- Coupe du monde 2014
- Phase de groupes
- Bilan
Les dix questions qu’on se pose après la fin des poules
Des démissions, du spectacle, une morsure et une moustache. La phase de poules de ce mondial 2014 a accouché d'un beau bébé, sous ce soleil d'hiver du Brésil. L'occasion de se poser quelques questions, avant que la compétition ne reprenne ses droits.
¤ John Boye est-il le plus mauvais joueur de cette Coupe du monde ? « Son potentiel athlétique était déjà évident à l’époque, mais sa technique était rustre et niveau culture tactique, c’était le néant. » Voilà le profil de John Boye dressé en une phrase par Pierre Dréossi quand il évoque sa « trouvaille » . Pour l’aspect technique et tactique, l’ancien manager de Rennes ne s’est pas trompé. Impliqué à différents niveaux sur les cinq des six buts encaissés par les Black Stars, Boye a pesé lourd dans l’élimination du Ghana. Son CSC de la rotule face au Portugal a parachevé son œuvre. Mais est-il le pire joueur de la compétition pour autant ? Forcément, une erreur d’un gardien ou d’un défenseur se remarque tout de suite et le pauvre Boye risque de payer l’addition. Il suffit pourtant de revoir Portugal-Ghana pour trouver un joueur qui mériterait de disputer ce titre à l’habitué de la route de Lorient. Son nom ? Eder. Demandez l’avis d’un ami portugais, il doit avoir quelques arguments pour soutenir la candidature de son avant-centre de fortune. Les Russes, avec Afkinfeev, pourraient également avoir le droit de concourir.
¤ Que veut nous dire Fred avec sa moustache ? Question mode, le footballeur a souvent un temps de retard. Il adopte le mulet quand même un salon Tony&Guy a cessé de vous le proposer. Il persiste dans la décoloration, ignorant que l’arbitre a sifflé la fin des années 90. Fred n’échappe pas à la règle. Depuis la rencontre face au Cameroun, l’avant-centre du Brésil ose la moustache. So 2010. Hommage à Freddie Mercury ou clin d’œil à des ancêtres lusitaniens ? Pas du tout. Avec sa « bigode » , Fred a juste voulu conjurer le mauvais sort. En août dernier, il s’était déjà affiché avec cette coquetterie avant le choc entre son club de Fluminense et le Flamengo. Neymar en personne lui a demandé de revenir à son look de moustachu. « Avec la moustache, ça marche à tous les coups » , s’en amuse la star de la Seleção. Fred s’est juste exécuté. Sa façon à lui de prouver qu’il était prêt à tout pour aider son pays.
¤ Messi fait-il une Maradona 86 ? Trois matchs difficiles dans le jeu, dans une équipe globalement décevante et pas aussi offensive qu’annoncée, mais des éclairs, et quels éclairs : l’Argentine 2014 a un faux air de l’Argentine 1986. Avec, dans le rôle de Diego Maradona, le tant attendu Lionel Messi. À vrai dire, si la sélection de Sabella est aussi triste que l’était celle de Bilardo, la Pulga est même en avance sur le Pibe. Déjà quatre magnifiques buts en trois matchs – quand les deux autres pions de l’Argentine ont été inscrits sur CSC adverse et par le genou de Rojo – là où Diego avait fini son premier tour mexicain avec une seule réalisation, laissant de la place à ses collègues Valdano, Ruggeri et Burruchaga. Lancé tout droit vers l’histoire, alors ? Évidemment non : même en cas de victoire finale, il faudra à Messi une fourberie historique pour marquer le Mondial. Un secteur où cette année, soyons clairs, il va être difficile de passer après Luis Suárez.
¤ Est-ce que Müller va égaler Müller?Parce qu’arrive un moment où le football n’est plus seulement un état d’âme mais un froid exercice chiffré, voici Thomas Müller : 24 ans, 9 matchs de Coupe du monde, 9 buts. Soit le même nombre de buts que Pelé lors de ses neuf premiers matchs. Autant dire que si l’Allemagne va au bout, alors le joueur du Bayern aura de bonnes chances de dépasser O Rei et d’aller chercher son illustre homonyme Gerd Müller, troisième meilleur buteur de l’histoire de la compétition avec 14 buts marqués en l’espace de deux Coupes du monde, 70 et 74. Et si l’on considère avec optimisme que Müller a encore facile deux cCoupes du monde dans les jambes, c’est même Miro Klose et Ronaldo, 15 buts chacun au compteur, qu’il punira. Le Fenomeno, qui sait que tout est éphémère, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en déclarant au coup de sifflet final : « Je suis persuadé que Thomas Müller pourra bientôt être le seul meilleur buteur en Coupe du monde. » Dans « persuadé » , il fallait évidemment lire « certain » .
¤ Est-ce que la CONCACAF est la zone la plus concurrentielle de la FIFAsphère ?USA, Mexique, Costa Rica. Trois sur quatre. Pour une zone dont beaucoup hurlaient au scandale… « Mais comment ? Quatre pays ? » Un huitième des invités venant d’une partie du monde où la majeure partie des enfants commande une batte de baseball à Noël et s’en sert à l’adolescence pour régler des problèmes de cœur ? Tout n’a pas changé en 2014 : la CONCACAF est toujours l’acronyme le plus incroyable jamais sorti du crâne d’œuf d’un ponte de la FIFA. Reste que si le Honduras n’avait pas hérité du seul vrai groupe de la mort, la CONCACAF serait la seule zone à faire le plein en huitièmes. On comprend mieux pourquoi personne ne songe à autoriser la Guadeloupe à entrer dans la danse. Putain de Babylone.
¤ Quand le Portugal va-t-il présenter un numéro 9 digne de ce nom en coupe du monde ?Hélder Postiga : nul. Hugo Almeida : nul, mais à le mérite d’arborer une magnifique moustache. Eder : chèvre au coeur de lion, mais chèvre quand même. Les années passent et le même problème subsiste pour la sélection portugaise, celui du buteur, espèce en voie de disparition dans un pays où règnent les ailiers tricoteurs. A tel point que l’on se demande si le Portugal trouvera un jour un successeur à Pauleta et Nuno Gomes. Révélation du mondial U20 de 2011, Nélson Oliveira tarde à confirmer son statut d’héritier, mais il reste un espoir. Il joue à Porto, s’appelle Gonçalo Paciência (19 ans et 11 mois) et n’est autre que le fils de Domingos, ancien buteur des dragons et de la Seleçao. Difficile de recevoir meilleure formation au poste de 9. Mais si lui se plante aussi, on ne pourra plus rien faire pour le Portugal
¤ Un sélectionneur éliminé dès le premier tour doit-il démissionner ?Se faire sortir de table juste après l’apéro n’est jamais un sentiment agréable. Surtout lorsqu’on s’est tapé une route semée d’embûches pour décrocher le carton d’invitation. Ce constat amer, la moitié des équipes présentes au premier tour du Mondial peuvent en témoigner, et leurs sélectionneurs de se trouver devant un fâcheux dilemme : partir comme un prince, ou attendre de voir le sort que leur fédé leur réserve. En d’autres termes, admettre son échec ou espérer une fleur de la part de dirigeants sans solutions. Le sélectionneur italien Cesare Prandelli, lui, a choisi d’assumer dès le lendemain de l’élimination de la Nazionale en avouant que « quand le projet technique faillit, il faut prendre ses responsabilités » . Tout le contraire de Roy Hodgson, son compère anglais éliminé dans le même groupe, qui a plaidé la malchance pour expliquer le fiasco des Three Lions et qui a été confirmé dans ses fonctions par la FA. Un de ses deux hommes a un peu plus de classe que l’autre. A vous de deviner lequel.
¤ La morsure du Luis Suarez vaut-elle vraiment une crise diplomatique ?Il y a d’abord eu un front italien. Dès le lendemain du match contre l’Italie, l’Uruguay a cherché à éteindre le feu médiatique sur la morsure de Luis Suarez en prenant les devants : ce n’est pas Luis qui a triché, mais Chiellini. A preuve, un montage photo essayant de faire croire que ladite morsure avait été outrageusement exagérée par la presse italienne via le logiciel photoshop. Pepe Mujica, le président uruguayen, est même venu en soutien, en déclarant qu’il n’avait vu le joueur « mordre personne » : « Moi, je ne l’ai vu mordre personne, mais ils se donnent des coups de pied et des coups très forts. Et ils les encaissent. » L’Italie préférant se concentrer sur la question de savoir s’il faut livrer Balotelli aux chiens ou non, la polémique n’a pas pris comme elle aurait pu. Mais elle a rebondi ailleurs, au Brésil précisément, lorsqu’une journaliste de la radio espagnole Radio Cope a annoncé que la police militaire brésilienne avait été envoyée pour faire partir Luis Suarez de l’hôtel de l’Uruguay. Ridicule ? C’est ce qu’a avoué l’attaquant de la seleçao Fred : « Vous ne pouvez nier que Suarez a commis une erreur, mais (…) je pense que la suspension est trop sévère. La majorité des gens à qui j’ai parlé de cela pense que c’est juste, mais que c’est une punition qui peut ruiner sa vie. Moi, je pense qu’il doit être puni mais j’aurais réellement aimé le voir continuer à jouer dans cette Coupe du monde au Brésil » . De deux choses l’une : soit Fred est un type raisonnable et intelligent qui ne souhaite visiblement pas voir le Brésil et l’Uruguay se déclarer la guerre, soit il n’a jamais entendu parler du Maracanazo.
¤ Pourquoi les sélections européennes n’aiment-elles pas les coupes du monde en Amérique du Sud ?C’est un fait : le joueur européen éprouve la plus grande difficulté à se montrer à son avantage quand il s’agit de traverser l’Atlantique pour y disputer une coupe du monde. Pourquoi diable ? L’environnement exotique lui ferait-il perdre de vue l’importance de l’événement ? L’encouragerait-il à prendre quelques largesses avec les exigences du professionnalisme ? Reste que contrairement aux idées reçues, les Brésiliens encouragent bien souvent sans rechigner les autres sélections du continent lors du premier tour. Pas seulement par réflexe antigringos : « Quand les équipes sud-américaines performent en coupe du monde, cela renforce la valeur de la copa america et même de la libertadores » nous confiait un Brésilien adepte du « Chi, chi, chi, Le, le, le » . Et puis, finalement, les Européens sont peut être juste trop bien élevés : quand on est une pièce rapportée dans une fête, on ne met pas le feu à la piste de danse, et on ne se casse pas en dernier.
¤ Quelle équipe va demander à être reversée dans la zone Asie ?La rengaine était prête à être dégainée : ce mondial serait celui de la faillite du football africain. Mais après ce premier tour, le curseur s’est déplacé ailleurs, en Asie. Le faible niveau de jeu – et restrictif – proposé par l’Iran, la Corée du Sud et le Japon a été puni au Brésil. Zéro pointé. Même l’Australie éliminée a fait meilleure impression. Aujourd’hui, cette faillite asiatique pourrait donner des envies de changement à quelques sélections évoluant en Europe. On pense inévitablement à l’Israël, mais elle connaît trop de problèmes de voisinage pour sereinement avancer dans ces campagnes du côté asiatique, et à la Turquie. De toute façon, l’Europe ne veut pas d’elle, ou ne souhaite pas le dire. Alors à quoi bon ? Une Coupe du monde vaut sans doute ce sacrifice.
Par la rédaction de So Foot, à Rio