- International
- Amicaux
- Équipe de France
- Bilan
Les heureux perdants
Il peut se passer beaucoup de choses en deux matchs amicaux. Certains y trouvent une forme de rédemption (André-Pierre Gignac, par exemple), d'autres encore s'affirment comme jamais (Raphaël Varane, Paul Pogba) et puis il y a une autre catégorie. Celle des perdants. En deux matchs, ils sont trois à ne pas avoir franchement marqué de points : Lucas Digne, Yohan Cabaye et, étrangement, Hugo Lloris.
Au lendemain de la victoire contre l’Ukraine en novembre dernier (3-0), l’équipe de France et Didier Deschamps semblaient avoir des certitudes inébranlables sur le milieu de terrain pour un bout de temps. Yohan Cabaye en sentinelle, Blaise Matuidi et Paul Pogba devant pour briser les lignes. C’était beau, complémentaire, technique et sympa. Moins d’un an plus tard, Yohan Cabaye a perdu tout son charme. Aligné contre le Portugal, le milieu de terrain du PSG a été quelconque. Contre l’Arménie, il est resté sur le banc puisque Didier Deschamps a préféré jouer avec deux récupérateurs. Après des matchs moyens contre la Serbie et l’Espagne en septembre, le numéro 4 du PSG est en train de perdre du crédit en équipe de France. Indiscutable il y a encore trois mois, il l’est de moins en moins. Et comme il tarde à s’épaissir dans la capitale, il perd patience en même temps qu’il perd son football. D’ailleurs, en début de rassemblement à Clairefontaine, le joueur avait mis en avant dans L’Équipe son mal-être actuel : « Est-ce que je suis heureux et épanoui ? Pour être honnête, non ! C’est une situation inédite pour moi et je ne me plains pas. D’ailleurs, je ne me suis jamais plaint parce que ce n’est pas dans ma nature. La seule chose à faire est de démontrer ce dont je suis capable. Mais bon, parfois, c’est sûr que… Ce n’est pas facile. »
Incapable de délivrer un bon match en club depuis son arrivée fin janvier au PSG, l’ancien de Newcastle commence à douter de lui. Et ça se voit en sélection où il commet plus de fautes que de gestes utiles. Concrètement, Cabaye traverse une petite déprime sportive. Plus rien ne marche et il peut craindre pour sa place de titulaire en Bleu s’il continue à ce rythme. Mais dans l’obscurité qui est la sienne actuellement, il peut compter sur les copains comme Blaise Matuidi – capitaine des Bleus mine de rien – venu à son secours dans les médias. « Yohan ne se plaint jamais, c’est un bosseur. C’est normal qu’il puisse mal vivre cette situation. Il a toujours joué depuis le début de sa carrière. Mais je ne me fais pas de souci pour lui. C’est un très bon joueur, il le démontre au quotidien. Après, ce sont des choix de coach, on doit les accepter. Il l’accepte, il travaille. Mais il n’est pas forcement content, c’est normal, surtout pour un joueur de son niveau. »
Évra a cannibalisé Digne
Un autre Parisien peut se faire du souci en équipe de France, c’est Lucas Digne. Pour le coup, le champion du monde U20 ne dit rien dans la presse. En même temps, difficile de revendiquer quelque chose à 21 ans quand on est remplaçant en club. Du voyage au Brésil, l’ancien Lillois apprend les ficelles du métier. Titulaire face à l’Arménie, il n’a pas été franchement exceptionnel. Sa qualité de centre ne saute pas aux yeux et son entente avec Loïc Rémy sur le côté gauche est restée au stade des préliminaires. Sauf qu’en A, il faut conclure. Et vite. Quand on est si peu mordant face à l’Arménie, on peut se poser des questions sur la suite. Au départ, il semblait évident que le gaucher était là pour prendre la suite de Patrice Évra qui, à 33 piges, n’incarne pas vraiment l’avenir au poste de latéral gauche. Mais bizarrement, le néo-Turinois est en train de jouer le meilleur football de sa vie en équipe de France. Pis pour Lucas Digne, il sent de plus en plus le souffle de Layvin Kurzawa sur sa nuque.
Titulaire avec les Espoirs, le Monégasque monte en puissance et la plèbe le réclame en A à la place du Parisien. Heureux présage pour Digne, « Kurz » s’est cramé médiatiquement hier avec les Bleuets en célébrant son but de manière un peu trop virulente avant de couler, avec tous ses copains, 120 secondes plus tard. Dans un pays qui veut absolument faire de ses footballeurs des modèles, le gaucher de la Principauté s’est tiré une balle dans le pied. Et comme Lucas Digne a tout du gentil garçon, il peut encore espérer pour sa place. Il a gagné un sursis. Mais lors des prochains rassemblements de l’hiver, le champion du monde U20 ne pourra plus être aussi lisse. Après tout, comme Pogba, il a été chercher un titre de champion du monde avec la génération 1993. À lui de hisser son niveau. Pour l’instant, Digne est en Bleu ce qu’il est au PSG : une doublure sympathique.
Mandanda, le gardien qui met la pression, garçon
Ce costume de doublure, s’il y en a bien un qui n’a pas envie de l’enfiler, c’est Hugo Lloris. Capitaine habituel, le portier de Tottenham n’a joué aucun des deux matchs en raison d’un adducteur gauche douloureux. Pendant ce temps, c’est le Marseillais Steve Mandanda qui s’est fait un kiff de 120 minutes. Après sa parade manchette sur CR7 au Stade de France, l’Olympien a tenu la distance face à l’Arménie. Des matchs bourbiers où une carrière internationale peut s’envoler sur un contrôle raté ou un projecteur trop lumineux. Impérial avec l’OM depuis le début de saison, le portier a parfaitement digéré sa blessure qui l’avait privé de Mondial au Brésil. Alors qu’il enchaînait les matchs moyens à Marseille l’an dernier, Steve est (re)devenu « Il Fenomeno » .
Ce gardien intouchable, qui saute sur toutes les balles tel un chat et qui dégage une sérénité incroyable. Mieux, le revoilà ambitieux en équipe de France. « Ça fait cinq ans que je suis numéro deux en sélection. Je n’ai pas joué beaucoup de matchs. Donc ça me ferait plaisir d’en jouer un des deux » disait-il sur Téléfoot en début de rassemblement. La blessure de Lloris a fait le reste. Mandanda est-il capable de bousculer cette hiérarchie des gardiens ? Possible. Surtout si le dernier rempart des Spurs peine à retrouver un niveau physique décent. Et comme l’OM est la nouvelle attraction médiatique du moment en France, Mandanda peut surfer sur la vague Bielsa et tout rafler en Bleu. Une chose est sûre, Hugo Lloris va devoir faire attention à son confrère. Ça peut aller très vite. Et sur la forme du moment, il n’y aurait rien à dire. Décidément, il s’est passé beaucoup de choses en deux matchs.
Par Mathieu Faure