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Les failles du système de Ventura
Balayée par l'Espagne samedi, notamment à cause d'une formation en 4-2-4 inadaptée pour affronter les joueurs de la Roja, la Nazionale défie Israël ce mardi. Le tout en doutant désormais de sa capacité à défier les plus grandes écuries du football mondial.
Kamikaze. Le terme est revenu à plusieurs reprises dans la bouche des consultants et journalistes italiens juste après la défaite des Azzurri face à l’Espagne samedi. Une rencontre où la Nazionale est venue avec la ferme volonté de jouer, dans un schéma tactique audacieux. Sans en avoir encore véritablement les moyens. La faute, d’abord, à une formation qui soulève depuis de nombreux mois des doutes chez pas mal de monde.
Ventura : passion 4-2-4
Si Giampiero Ventura, le sélectionneur italien, a beaucoup expérimenté tactiquement depuis sa nomination, son système préféré reste un entreprenant 4-2-4, qui lui permet d’aligner un bon paquet de joueurs offensifs. Un système qui correspond à sa philosophie de jeu, résolument tournée vers l’avant. Et qui a toujours constitué son module préféré avec le 3-5-2, quand il œuvrait en Serie A, du côté de Pise, Bari, puis du Torino. Problème : si la formule semble relativement fonctionner contre des formations plus modestes comme la Macédoine et le Liechtenstein, elle est loin d’avoir encore fait ses preuves face au gotha mondial.
La rencontre face à l’Espagne en est une démonstration édifiante : complètement coupée en deux, la Nazionale a laissé livrés à eux-mêmes ses deux milieux axiaux, De Rossi et Verratti. Pas une bonne idée face à une Roja dont le meilleur des arguments reste l’entrejeu. Notamment grâce à la mobilité et la polyvalence de ses ailiers, Isco comme Asensio, capables de jouer plus bas pour renforcer numériquement l’Espagne au milieu si besoin. Ce qui n’est pas nécessairement le cas de l’Italie : Insigne, aligné sur le côté gauche, a montré qu’il n’est pas à son avantage lorsqu’il évolue dans un position plus basse, où il doit batailler pour soulager son milieu de terrain.
Plus haut, la paire Immobile-Belotti, chère à Ventura, ne brille pas par sa complémentarité, puisqu’elle voit évoluer côte à côte deux joueurs habitués à jouer en pointe en club. L’un comme l’autre sont nettement moins à l’aise quand il leur est nécessaire de dézoner pour aider à la construction du jeu. Enfin, le 4-2-4 reste une formation dépaysante pour tous les joueurs de la Squadra Azzurra : que ces derniers évoluent à la Juventus, l’Inter, l’AC Milan, la Roma ou au Napoli, ils sont familiers de systèmes plus classiques, du 4-2-3-1 au 4-3-3. Hors, c’est en se basant sur un système en 3-5-2 parfaitement connu des joueurs de la Juve, qui constituent toujours l’ossature de la défense de la sélection, qu’Antonio Conte avait mis en échec la Roja à l’Euro 2016.
Jeunes et tendres
Si les doutes relatifs au système sont légitimes, d’autres mettent en cause directement les hommes. Avec en tête de liste Marco Verratti, qui enchaîne les prestations sans saveur en sélection. Face à l’Espagne, il n’a simplement pas existé face aux fulgurances techniques d’Isco, se rendant même coupable d’erreurs grossières, comme une passe en retrait qui mettait en difficulté Buffon et débouchait sur un corner adverse. Si le problème Verratti n’est pas nouveau en sélection, Ventura n’a toujours pas réussi à esquisser un début de solution pour mettre à l’aise le hibou parisien, qui stagne aussi en club.
D’autres problèmes émergent, comme le déclin progressif de Barzagli, plus aussi serein que par le passé et parfois physiquement dépassé, comme l’illustre son impuissance sur le golazo du 3-0 inscrit par Morata samedi. Inquiétant, alors que son héritier désigné, Daniele Rugani, doit encore confirmer au plus haut niveau et connaît un début de saison compliqué avec la Juventus. De fait, si la nouvelle vague italienne s’annonce prometteuse, Bernardeschi, Gagliardini et Andrea Conti doivent encore s’affirmer dans les grands clubs qu’ils ont récemment intégrés et gagner en expérience pour en faire profiter la Nazionale. Signe que l’Italie, encore un peu tendre, a besoin de se construire pour arriver à maturité. Y compris sur le plan tactique.
Arrigo Sacchi ne dit pas autre chose : « On donne trop d’importance aux systèmes de jeu en Italie. Un système devient efficace quand il est assimilé par les joueurs. Pendant de nombreuses années, nous n’avons pas donné de style au football italien. Là, le sélectionneur essaie de trouver une ligne directrice. Mais cela prend du temps. » Un temps qui fera peut-être défaut à la Nazionale. Car le Mondial 2018 approche. Et, avec lui, un probable barrage afin d’arracher la qualification, qui s’annoncera complexe et tendu, quel que soit l’adversaire. Et le système de jeu choisi par Ventura.
Par Adrien Candau