarts » du dernier Euro ! En fait, l’objectif assigné aux Bleus au Brésil sera donc d’atteindre les demies afin d’abattre la barrière mentale du car 2010 et des quarts 2012. Et ça, ça serait une vraie preuve d’amour ! Le dernier carré reste pour l’instant l’aboutissement rêvé et raisonnable de tout le pays. On oublie tout et on recommence… L’objectif minimum des quarts, c’était d’ailleurs le même souhait de la France et des Français en 1998, en désamour total d’avec ses Bleus. Les demies, c’était la porte ouverte à tous les scénarios ultérieurs : les Bleus vainqueurs ou finalistes, ou au moins médaillés de bronze et au pire quatrièmes. Un bilan correct, en somme, qu’on attendait de la bande à Jacquet… En 2014, on vise également 2016 et l’Euro à la maison. Atteindre le dernier carré au Brésil, ce serait se remettre en situation favorable pour l’Euro 2016, de la même façon que les demies de l’Euro 96 en Angleterre avaient mis les Bleus sur la voie du triomphe en 98. Au Brésil, une élimination en demies suffirait au bonheur des Français, plutôt que la victoire finale et le titre (pour l’instant, on n’y croit pas trop). En 2014 comme en 1964, c’est l’amour d’Agnès plus que l’or et les diamants du trésor maltèque qui importe avant tout !

Les Bleus comme antidépresseurs ?

Le scénario du film Les Hommes de Rio incite à l’optimisme. Une poule abordable (à condition de finir premiers), un 8e plus que jouable (a priori Bosnie ou Nigeria) et un quart pas facile, mais propice à l’exploit attendu (Allemagne ou Portugal ?). La demie ensuite, ce sera cadeau ! Du bonus… Les trois matchs de préparation sans Ribéry ont été réussis et ont donc atténué la déception de son forfait. D’ailleurs, à entendre Deschamps en conf et à voir les joueurs oublier de rendre hommage à Lascarface (genre, « spéciale dédicace à Francky » à chaque but marqué contre la Jamaïque) démontrent que Franck Ribéry a disparu. Zappé par le groupe France… Même réhabilités, Ribéry et Abidal c’était Knysna : alors bon débarras ! De même que pour les affreux M’Vila, Ménez et Nasri : ouste ! Il reste Évra, mais c’est l’exception sud-africaine d’une équipe de France nouvelle que la France se plaît à aimer. Celle de la jeunesse de Pogba, Varane et Griezmann. Celle du patriotisme retrouvé où tous chantent la Marseillaise. Celle de la modestie qui ne brode pas de deuxième étoile come en 2002… Les Bleus sourient et signent des autographes : à Nice, Benzema a pris un bébé dans ses bras sans le faire tomber ! Les Bleus ne font pas trop de pub (Giroud-belle gueule fait un peu de retape pour les parfums Boss). Et puis la FFF a bien fait les choses en délocalisant deux matchs à Nice et à Lille (contre le Paraguay et la Jamaïque), après le jacobin Stade de France (contre la Norvège). À quand un match en Corse pour que l’équipe de France soit l’équipe de TOUTE la France ? Les Bleus sont unis. Il n’y a plus de Parisiens et de Marseillais, comme avant : Cabaye et Valbuena sont français avant tout, au point d’être meilleurs en sélection qu’en club ! Fraternité : Benzema a prononcé le nom « Olivier » en conf de presse après la Jamaïque. La veille, Karim lui a fait une passe décisive contre les Reggae Boys… Halleluyah !

On l’aura compris : ce climat d’amour forcé est à la fois touchant et pathétique, un peu comme la campagne électorale de Ségolène en 2007. Fraternitude : on s’aime tous, on y croit, on se force à y croire… Mais sans espérer gagner : Sarkozy était donné gagnant à tous les coups. En foot, aujourd’hui, l’Espagne, le Brésil et l’Allemagne ont la faveur des pronostics. Pas la France. On aimerait faire des Bleus le point d’ancrage stable d’une société française qui doute, ballottée qu’elle est par une mondialisation pas si heureuse et par une crise qui ne fait que produire ses premiers effets dévastateurs. Une fois encore, c’est beaucoup trop demander à cette équipe de France… Même si elle remporte le titre le 13 juin prochain, il ne faut pas s’illusionner : France 98 n’a pas résolu les vrais problèmes. Reste qu’on veut y croire quand même. Et pourquoi pas, au vu du jeu plutôt agréable pratiqué par les Bleus de DD ? Reste que l’accueil hyper chaleureux réservé aux Bleus à St-Denis, à Nice et à Lille (la ola, la Marseillaise chantée et rechantée, les drapeaux, les applaudissements répétés) a dépassé le simple cadre du supportérisme bon enfant. Il reflétait aussi un fort désir de solidarité. Preuve accablante qu’on n’attend plus grand-chose de la politique (c’est pas nouveau, mais ça empire) et qu’on est prêt à se contenter d’exploits sportifs pour oublier le réel : et si c’était ça aussi la vraie tiers-mondisation de la France ?

Chérif Ghemmour

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