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Les frères Insigne, puissance 4
Alors que Lorenzo explose enfin avec le maillot du Napoli, chacun de ses trois frères vit le football à sa façon. Antonio se traîne en D6, Roberto tente d'imiter Lorenzo avec des piges en Lega Pro et en Serie B, pendant que Marco combine Serie D et boulot au magasin familial.
« Dans le salon, le soir, on ouvrait les lits. On a grandi comme ça et on est bien ensemble. » Le bonheur dans la promiscuité selon Donna Patrizia Insigne, ouvrant ses portes au Corriere del Mezzogiorno. Pas de chambre individuelle pour l’enfant Lorenzo Insigne, donc. Mais plutôt une fratrie de quatre, originaire de Frattamaggiore, aux alentours de Naples. Lorenzo, Antonio, Roberto et Marco. Le Napoli de Sarri flanque des roustes à tous les poids lourds de Serie A et c’est en partie grâce à Lorenzo Insigne, surnommé Lorenzo Maggiore en référence aux Médicis. Mais alors que le gamin du Vésuve fait des caprices pour jouer en 4-3-3, pleure quand il se fait sortir et nettoie les lucarnes de San Siro, ses trois fraté se démerdent comme ils peuvent dans le monde du ballon rond.
Fringues du marché et réseaux sociaux
Marco, le plus jeune, né en 1995, n’a pas encore quitté le nid familial et travaille comme capo chez Insigne Sport, le magasin familial. Une jeunesse normale pour celui qui expose sur Facebook toutes ses photos de soirées avec sa copine. Évidemment, il joue au foot pour le club du coin, la Frattese. Rien de bien prometteur pour Marco, puisque la Frattese n’a à son palmarès que de rares participations à l’ancienne Serie C (D3) et évolue aujourd’hui en Serie D (D5). En bon benjamin, il soutient les espoirs de la famille, Roberto et Lorenzo, en postant sur les réseaux sociaux les photos des deux frérots avec le maillot de l’Avellino et du Napoli. Un petit frère normal, en somme.
Antonio est de l’autre côté de la pyramide des âges du haut de ses 28 ans, et il fait figure de modèle pour Lorenzo : « C’est moi qui ai appris à Lorenzo à tirer dans un ballon » , tient-il à rappeler, en toute modestie, dans le Corriere del Mezzogiorno. Au vu des enroulés de son cadet contre le Milan et Empoli, il devait avoir la patte soyeuse. Pour en prendre soin, Lorenzo, après avoir accompagné papa et mamma au marché de Frattamaggiore pour y vendre des vêtements, conserve ses économies pour acheter des paires de R9, celles de Ronaldo, pour son grand frère et lui-même. Un aîné à la gratitude radine : « On jouait toujours ensemble en bas de l’immeuble. Il perdait tout le temps avec moi. Il n’avait que 7 ans et n’acceptait pas la défaite. Moi, je rigolais, puis je trichais. Mais, à la fin, je le laissais gagner, comme ça je n’avais pas à l’entendre chouiner. »
Sauf qu’à force de tricher et de se moquer de son frère, Antonio a laissé passer le train : il joue aujourd’hui entre la Promozione (D6) et l’Eccellenza (D5) à Orta di Atella. Même s’il s’en sort aux avant-postes, Antonio reste un hymne au football du dimanche : « Je suis content qu’on parle bien de moi, mais je vis le football comme un divertissement et pas comme un travail. J’aime m’entraîner, vivre le vestiaire et jouer le dimanche, ça me suffit. » Marco au magasin et lui-même en D6, Antonio pense à Roberto et Lorenzo pour représenter au mieux la famille chez les pros : « Mes espoirs sont placés en Lorenzo et Robe’. Eux ont la possibilité de devenir grands, et je le leur souhaite. »
« Lorenzo me dit que je suis nul »
Si Antonio et vraisemblablement Marco sont tricards pour jouer chez les pros, le cadet de Lorenzo, Roberto, a encore ses chances d’arriver au plus haut niveau. Formé au Napoli et convoqué des U18 à U21 avec la sélection italienne, le frère de 21 ans joue en ce moment en Serie B. Mieux, il a même fait ses débuts pros avec le Napoli le 6 décembre 2012 en Ligue Europa. Un mois plus tard, le conte à l’italienne prend une autre dimension : alors que Lorenzo est déjà sur le pré contre Palerme, Roberto entre. Sept minutes de jeu, sept minutes d’histoire pour les Insigne qui, 75 ans après les frères Nicola et Antonio Ferrara, font revivre le mythe du football familial avec deux frères sous le même maillot.
Depuis, Robe imite Lorenzo. Gavetta et divisions inférieures pour lui. Perugia en Lega Pro d’abord, Reggina ensuite. Malgré les tacles de boucher, le gaucher Robe impressionne. Lors du derby de Calabre contre Cosenza, il se permet même un triplé. De prêt en prêt, il reste tout de même propriété de son club formateur. Du coup, pendant l’été, le Napoli décide de le rapprocher du cocon et l’envoie chez les Irpini d’Avellino en Serie B pour la saison en cours. Comme Lorenzo à Foggia puis Pescara, Roberto se forme. Mais l’objectif est clair : « Je suis napolitain et je rêve de jouer pour le Napoli. »
Quand, de retour à Frattamaggiore, les quatre sont réunis autour du plat de pasta de Donna Patrizia, pas de ballon à table : « On ne parle pas de football, nous, on aime le jouer. » Même si Lorenzo ne peut pas s’empêcher de prendre sa revanche sur l’aîné, qui avoue au Mattino que « Lorenzo me dit souvent que je suis nul, en rigolant » . Finalement, la fratrie se complète. Marco et Antonio vivent leur vie de supporters des réussites de la famille, pendant que Lorenzo laboure les couloirs gauches de Serie A et que Roberto incarne la nouvelle pépite de Castelvolturno. Donna Patrizia, elle, se félicite de son deux sur quatre. Et ressert un peu de pâtes.
Par Josselin Juncker