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Les footballeurs gays risquent de rester au placard encore longtemps

Par Aymeric Le Gall
Les footballeurs gays risquent de rester au placard encore longtemps

À la suite du coming-out du basketteur américain Jason Collins et après le rapport d'enquête publié le 29 avril dernier sur l'homophobie dans le football, sous l'impulsion du Paris Foot Gay, la question de l'homosexualité dans le monde du ballon rond est au centre de toutes les attentions. Et visiblement le sujet est tabou et risque de le rester.

Le 29 avril dernier, le journal 20 Minutes publiait les conclusions d’une enquête commandée par le Paris Foot Gay sur l’homophobie dans le milieu du foot français. Le résultat est inquiétant. Selon Anthony Mette, psychologue du sport et principal auteur de l’enquête, 41 % des footballeurs professionnels interrogés « ont exprimés des opinions hostiles à l’homosexualité » . Le chiffre atteint même 50% auprès des jeunes des centres de formation. Mais au fond, cette conclusion ne surprend pas grand monde. Oui, le foot est un monde dicté par la masculinité, par le modèle du sportif hétéro bourré de testostérone. « Cet état de fait est la conséquence d’une séparation sociale des sexes historique : les jeux antiques étaient réservés aux hommes, les arts de la guerre (martiaux) également et l’essor plus récent des sports modernes a débuté avec des participants mâles » , explique Christophe Beneton, consultant pour l’industrie pharmaceutique, sur le site de Newsring. « On est pas des pédés les gars ! » Qui n’a jamais entendu cette phrase au bord des terrains de football ? Même si cela ne relève pas de l’homophobie pure et dure, c’est vrai que le monde du ballon rond aime à se rappeler que oui, seuls ceux qu’il considère comme de vrais hommes peuvent entrer sur le pré vert et y poser leurs couilles pour vaincre l’adversaire.

Depuis presque dix ans maintenant, le Paris Foot Gay tente de lutter contre l’une des dernières discriminations dont on évoque rarement l’existence dans ce milieu si particulier. Les membres de l’association se sont par exemple révoltés lorsque Loulou Nicollin avait donné du « petite tarlouze » à Benoît Pedretti. Une condamnation plus tard (suspension de quatre mois, dont deux fermes), et voilà le président de la Paillade qui posait pour une campagne menée par le PFG. Non sans humour ( « Laissez tomber l’homophobie, c’est réservé aux petites tarlouzes » ). « Tout peut arriver dans le football » , disait un certain Lilian Thuram un soir de juillet 1998 après la victoire contre la Croatie. En effet.

« Pourquoi toujours le football ? »

Une fois passé le constat, restent les questions. Comment vont réagir les principaux intéressés à propos de cette étude accablante ? Mal pour certains. Mieux pour d’autres. La première constatation qui s’impose, c’est que cette enquête dérange. Elle dérange, car elle met en lumière une question qui était jusque-là passée sous silence. Elle dérange aussi parce qu’elle pointe une nouvelle fois du doigt un sport de plus en plus habitué aux scandales. Racisme, antisémitisme, violence, argent, arrogance des footballeurs, trucage, magouille, la liste est aussi longue qu’un contrôle de balle de Brandão. « Je vais me faire l’avocat du diable, nous prévient une source de l’UNECATEF qui a souhaité garder l’anonymat. Mais, avez-vous mené une telle enquête dans le monde de la danse, de l’armée, du rugby ? Pourquoi toujours le football ? » Une défense recevable, certes. Mais il se trouve que l’enquête a bel et bien été menée sur le foot, il semble donc nécessaire de se poser et de réfléchir à la question. Tout du moins quand on ne doute pas du sérieux de ses commanditaires. Ce qui n’est pas le cas de notre anonyme : « C’est une enquête qui a été commandée par le PFG et son président, donc déjà, c’est orienté. C’est très facile d’aller dans le sens que l’on veut. » À la nuance près que Randstad et le Paris Foot Gay ont publié en toute transparence les protocoles et expliqué la méthode mise en place pour mener cette étude. Et lorsque l’on parvient à évoquer concrètement le thème de l’homophobie dans le football français, les amalgames et les incompréhensions volent en escadrille. « On n’a pas à montrer du doigt encore plus ces choses-là, pour la bonne et simple raison que ce sont des gens… c’est difficile à expliquer… des gens normaux. Pourquoi on en fait quelque chose de différent ? À ce moment-là, faut faire une enquête sur les nains, sur les handicapés… Je trouve que l’on en fait trop, on va à l’encontre de ce que l’on souhaite » , explique ce même membre du syndicat des entraîneurs.

Les homos, les nains et les handicapés, tous dans le même panier ! Les dérapages incontrôlés sont décidément de rigueur depuis plusieurs mois en France, et le débat sur le mariage pour tous. Pour Loulou Nicollin en revanche, qui nous avoue n’en avoir « rien à branler » qu’un joueur soit gay ou non, « l’important, c’est que l’équipe gagne des matchs. » Pourtant, lorsqu’on lui demande pourquoi aucun footballeur pro en France n’a encore jamais osé faire son coming-out durant sa carrière, le président du MHSC esquive le problème. « Peut-être parce qu’il n’y en a pas (de footballeurs homosexuels, ndlr), tout simplement. C’est tellement jolie une femme ! » Circulez, y a rien à voir. Aujourd’hui, le débat a tout de même le mérite d’être lancé et la politique de l’autruche n’est pas partagée par tous. Pour preuve, 13 clubs professionnels ont tout de même répondu à l’appel du PFG en participant à cette enquête et huit ont signé la charte contre l’homophobie (dont Montpellier). « Il faut voir d’où l’on part, relativise Pascal Brèthes, le président du Paris Foot Gay. On ne s’attendait pas à avoir autant de clubs pour notre étude. Nous sommes agréablement surpris par ce chiffre, cela prouve que les choses commencent à bouger » , se réjouit-il. Tant qu’il y a de la vie…

Le coming-out d’un footeux, c’est pas pour demain

Parrain du PFG , Vikash Dhorasso n’est pas surpris par les rapports de l’enquête. « Lorsque l’on regarde les résultats de l’enquête dans les centres de formation, donc à un âge où les gamins se construisent, il y a clairement un problème » , admet le réalisateur de Substitute. « Les éducateurs, il faut les sensibiliser pour qu’ils soient prêts à répondre à ce genre de problèmes » , poursuit-il. Faut-il alors réformer la méthode d’apprentissage dans les centres de formation ? « Ça n’arrivera pas, nous prévient-il. On l’a bien vu à Knysna, les joueurs se sont retournés contre le système, et au lieu de se dire « Ben c’est notre système, c’est nous qui avons créé cela », les dirigeants se sont dit « Bon, on va essayer de les calmer, pour que l’on puisse continuer entre nous. » Finalement ils n’ont pas envie que ça change. Le centre de formation, c’est un milieu de garçon, plein de testostérone, confrontés à la compétition, à la concurrence, à l’envie de tout éclater. On ne croise pas de filles, on ne croise pas de gens différents, on ne va pas s’ouvrir, on ne va pas se mélanger et voilà, ça crée de drôles d’adultes » , se lamente Dhorasso.

En même temps, le foot n’est finalement que le reflet de la société. Et compte tenu du fait que celle-ci se radicalise en ces temps de crise morale et sociale, il n’est pas surprenant qu’une partie des acteurs de ce milieu aient un problème avec l’homosexualité. Les choses ne sont pas près d’évoluer si l’on en croit l’ancien joueur de l’équipe de France : « Le foot est un milieu de droite, réactionnaire, conservateur. Les joueurs de foot deviennent comme ceux qui gèrent ce milieu. Après le racisme, l’homophobie, mais on va où avec ce sport ? Ça commence à être bizarre… » Face à un tel constat, il semble difficile d’imaginer de sitôt voir un footballeur professionnel sortir du placard en plein milieu de sa carrière. Pas difficile, impossible, selon Vikash. Et si cela se produisait, « il faudrait qu’il soit prêt à arrêter le football. Il faudrait qu’il soit prêt à accepter l’idée que sa carrière pourrait mal tourner. C’est d’ailleurs pour cela que les footballeurs qui ont fait leur coming-out l’ont fait à la fin de leur carrière. Parce que c’est très dur. C’est pas un manque de courage, hein, c’est juste que le foot c’est leur métier, leur gagne-pain, leur passion. Le jour où quelqu’un le fait pendant sa carrière, il faut qu’il soit prêt à se retrouver mis à l’écart. Soutenus par d’autres personnes, mais mis à l’écart par le milieu du foot, de façon sournoise ou pas. » Sinon, il peut toujours demander son transfert au Paris Foot Gay.

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Par Aymeric Le Gall

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