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Les grands duos offensifs de la Premier League
Si Leicester a d’ores et déjà marqué de son empreinte l’exercice 2015-2016 par son parcours renversant, c’est en grande partie grâce à Riyad Mahrez et Jamie Vardy. Un duo offensif insolite qui pourrait figurer parmi les plus mythiques de l’histoire de la Premier League. Parce que c’est bien connu, le bonheur se vit et se partage à deux. Revue de ces paires ancrées dans la mémoire collective outre-Manche.
Arsenal : Thierry Henry / Dennis Bergkamp (1999-2006) – 265 buts toutes compétitions confondues
Pascal Cygan, défenseur des Gunners (2002-2006) : « Un duo presque paranormal »
« C’est un duo qui a marqué la Premier League. Il y avait une complicité naturelle entre les deux, c’était une évidence. Ils se trouvaient les yeux fermés. Si ça fonctionnait tant entre eux, c’est parce qu’ils avaient une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne. Pour moi, ça reste vraiment un duo magique. La passe de Bergkamp pour Henry, c’est quelque chose qui était devenu instinctif. Ça se faisait naturellement. Chacun anticipait les mouvements de l’autre sur le terrain, c’était presque paranormal à voir. Après, c’était avant tout une complicité sportive. En dehors des terrains, ils n’étaient pas particulièrement proches. Mais Henry avait une forme d’admiration pour Bergkamp. À vrai dire, on éprouvait tous cette admiration pour lui. Pour le joueur et l’homme qu’il était. D’ailleurs, personne n’a jamais eu de problème avec. »
Newcastle : Andy Cole / Peter Beardsley (1993-1995) – 76 buts
Philippe Albert, défenseur des Magpies (1994-1999) : « Un honneur extraordinaire »
« J’ai joué six mois avec eux, avant qu’Andy Cole ne parte à Manchester United en janvier 1995. Peter Beardsley, je le connaissais déjà pour sa période à Liverpool et je n’ai pas du tout été étonné. Il avait une technique et une vision du leu largement au-dessus de la moyenne. Il formait un duo absolument fantastique avec Andy Cole. Lors de la saison 1993-1994, ils marquent un total de 55 buts ! Ce qui a permis à Newcastle de terminer troisième du championnat. Même si je n’ai fait que six mois avec eux, j’ai énormément appris. Ils se trouvaient les yeux fermés, en fait. Il y a des joueurs comme ça qui sont faits pour jouer l’un avec l’autre. Beardsley avait déjà toujours une longueur d’avance sur ses adversaires, tandis que Cole était un renard des surfaces. Mais pas seulement, puisqu’il pouvait aussi se déplacer sur la gauche et la droite pour se rendre accessible. Il y avait une alchimie présente dès le départ. En match, c’était vraiment un plaisir d’évoluer avec des joueurs pareils. Ils perdaient rarement le ballon, ce qui était important pour l’équipe. C’était en plus des gars sympas, gentils, très abordables avec tout le monde. Ils ne s’entendaient pas que sur le terrain, mais aussi en dehors. On sentait une réelle complicité. Offensivement, quand vous aviez un tel duo, vous ne pouviez jouer que les premiers rôles en championnat. À l’époque, le Newcastle de Kevin Keegan était d’ailleurs l’un des adversaires les plus redoutés de Manchester United. L’équipe était en grande partie formée autour de Beardsley et Cole. Parce qu’on faisait le spectacle, on était applaudi par les supporters adverses. Et ça, c’était grâce à eux. 75% du travail offensif était réalisé par eux. Quand Cole est parti pour Manchester United, ça a été un gros coup dur. En janvier, on était deuxièmes. En fin de saison, on a terminé sixièmes… C’était un honneur extraordinaire d’avoir pu les côtoyer. »
Liverpool : Emile Heskey / Michael Owen (2000-2004) – 163 buts
Jacques Crevoisier, adjoint de Gérard Houllier à Liverpool (2000-2004) : « On a flashé tout de suite »
« J’ai un souvenir très précis de la première fois où je les ai vus jouer ensemble. J’étais déjà l’adjoint de Gérard Houllier avec l’équipe de France des moins de 18 ans. En 1996, on gagne le championnat d’Europe de la catégorie à Besançon avec la génération de Trezeguet, etc. L’Angleterre, elle, termine troisième avec devant Heskey-Owen. Avec Gérard, on a flashé. C’était déjà les mêmes, Owen était rapide, Emile un mec costaud. Quatre ans plus tard, quand on est arrivés à Liverpool, c’était pareil. Emile venait d’arriver au moment où Robbie Fowler commençait à décliner. Fowler acceptait mal ce qui lui arrivait, et il est parti en décembre 2001 à Leeds. On avait aussi Anelka à un moment, mais Owen et Heskey étaient nos numéros un. Michael était un joueur et un homme hors du commun, plus intelligent que la moyenne des footballeurs, un gros bosseur, alors qu’Emile était un peu moins sérieux. C’est peut-être ce qui lui a manqué pour aller encore un peu plus haut. C’était des Anglais, dans le bon sens. Emile était le point d’appui, Michael le finisseur. Je pense n’avoir jamais rencontré quelqu’un d’aussi fort devant le but, si ce n’est Trezeguet ou Fowler. Henry ou Bergkamp à côté, ce n’était rien. Au contraire, la force d’Emile, c’était sa capacité à encaisser les coups sans rien dire, en se battant comme un chien. Leur grande chance aussi aura été d’évoluer ensemble en sélection, ce qui leur a permis de développer une relation particulière, des automatismes innés. »
Sunderland : Kevin Phillips / Niall Quinn (1997-2002) – 100 buts
David Bellion, attaquant des Black Cats (2001-2003) : « Un style à la Laurel et Hardy »
« Kevin Phillips était quelqu’un de très taiseux, qui ne parlait pas beaucoup, discret. Mais devant les cages, je n’ai pas vu beaucoup de joueurs comme lui. Dans ma carrière, j’ai vu lui, Ruud van Nistelrooy et Cavenaghi. Des tueurs. Phillips, c’était juste extraordinaire quand il était devant les buts. Le duo qu’il formait avec Niall Quinn a marqué la Premier League, car il y avait vraiment un écart de style. Un grand de presque deux mètres, Quinn, avec un petit d’1m70, Phillips. Il était petit mais avec une puissance et une agilité vraiment incroyables. Un buteur de fou. À l’entraînement, il y avait lui et les autres. Même sa détente de la tête était incroyable. Niall Quinn, lui, était quelqu’un de joyeux, qui n’hésitait pas à aller parler aux jeunes. Il était très paternel dans son approche, bon de la tête, très habile malgré sa grande taille, un leader de vestiaire. C’était un super joueur pour un second attaquant ou un milieu, car il était capable d’effectuer beaucoup de remises. Si ce duo marchait si bien, c’est parce qu’ils se complétaient. Ils se rendaient bons mutuellement, tout en sachant que Phillips était le buteur attitré. Quinn marquait aussi, mais pas autant. C’était un joueur très intelligent. Il compensait parce qu’il avait une perte de vitesse, même une grande perte de vitesse (rires). Phillips tournait tout le temps autour de lui. Dans le style, c’est un duo qui n’a rien à voir avec Cole et Yorke, par exemple. C’était un style un peu à la Laurel et Hardy, et les deux faisaient des étincelles. »
Leeds United : Mark Viduka / Alan Smith (2000-2004) – 111 buts
Olivier Dacourt, milieu de terrain des Peacocks (2000-2003) : « Un gentil nounours et un chien »
« Le premier souvenir qui me vient en tête, c’est le but d’Alan contre la Lazio en Ligue des champions (0-1, 5 décembre 2000). Une merveille de combinaison. Mark était très costaud et avait cette capacité de garder le ballon, tandis qu’Alan, c’était un chien. Pour moi, ce n’était pas un attaquant, mais un chien (rires). Il courait de partout, c’était impressionnant. C’est d’ailleurs sans doute pour ça qu’Alex Ferguson l’avait repositionné en tant que milieu défensif. Un choix assez étrange, mais comme il y avait du monde devant à Manchester… Il se battait sur tous les ballons. Pour un milieu, quand vous avez un attaquant pareil devant vous, pfiouu… C’est un rêve ! Les deux étaient vraiment complémentaires, ils allaient bien ensemble. Lorsque Mark gardait le ballon, Alan en profitait pour aller dans tous les espaces. C’était une très belle paire. En plus, Alan était jeune et il avait parfaitement remplacé Michael Bridge et Harry Kewell qui étaient blessés, notamment lors de la saison 2000-2001. Alan n’avait pas une très belle réputation sur le terrain alors qu’en dehors, il ne parlait jamais. Pas un mot. Il était introverti, mais quand il arrivait sur la pelouse, là il s’exprimait. Mark, lui, était impressionnant physiquement. En dehors, c’était un gentil nounours (rires). Et les deux s’entendaient bien. À l’époque, l’ambiance était extraordinaire à Leeds. C’est la meilleure ambiance que j’ai connue durant toute ma carrière. Avant les matchs, par exemple, toute l’équipe chantait dans le bus. Je n’ai jamais revu ça. Tout monde sortait ensemble, on mangeait ensemble après les matchs. Et cette osmose dans le groupe se ressentait sur le terrain. C’était la clé de notre réussite. »
Manchester United : Andy Cole / Dwight Yorke (1998-2001) : 127 buts
Andy Cole : « C’était comme tomber amoureux »
« J’aimais Yorkey, mais nous étions totalement différents. Dwight était plutôt du genre : « Hey, regardez-moi, je joue pour Manchester United. J’ai une belle femme et une belle voiture. » Je suis le contraire de ça. J’avais acheté une Porsche, mais il m’a fallu au moins deux mois avant de venir avec à l’entraînement parce que j’étais un peu gêné. Quand je l’ai rencontré, c’était comme rencontrer une femme spéciale et tomber amoureux. Tout était parfait. On ne s’est jamais fâchés. Si j’étais énervé ou s’il l’était, on en parlait et tout rentrait dans l’ordre. Peu de temps après son arrivée à United, les grands clubs en Europe disaient : si nous stoppons Yorke et Cole, alors nous pourrons arrêter Manchester United. Mais ils ne pouvaient pas. Notre confiance ne cessait de grimper en flèche et nous sentions qu’on pouvait marquer chaque semaine. Si l’un de nous deux ne marquait pas, l’autre le faisait. On pouvait adapter notre style de jeu en fonction de l’adversaire : je jouais long, il jouait court. Personne ne savait comment nous marquer. À certains moments, nous avions tellement d’espaces que l’on pouvait se permettre de prendre des libertés. »
Tottenham : Dimitar Berbatov / Robbie Keane (2006-2008) : 91 buts
Pascal Chimbonda, défenseur des Spurs (2006-2008, 2009) : « L’élégance et le flair »
« L’un décrochait et l’autre demandait en profondeur. Ils avaient une bonne entente, étaient vraiment complémentaires. Berbatov est quelqu’un qui aime avoir le ballon dans les pieds. Robbie, lui, est quelqu’un qui aime avoir des espaces. Grâce à la technique de Berbatov, Keane pouvait recevoir de bons ballons. C’est ce qui fait que ce duo marchait. Puis il y avait aussi Defoe qui pouvait les suppléer. Berbatov, c’était vraiment l’élégance, la technique. Tu pouvais lui donner n’importe quel ballon et il arrivait à te le rendre propre. C’était un vrai plaisir de le voir jouer, une merveille de jouer à ses côtés. Keane n’était pas seulement rapide, il était adroit devant le but. Il aimait vraiment beaucoup être servi dans les petits espaces et faisait la différence par ses déplacements. Il sentait le jeu, les coups et savait quand Berbatov allait lui donner la balle. Il avait ce flair que beaucoup d’attaquants n’ont pas. »
Blackburn : Alan Shearer / Chris Sutton (1994-1996) surnommés « SAS » : 83 buts
Chris Sutton : « La seule fois où j’ai vraiment été proche de lui, c’est quand je grimpais sur son dos après qu’il avait marqué ! »
« Pour moi, Alan est l’un des tout meilleurs attaquants dans l’histoire de la Premier League. Si nous avons remporté le titre de champion avec Blackburn en 1994-1995, c’est en grande partie grâce à lui et ses buts. Je le regardais de temps en temps et je me disais : « Mon dieu, il fait cela avec tellement de facilité ! » Une fois qu’il était lancé, personne ne pouvait l’arrêter. On disait à l’époque qu’on ne pourrait pas former un duo, mais Alan a toujours été cool et m’encourageait. Il n’arrêtait pas de marquer, marchait à un rythme d’enfer et j’essayais de faire de même. Mais c’était difficile, la seule fois où j’ai vraiment été proche de lui, c’est quand je grimpais sur son dos après qu’il avait marqué ! »
Chelsea : Jimmy Floyd Hasselbaink / Eiður Guðjohnsen surnommés « Fire and Ice » : 147 buts
Jimmy Floyd Hasselbaink : « Nous voulions jouer ensemble »
« Il ne fait aucun doute que c’était mon partenaire favori en attaque. Eiður et moi étions de très bons amis sur le terrain, mais également en dehors. Le fait qu’il parle couramment le néerlandais a favorisé notre bonne entente. Je pense que la chose la plus importante est que nous voulions jouer ensemble et mettre l’autre dans les meilleures dispositions possibles. On se complétait mutuellement, car j’étais capable de faire certaines choses et Eiður d’autres. Nous savions où était l’autre à chaque fois. On donnait tout l’un pour l’autre, peut-être lui un peu plus que moi d’ailleurs ! Ça a vraiment bien collé entre nous. »
Newcastle : Alan Shearer / Craig Bellamy (2001-2005) : 141 buts
Laurent Robert, milieu de terrain des Magpies (2001-2006) : « Alan avait les pieds droits et ça passait toujours. »
« Historiquement, Alan est déjà un mec qui pèse déjà beaucoup. Alors quand, en plus, tu le côtoies pendant plusieurs années… C’était un attaquant vraiment impressionnant. Il avait les pieds droits et ça passait toujours. Tu pouvais lui filer le ballon, tu savais qu’une fois sur deux ça rentrait. Quand Bellamy était aligné avec Shearer, ça fonctionnait à merveille. Il tournait autour d’Alan, ça faisait des ravages. Avec sa rapidité et son intelligence de jeu, il offrait beaucoup de solutions. Et quelle mentalité, également. Il détestait perdre et ne lâchait rien du tout. Jamais. »
Olivier Bernard, latéral gauche des Magpies (2000-2005) : « Bellamy pouvait courir 15 miles sans transpirer ! »
« Bellamy était chargé du travail de fond, c’est lui qui libérait les espaces, demandait court ou long. Il n’arrêtait pas de courir derrière les défenseurs. À l’époque où on jouait, c’était la paire qui nous faisait gagner. Les deux joueurs étaient complémentaires et c’est en partie grâce à eux qu’on se qualifie pour la Ligue des champions lors d’une saison. Alan Shearer courait moins, mais c’était un tueur devant le but. Juste impressionnant. Avec Bellamy, Robert et Solano, il avait des joueurs qui pouvaient le servir idéalement. C’était du lourd. Si ça fonctionnait si bien entre Bellamy et Shearer, c’est parce que l’entente était claire. Craig, c’était le coureur. Et Alan, le finisseur. C’est quelque chose qui a été compris dès le premier jour. Bellamy n’a jamais été gêné de faire ce travail de l’ombre, même si ça chambrait pas mal dans le vestiaire. Plusieurs fois, on disait à Alan que ça allait pour lui, qu’il restait devant le but et attendait (rires). Mais c’était son rôle aussi. Bellamy parcourait des kilomètres sur le terrain, je crois que c’était l’un des joueurs qui en faisaient le plus en Premier League. Le pire, c’est qu’il ne transpirait pas ! Il avait un petit patch au niveau des pecs, mais il n’y avait rien. Son maillot était propre. Il se faisait chambrer tout le temps. On lui disait : « Toi, je ne sais pas ce que tu mets dans ta ventoline (Bellamy avait de l’asthme, ndlr) ! » Des vraies barres de rire dans le vestiaire. Le gars venait de faire quinze miles, il ne transpirait pas. Tout le monde était en sueur, sauf lui. »
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Par Romain Duchâteau
Tous propos recueillis par RD, sauf ceux de Jacques Crevoisier par MB et ceux d’Andy Cole, Jimmy Floyd Hasselbaink et Chris Sutton extraits de Four Four Two et du Daily Mail