- Euro 2016 – Gr. D
Les enjeux du groupe D de l’Euro 2016
Espagne qualifiée, Croatie et Tchéquie diminuées, Turquie humiliée, supporters énervés : l’issue du groupe D n’est pas le plus à suspense de cette dernière journée, mais elle devrait tout de même valoir le coup d’œil. Même si Modrić et Rosický vont manquer…
L’Espagne va-t-elle assumer le rôle de favori ?
Avant que l’Euro ne débute planait l’ombre d’un doute : l’Espagne, double tenante du titre, avait-elle les moyens de conserver sa couronne continentale ? C’était moins l’impression laissée il y a deux ans au Brésil qui faisait débat que celle des récentes prestations, notamment cette inquiétante défaite 0-1 concédée face à la Géorgie juste avant le début du tournoi. Titulaire en pointe lors de ce match de préparation, le vieux Aduriz a perdu sa place au profit de Morata. David Silva a également réintégré le onze de départ, inchangé lors des deux premières journées face à la Tchéquie, puis la Turquie. Cette équipe type tient la route, avec notamment un De Gea confirmé au poste de gardien, un Piqué en grande forme, un Iniesta en mode MVP et donc un Morata décisif, entouré de Nolito et Silva. Depuis le début de l’Euro, cette Espagne est la nation la plus impressionnante, la plus solide, la plus cohérente collectivement, celle qui semble avancer avec le plus de certitudes. Avant que ne débute la phase à élimination directe à laquelle elle sait d’ores et déjà qu’elle participera, il lui reste un dernier gros test à accomplir face à la clinquante Croatie. Une troisième victoire convaincante en autant de rencontres accréditerait définitivement la thèse qu’on a désormais affaire là au favori d’un Euro qui s’en cherchait un depuis le premier jour.
La Croatie peut-elle jouer sans Modrić ?
Le choc du groupe D a donc lieu lors de la troisième et dernière journée avec l’affrontement entre l’Espagne et la Croatie. Cette dernière sélection a fait forte impression depuis le début du tournoi et devrait logiquement être déjà assurée de sa qualification pour les huitièmes de finale. Sauf que la belle mécanique de la sélection à damier s’est finalement enrayée dans les dernières minutes du deuxième match, vendredi dernier face aux Tchèques. La faute au réveil de l’adversaire, au bordel mis par quelques supporters et (surtout) à la sortie sur blessure du joyau Luka Modrić. Il semblerait que son problème musculaire ne soit pas trop préoccupant, mais le joueur du Real sera mis au repos lors de ce troisième match de poules. Face au tenant du titre espagnol, cette absence va permettre de vérifier si la Croatie souffre ou non d’une Modrić-dépendance. C’était l’impression laissée lors de cette fin de match si particulière face aux Tchèques, mais cette fois, le contexte n’est plus le même et ses coéquipiers savent dès le coup d’envoi qu’ils vont devoir composer sans lui. À eux de compenser, notamment la triplette Rakitić-Perišić-Brozović, ainsi qu’au remplaçant naturel de Modrić, Mateo Kovačić, auteur d’une entrée en jeu très moyenne vendredi et qui doit cette fois prouver qu’il est un recours crédible.
Les Tchèques sur leur lancée ?
Le calque est inversé pour les Tchèques par rapport aux Croates dans cet Euro jusqu’à présent : tout allait mal avec deux premiers matchs où les adversaires ont largement dominé techniquement les débats, jusqu’au miracle du money time vendredi à Geoffroy-Guichard. Revenus de 0-2 à 2-2, les hommes de Pavel Vrba restent encore en course pour la qualification grâce à ce point pris et ils peuvent miser sur l’enthousiasme et l’impression laissée dans les derniers instants de ce match face à la Croatie. Car si on a beaucoup commenté la fébrilité des Croates dans les dernières minutes de cette rencontre, c’est oublier que les Tchèques ont eu le mérite de trouver les ressources mentales pour croire ce retour au score possible. Ils ont aussi trouvé sur le banc d’excellents jokers : les attaquants Milan Škoda, auteur d’une superbe tête pour la réduction du score, et Tomáš Necid, qui n’a pas tremblé au moment de marquer le penalty du nul. Alors tant pis si le fragile Rosický s’est encore blessé et est déjà forfait pour le reste de l’Euro, ses compatriotes, eux, peuvent encore continuer à rêver d’aller le plus loin possible dans la compétition, sans calcul mais avec panache.
La Turquie peut-elle encore y croire ?
En opposition aux Tchèques, ce sont des Turcs presque éliminés qui vont se présenter au stade Bollaert de Lens. Presque, car malgré la correction infligée par les Espagnols lors du dernier match (0-3) et toujours 0 point pris, ils peuvent toujours rêver de qualification grâce à la règle des quatre meilleurs troisièmes. Sauf que cette fois, la victoire est obligatoire, et en marquant beaucoup pour effacer la vilaine différence de buts. Surtout, c’est l’impression laissée depuis le début du tournoi par cette sélection qu’on prédisait imprévisible qui n’incite pas du tout à l’optimisme. Il a beaucoup été question de la faillite d’Arda Turan, mais c’est oublier que les contre-performances turques depuis le début du tournoi sont surtout collectives. La charnière centrale composée de Topal et de Balta est aussi à blâmer, de même que l’attaque, qu’elle soit occupée en pointe par Tosun ou d’Yılmaz. Le moral a l’air au plus bas et l’ambiance délétère avec les supporters et les médias locaux. Dans ces conditions, on voit difficilement comment ce tournoi ne pourrait pas se terminer prématurément comme il a commencé : mal.
Point tribune : les ultras croates vont-ils remettre ça ?
C’est la dernière interrogation concernant cette dernière journée du groupe D : les supporters croates vont-ils encore mettre le boxon en tribune et perturber le déroulement du match de leur sélection ? C’est le but : certains d’entre eux sont en conflit ouvert avec la Fédération nationale, réputée corrompue, et ils veulent pourrir la vie de l’équipe nationale en guise de protestation. Après avoir semé la pagaille à Geoffroy-Guichard lors du match contre la Tchéquie, ils envisageraient de récidiver à Bordeaux face à l’Espagne, a annoncé le Daily Mirror ce week-end. Ce serait quand même sacrément dommage que cette brillante génération de joueurs croates soient la victime d’un conflit qui ne la concerne pas…
Par Régis Delanoë