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  • Épisode 22

Les goals qui hurlent à chaque contact

Par Florian Cadu
6 minutes
Les goals qui hurlent à chaque contact

Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingues tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Édouard Balladur, « Je vous demande de vous arrêter ». Pour cet épisode, on dit un grand « NON » à ces gardiens qui hurlent au moindre contact pour obtenir une faute.

D’où cela vient ?

Grande question. Car dans la longue histoire du ballon rond, ce phénomène n’a pas connu d’événement précis et daté qui aurait permis d’acter un avant et un après. En réalité, la sale habitude prise par les gardiens de but hurlant dès le moindre contact pour obtenir une faute s’est installée progressivement. Le temps de comprendre que plus la simulation serait exagérée et que plus le cri serait fort, plus l’arbitre sifflerait. Le temps de conscientiser que la roublardise apporte plus que l’honnêteté, en somme. Certains diront ainsi que c’est une astuce de gagnant, qui s’est donc imposée en même temps que la compétition a gagné du terrain sur le plaisir et que les millions sont rentrés en jeu. Pas faux, mais il faut également prendre en compte les duels devenus moins physiques que par le passé ou en tout cas davantage sanctionnés pour l’intégrité corporelle des footballeurs. On n’a par exemple jamais vu Harald Schumacher se plaindre d’un attentat de Patrick Battiston, au hasard, même si le contraire aurait été possible.


Pourquoi c’est insupportable

Pour trois raisons principales : parce que ça fausse le jeu, parce que ça donne une mauvaise image du dernier rempart et parce que ça fait mal aux oreilles. Sans oublier les visages déformés par une douleur inexistante, au passage. Évidemment, le truc fonctionne à tous les coups. Léger ou simple poussette, rude ou mini-contact, combat dans les airs totalement licite… Peu importe : craignant d’avoir pu manquer quelque chose, l’arbitre siffle et basta ! Personne ne lui reproche jamais, la règle tacite étant devenue loi, comme c’est d’ailleurs le cas pour l’obstruction transformée en protection de balle sans que personne ne s’y oppose. Mais cela pose tout de même problème, un attaquant ne pouvant plus tenter un duel aérien si le gardien se trouve dans les parages. Nul pour la dimension sportive, nul pour la combativité. À ce compte-là, autant définir une zone interdite d’accès aux adversaires comme on le voit au futsal. Ensuite, en répétant ce comportement ultra chiant, les portiers prennent le risque de se faire une réputation définitive d’escrocs, en plus d’abîmer leurs cordes vocales. Cordes vocales dont le son, enfin, est tout simplement insupportable à entendre. Le cri du cœur, oui. Le cri de l’arnaque, non.


Qui l’incarne le mieux aujourd’hui ?

Difficile de ressortir un nom, tant la chose incarne aujourd’hui un réflexe pour n’importe quel homme enfilant des gants. Les plus vicieux diront que c’est une arme indispensable au gardien moderne ou expérimenté, et ils n’auront malheureusement pas tort. Le pire, c’est que cette horrible manie ne s’est pas arrêtée aux frontières professionnelles : désormais, chaque dimanche matin et alors que les effluves de l’alcool leur tapent déjà sur le crâne, les défenseurs amateurs doivent se coltiner les râles bruyants de leur pote nul qui se prend pour Manuel Neuer dans des cages où l’herbe n’a plus poussé depuis une décennie. Et encore, estimons-nous heureux : l’avenir pourrait voir éclore nombre de Glenn Verbauwhede.


Comment faire pour que ça s’arrête ?

Tout problème dispose de solution(s), et la carotte du portier n’échappe pas à ce poncif. Déjà, les éducateurs et entraîneurs de gardien ont leur rôle à jouer : au lieu d’apprendre la tricherie aux bambins afin de gagner « quoi qu’il en coûte », la simulation étant parfois louée dans les centres ou au sein des clubs, les formateurs et coachs pourraient se concentrer sur des tâches plus nobles en tenant un discours plus éthique. Cette option ne marchant que dans le monde des bisounours, il convient dès lors d’opter pour la méthode forte : la prise à partie, voire l’humiliation. Si tout le monde pointe du doigt le mauvais élève pour son attitude détestable, ce dernier n’aura d’autres choix que de se remettre en question et de stopper ses simagrées en se faisant violence. Une violence morale, mais réelle, cette fois. Prêts à siffler Anthony Lopes lorsqu’il sortira de ses buts, dès ce week-end ?


Pourquoi ça peut précipiter la fin du monde

Parce qu’à force de les laisser faire en toute impunité, les goals vont de plus en plus se sentir intouchables et croire que la surface de réparation leur appartient. Or, être tout-puissant quand on est déjà roi peut vite virer à la dictature, avec des victimes chez les opposants. Et lorsque l’on voit déjà ce qu’Anthony Lopes peut se permettre, le constat s’impose : les traumatismes crâniens se multiplieraient, et la mort cérébrale attendrait pas mal de buteurs au niveau du point de penalty. Et puis, quel monde laissera-t-on à nos enfants si l’on prend la coutume de crier dès que quelqu’un nous touche ? Réponse : ce serait la fin des contacts humains, avec des liens uniquement virtuels à travers des écrans. Déjà que le coronavirus a édicté ses propres gestes barrière… Enfin, attention à ce que l’arroseur ne se fasse pas arroser. À force de crier au loup sans raison, certains finissent par vraiment se faire bouffer, et personne ne s’inquiète outre-mesure avant le drame. D’autres Choirul Huda, on n’en veut pas.


La parole est aux acteurs et à la défense

Nicolas Sachy (ancien gardien légendaire de Sedan) : « En vérité, il s’agit d’une tendance plutôt nouvelle. Moi qui ai achevé ma carrière au début des années 2000, je peux dire que ça n’existait pas ou peu auparavant. À mon époque, c’était plutôt le contraire : on faisait tout pour ne rien montrer à l’adversaire, pour l’impressionner au maximum, même si on se faisait vraiment mal. Il faut dire aussi que les arbitres sifflaient sûrement moins, donc ça ne nous aurait pas servi autant qu’aujourd’hui. Mais franchement, les cris sont effectivement un peu du pipeau : en général, lors des contacts aériens, c’est l’attaquant qui s’expose et pas le goal. »

Marc Vidal (portier de Toulouse entre 2009 et 2019) : « La règle, c’est la règle. Et elle dit que si un gardien est touché dès lors qu’il sort, il y a faute. Effectivement, certains peuvent essayer d’assurer le coup : s’ils voient qu’ils sont limites et sautent moins haut que l’adversaire par exemple, ils vont être tentés de hurler afin de récupérer la faute et d’écarter tout danger. Mais souvent, on est concentré sur le ballon et on ne fait pas forcément attention à l’attaquant qui arrive. Le contact peut alors être plus violent que ce qu’on peut imaginer, d’où le cri. »


Coefficient d’irritabilité

7/10, largement, du point de vue de l’adversaire. Un peu moins pour les coéquipiers, si ça permet de soulager la défense.

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Par Florian Cadu

Propos recueillis par FC

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