- France – 11 septembre 1932 – Le jour où
Les grands débuts du foot pro en France
Il y a très exactement 83 ans avait lieu la première journée de la première saison du championnat de France professionnel de foot. Dix matchs ont eu lieu, dont pas mal de chocs entre clubs du Nord et du Sud, quelques surprises et déjà un peu de polémique pour alimenter le café du commerce.
C’était le 11 septembre 1932 : jour de la première journée de celle que l’on appelait alors la Division nationale, ancêtre de notre chère Ligue 1. Auparavant, le professionnalisme était interdit dans le football français, du moins théoriquement. En réalité, pas mal des meilleurs joueurs du pays étaient déjà rémunérés en douce, sous le manteau, tels ceux de la Ligue parisienne de Football Association, championnat dans lequel évoluaient les gros clubs de la capitale (Red Star, Stade français, Club français, Racing Club…), ou encore ceux de la très compétitive Ligue du Sud-Est. Des formations comme Antibes, Marseille ou Cannes s’empresseront d’ailleurs de postuler cette saison inaugurale de la Division nationale (renommée division 1 dès l’année suivante), histoire de régulariser des pratiques illégales…
L’autorisation du statut professionnel en France est votée en juillet 1930 à une assez large majorité par le bureau de la FFFA (Fédération française de Football Association), bien que son président Jules Rimet décide de s’abstenir. Le lobbying des partisans du professionnalisme, dont Emmanuel Gambardella, Gabriel Hanot, Georges Bayrou (président de Sète) et Isidore Odorico (président de Rennes), paie. Le premier nommé prend la tête de l’ancêtre de la LFP et le second de l’UNFP. Assez étonnamment, les candidatures ne sont pas si nombreuses. Il faut dire qu’à l’époque, c’est un saut dans l’inconnu qu’on peut considérer comme assez dangereux : pas de visibilité sur le long terme, possible régression sportive et un modèle économique à imaginer.
Karl Klima premier buteur de l’histoire
Finalement, ils sont vingt clubs à être retenus et à se présenter au grand départ du 11 septembre 1932. Deux poules de dix sont organisées, une formule qui sera abandonnée dès l’été suivant au profit d’un tableau unique à quatorze clubs. Car la bagarre est rude dès cette première saison, avec six relégations prévues au total, en vue de constituer une deuxième division en 1933. Pour ce qui est du titre, il est convenu qu’il se joue sur un match, entre les deux premiers de chaque poule, et qui se jouera sur terrain neutre au stade de Colombes. Mais pour en revenir à cette journée inaugurale de septembre, elle voit donc s’affronter vingt équipes en dix matchs, avec pas mal de chocs entre Nordistes et Sudistes (la répartition des groupes n’avait rien à voir avec la géographie).
Et déjà les dirigeants des différents clubs peuvent souffler : cette grande première est un succès populaire, avec pour l’époque quelques belles affluences. Au stade Elisabeth, dans le 14e arrondissement de Paris, ils sont par exemple 8 000 à assister à la victoire d’Antibes, 3-2 face au Red Star. L’ouverture du score est signée de l’Autrichien d’Antibes Karl Klima sur coup franc direct, dès la 8e minute de jeu. Il s’agit du premier but de l’histoire de la D1 et il sera contesté par les Franciliens, qui découvrent qu’il n’était pas qualifié et n’aurait donc pas dû être aligné. Les organisateurs, Emmanuel Gambardella en tête, fermeront les yeux…
Un Olympico entre Marseille et… Lille
Parmi les autres scores remarquables, l’Olympique Lillois, futur premier champion de France de l’histoire, débute pourtant par une défaite à domicile, 1-2 face à l’Olympique de Marseille. Cette première journée est d’ailleurs marquée par le grand nombre de succès des équipes visiteuses, sept en dix rencontres. Au total, 43 buts sont marqués, dont 10 rien que lors du nul 5-5 entre Cannes et Fives, autre club lillois qui fusionnera après la Seconde Guerre mondiale avec l’Olympique de Lille pour créer le LOSC. Sète, vainqueur 3-0 de l’Excelsior Roubaix, est le premier leader de la poule A, position occupée dans la poule B par le CA Paris, qui surprend Sochaux 3-1 dans le tout récent stade de la Forge, ex-Bonal. Il faut noter que sur les vingt participants, certains ont aujourd’hui disparu (les deux clubs lillois donc, ainsi que le voisin de Roubaix, le Club français et le CA Paris), d’autres évoluent à l’heure actuelle au niveau amateur (Hyères, Mulhouse, SC Nîmois, Racing, Sète, Alès, Antibes et Cannes), tandis que les survivants du professionnalisme sont Marseille, Nice, Metz, Montpellier, Rennes, Sochaux et le Red Star, qui fait son retour.
Le premier scandale vient d’Antibes
Autre observation, le championnat de France est, dès le départ, assez étonnamment internationalisé, chez les joueurs comme chez les entraîneurs. Deux nationalités sont alors très prisées : les Anglais bien sûr, ainsi que les Autrichiens, considérés comme les meilleurs joueurs de football de l’époque. Cette saison inaugurale se terminera le 14 mai 1933 à Colombes par la victoire 4-3 de l’Olympique lillois sur Cannes, qui n’avait pourtant terminé que deuxième du groupe B. Le premier, Antibes, avait été disqualifié suite aux déclarations de l’entraîneur de Fives, après la défaite des siens 0-5 face aux Antibois lors d’une dernière journée décisive pour le classement de la poule. L’Olympique d’Antibes, qui jouissait déjà d’une sulfureuse réputation sous l’ère de l’amateurisme, aurait tenté d’acheter ce match face aux Nordistes pour s’assurer de rester en tête et de disputer la finale. L’ancêtre de la Ligue 1 avait déjà maille à partir avec des pratiques canailles…
Par Régis Delanoë