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Les gardiens de la paix
Il n'y aura que trois places pour un éventuel voyage en Russie en juin. Mais derrière l'intouchable Hugo Lloris, la hiérarchie est susceptible de bouger cette saison. Revue d'effectif.
Hugo Lloris
On l’avait quitté en juin sur une cagade face à la Suède qui a coûté une défaite, pour le retrouver au mois d’août en train de se prendre une bastos verbale de la part de Tony Cascarino à la suite de sa performance contre Chelsea. Avec un meilleur gardien, Tottenham aurait donc déjà été champion d’Angleterre ? Et la France championne d’Europe ? La vérité du terrain, c’est qu’Hugo Lloris reste de loin le numéro 1 dans les bois français, et son nombre de sélections (90, record du poste) en atteste. Le portier des Spurs a plus souvent sauvé la mise des Bleus qu’il ne les a enfoncés, et c’est aussi le plus stable au très haut niveau depuis 2010. Autant dire qu’à moins d’une succession de foirades d’ici juin, le sosie de Pierre Palmade sera encore de la partie si la France est présente en Russie. Ce qui fera déjà sa troisième Coupe du monde comme titulaire.
Steve Mandanda
« Oui, ça a été une grosse déception pour moi, notamment sur la liste du mois de mars. Ça a été d’autant plus rageant quand j’ai vu qu’Alphonse y allait. À ce moment-là, il avait joué un ou deux matchs de plus que moi, donc par rapport aux années passées, j’espérais y être. Oui, j’ai été vraiment déçu. » Bon, le gardien de l’OM a aussi précisé à quel point il kiffait Alphonse, pour ne pas foutre le feu au vestiaire. Mais il est vrai que le numéro 2 en puissance, un titulaire bis derrière Lloris, était tout près de prendre un abonnement à la cave durant le premier semestre 2017. Car être troisième gardien de Crystal Palace, ne pas avoir joué depuis le 5 novembre 2016, c’était la route la plus sûre pour vivre le Mondial 2018 installé pépouze sur son canapé. Heureusement pour lui, l’OM a accepté de se faire gentiment rançonner par Crystal Palace et de passer à la caisse pour rapatrier son ancien gardien. Quand bien même il en a pris six à Louis-II juste avant la trêve, son statut de titulaire en club retrouvé et ses performances relativement rassurantes – notamment en Ligue Europa – lui ont rendu de facto son statut de numéro 2 en Bleu.
Alphonse Areola
« C’est un jeune gardien qui a un gros potentiel. » En mars, Didier Deschamps justifiait la présence d’Alphonse Areola comme un pari sur l’avenir. Une pièce misée sur un joueur longtemps jugé comme le futur titulaire du poste avant qu’une série de contre-performances ne l’éjecte sur le banc du PSG au profit de Kevin Trapp. Et en fasse la risée de Twitter, avec la fameuse vanne virale « le dernier arrêt réalisé par Areola, c’est son arrêt maladie » . La belle punchline a vécu. Depuis, le pur produit du centre de formation parisien a profité d’une cagade de son concurrent allemand en pré-saison pour reprendre place dans les buts du PSG et rectifier le tir. Si certains retardataires – ou retardés – continuent de se moquer d’un joueur qui ne réaliserait aucune parade, c’est qu’ils n’ont pas regardé les matchs récents de Paris. Que ce soit contre Saint-Étienne, Amiens, Toulouse ou Guingamp, Alphonse Areola a fait le taf avec quelques parades bien senties et des performances sécurisantes pour Unai Emery et sa défense. Si la situation précaire de Steve Mandanda faisait de lui un possible numéro 2 des Bleus, le fait d’être aujourd’hui titulaire au PSG le réinstalle comme une valeur sûre dans le trio de gardiens de Didier Deschamps. Et pour la place de numéro 2, voire de numéro 1, le temps jouera pour lui s’il enchaîne les matchs en club.
Benoît Costil
C’est un peu le troisième gardien bis, celui dont la situation reste stable, mais dont la présence en sélection dépend surtout des autres. En quittant Rennes pour Bordeaux cet été, Benoît Costil s’est assuré une continuité sportive, couplée à une légère progression, les Girondins étant a priori mieux armés pour jouer une place européenne que les Bretons. En revanche, il ne s’est pas mis suffisamment en danger pour pouvoir contester la supériorité de ses trois partenaires/concurrents quand ils sont titulaires dans leurs écuries respectives. Aujourd’hui, Costil a surtout le mérite d’être une valeur refuge pour Deschamps : un mec qui ne revendique rien, qui ne rechigne pas à se mettre minable aux entraînements pour le bénéfice des autres, et qui vit particulièrement bien dans le groupe France. Un réserviste parfait, même s’il aspire forcément à plus.
Alban Lafont
Pas encore 19 ans, mais déjà titulaire en club – il entame sa troisième saison avec Toulouse – et appelé chez les Espoirs. Difficile donc de ne pas voir en Alban Lafont un futur international A en puissance. Certes, d’ici au Mondial, cela peut paraître un peu juste de le voir débarquer à l’étage supérieur. Sauf en cas d’épidémie de blessures ou de situations d’échecs sportifs chez les gardiens actuellement en place. Ce qui, au regard de la saison 2016-2017, n’est pas forcément un scénario irréaliste, puisque Mandanda et Areola n’avaient pas réussi à cumuler dix matchs à eux deux durant le premier semestre 2017. Alors que Lafont, lui, est installé à Toulouse et fait correctement le job sous les ordres de Pascal Dupraz. À surveiller donc.
Stéphane Ruffier
Cette saison, personne ne pourra le voir jouer le jeudi soir en Ligue Europa. Ce qui veut dire que le portier de l’AS Saint-Étienne aura du temps à tuer, une nouvelle source de mise en lumière à trouver. Et si l’ancien de Monaco se décidait à reprendre sa carrière internationale ? A priori, ce serait sans conséquence immédiate, car depuis son retrait volontaire, le sélectionneur a tourné avec les quatre mêmes hommes. Surtout, on voit mal Didier Deschamps lui donner la priorité sur Benoît Costil, au niveau comparable, mais qui, humainement, n’a jamais affiché le moindre état d’âme à être un sparring-partner pour Hugo Lloris ou Steve Mandanda. Autant dire qu’il faudrait une succession d’événements et plusieurs discussions franches avec le boss pour que Ruffier revienne en Bleu. Mais il ne faut jamais dire jamais.
Bonus : Geoffrey Jourdren
« Je crois que cette saison, je suis meilleur que Benoît Costil, sans prétention aucune… Je dois y aller, mais ma personnalité fait qu’on me ferme les portes. À tout moment, les gens ont peur que je dégoupille ou je ne sais quoi. » Ces propos légèrement prophétiques datent du printemps 2015 et ont été recueillis par France Bleu Hérault. Ils symbolisent la foi en ses aptitudes d’un gardien hors norme. Deux ans et demi plus tard, Geoffrey Jourdren s’est-il rapproché de son rêve bleu ? Il a plutôt tué le game d’une force telle qu’il pourrait se hisser au niveau de Gigi Buffon sans que Deschamps n’ose le prendre. « Je n’ai jamais eu une collaboration avec mon deuxième, mon troisième, ou inversement mon premier, mon troisième, ou inversement mon premier, mon deuxième, mon troisième… Donc assez surpris, euh… voilà. » Oui, voilà.
Par Nicolas Jucha