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Les enseignements tactiques de l’Euro 2012

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Les enseignements tactiques de l’Euro 2012

Un Euro, seize équipes, trente-et-un matchs, 2,45 buts par match, deux 0-0 et cinq leçons tactiques.

La victoire du « positivisme » En 2010, seules les équipes sud-américaines (et l’Espagne) avaient sauvé une compétition aux allures de dictature du « 4-2-3-1 par défaut » montrant des équipes protégées par un double pivot systématique et cherchant l’exploit individuel avec finalement peu d’identité collective. Entre temps, les équipes nationales européennes ont eu le temps de revoir leur copie, et d’installer (ou essayer d’installer) un projet de jeu sans se laisser influencer par ce qui se faisait en club. Entre autres, Prandelli, Blanc, Bento, Hamrén se sont tous ajoutés à la liste des Del Bosque, Löw et Olsen. Et ainsi, la phase finale 2012 a vu les équipes respectant leur projet de jeu l’emporter sur les équipes cherchant à faire déjouer leur adversaire.

L’Italie a surpris l’Allemagne anti-Pirlo. L’Espagne a battu la France « anti-côté gauche » . L’Italie a vaincu l’Angleterre anti-tout. Le Portugal a battu une République Tchèque attendant les tirs aux buts. Et les Pays-Bas du 4-2-3-1 ont coulé. Les quatre demi-finalistes sont tous arrivés dans le dernier carré en restant fidèles à une façon de jouer cohérente, portant haut les couleurs de leur propre identité. Le 4-3-3 espagnol, le 4-4-2 italien et le 4-2-3-1 allemand, évidemment. Mais aussi le Portugal et son 4-3-3 versatile et très solide, capable de se lancer vite vers l’avant quand il faut et de contrôler le jeu au besoin, bien aidé par un milieu Moutinho-Meireles-Veloso que l’on a hâte de revoir en 2014. Résultat : une compétition aux styles de jeu variés et des beaux collectifs qui montent en puissance. Le Mondial brésilien peut sourire. L’Espagne entre tactique et esthétique L’Espagne contrôle de mieux en mieux le jeu, prend de moins en moins de buts et joue de plus en plus dans la moitié de terrain adverse. Mais jusqu’à la finale, son jeu a manqué de profondeur et de fluidité dans les trente derniers mètres. Ces difficultés s’expliquent d’abord par la meilleure préparation de leurs adversaires, mais aussi par un manque d’intensité (quand il a fallu accélérer, la Roja l’a fait). En fait, la Seleccion a surtout semblé vouloir privilégier le contrôle du jeu symbolisé par la paire Alonso-Busquets à la folie et la création d’Iniesta & Co. Comme un favori conscient d’avoir tout à perdre, les hommes de Del Bosque ont avant tout joué pour ne pas perdre.

Et finalement, il semble intéressant de noter que le meilleur tiqui-taca de la Roja lors de cet Euro fut produit lors de la première mi-temps de la finale, alors que l’Italie avait plus de possession de balle… Le tiqui-taca n’a jamais été une science, c’est un style de jeu. Un style rapide, fluide, à une touche de balle, comme en poule en 2006, comme lors de tout le tournoi 2008. Et comme en finale en 2012. Conclusion : l’Espagne aura su finalement varier habilement tactique et esthétique, et termine bien meilleure attaque et meilleure défense du tournoi. Dire que l’Espagne est ennuyante car elle n’attaque pas assez, c’est un peu comme reprocher à Tiger Woods de ne pas sortir son driver à chaque départ, c’est idiot. Car possession stérile ou pas, la Roja est bien de plus en plus forte. Un manque d’audace ? A l’échelle de la compétition, de tous les sept matchs du tableau final, la seule surprise est la victoire de l’Italie sur l’Allemagne. C’est peu. En fait, on a rarement vu une équipe challenger un favori avec une mise en place tactique audacieuse. Le Portugal a effectué une superbe première mi-temps en jouant très haut face à son voisin ibérique, mais n’a finalement pas pris le risque de mettre assez de présence devant pour concrétiser. Dans les poules, on regrettera longtemps une Suède abandonnant le ballon face à l’Ukraine et une Pologne incapable d’oser mettre en place son excellent pressing sur plus d’une demi-heure.

A l’échelle d’un seul match, rares ont été les équipes capables de réagir et de renverser un match à l’aide d’un plan B. D’ailleurs, l’équipe ayant marqué en premier s’est toujours qualifiée à partir des quarts. On peut souligner que l’on n’a quasiment pas vu d’équipe aligner plus d’attaquants que prévu. Quand il était mené, Löw a fait des changements poste pour poste et Laurent Blanc n’a pas essayé la paire Giroud-Benzema sur une période suffisamment longue pour être concluante. Finalement, les deux équipes les plus susceptibles de réagir auront été logiquement les deux finalistes. L’Espagne avec un numéro 9 et Navas/Pedro sur un côté, mais aussi l’Italie avec l’ajout de la profondeur de Di Natale ou un changement tactique 4-4-2/3-5-2 dans un sens ou dans l’autre. La victoire de la Terre du Milieu Quand 2010 aura consacré les Sneijder, Forlan, Özil ou encore Boateng jouant juste derrière leurs attaquants, 2012 aura fait honneur au rôle crucial des numéros 6 constructeurs et des relayeurs marathoniens hyperactifs. Et cela n’est pas une surprise : qui dit respect d’un projet de jeu dit milieu de terrain. Si le 4-2-3-1 so 2010 privilégiait une construction brève et proche des cages, aux alentours de la position d’un numéro 10, les projets de jeu de 2012 ont cherché à construire le jeu à partir de leur propre camp. D’où l’importance des architectes Pirlo, Xabi Alonso et Xavi, Schweinsteiger (dont le non-match en demi a d’ailleurs été synonyme de défaite), et des relayeurs Meireles, Khedira, Cabaye, Marchisio, Karagounis, le fabuleux Jiracek ou même Gerrard pour son influence éternelle, projet de jeu ou pas. La France et les Pays-Bas ont deux ans pour se trouver un architecte.
Une victoire pour les buteurs ? La hype Barca nous avait habitué aux buts construits minutieusement par une succession de dizaines de passes déstabilisant progressivement l’adversaire jusqu’à ce qu’un joueur n’ait plus qu’à pousser le ballon dans les cages. Dans cette même perspective, le fait que l’Espagne commence la plupart de ses matchs sans numéro 9 aurait pu ressembler à une nouvelle défaite pour les strikers. Mais cela reviendrait à oublier Mario Gomez, Mario Balotelli, Cristiano Ronaldo, Fernando Torres, et sur un nombre plus limité de matchs, Zlatan, Sheva, Bendtner, Mandžukić et Pavlyuchenko. Tous nous ont ramenés dans les années 90 et ses « buts Playstation » de sauveurs, marqués par des attaquants aux allures de fauves, obsédés par le but, et à l’égo souvent surdimensionné. Après la saison incroyable de Falcao, l’Euro s’impose comme une nouvelle (petite) victoire pour la profession de buteur. D’ailleurs, que dire du lien entre le fiasco de la sélection Oranje et le sacrifice de Huntelaar, autrement moins sexy que Van Persie, mais bien meilleur buteur des éliminatoires. Ou encore du positionnement de Benzema… En 2014, dans le pays de O Fenomeno, espérons que le 9 sera Roi. Par Markus Kaufmann À visiter :

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