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Les Dieux du Parc

Par Eric Carpentier
5 minutes
Les Dieux du Parc

Reprise du Top 14 ce samedi, dans lequel va tenter de bien figurer le Stade français. Pour faire mieux que le parcours incroyable de sa section football, où il est question de champagne, de Suze, de Larbi Ben Barek et même de Patrick Balkany. Coup de plumeau sur le livre d'histoire d'un club pas comme les autres.

Aujourd’hui, c’est le grand jour : le monde étrange de l’ovalie relance la gonfle pour une nouvelle saison de Top 14. Avec, du côté du Stade français, l’espoir d’un rebond favorable. Septième du dernier championnat et sorti d’une intersaison aussi agitée qu’un passage du typhon Hato, les Zeus en rose vont tenter d’afficher plus d’autorité qu’en Dieux du stade pour venir, pourquoi pas, titiller les Clermontois équipés de leur bouclier de Brennus. Pour autant, à une grosse dizaine de kilomètres du stade Jean-Bouin, pendant que les Stadistes recevront le LOU de Lyon, le Haras Lupin ne s’arrêtera pas forcément de courir pour admirer les rugbymen s’ébrouer. À l’orée de la forêt domaniale de Malmaison, les préoccupations de l’école de football du Stade français sont en effet loin des atermoiements de leurs aînés baraqués. L’objectif principal de la section football du Stade français est désormais de former des enfants sur et hors des terrains. Parce que par le passé, les hauts et les bas du professionnalisme, le Stade français version ballon rond en a suffisamment soupé.

Antonio Herrera et apéritifs Suze

« C’est une histoire extraordinaire d’un club qui a toujours été à la remorque du Racing, qui a toujours voulu copier le Racing, et qui n’y est jamais vraiment arrivé durablement, sauf pendant la période de Jacques Malaud » : quand il parle du Stade français, Jean-Marc Benammar se mue en conteur, pour une histoire qui débute véritablement dans l’immédiat après-guerre. Lancée en 1900 et professionnelle depuis 1942, la section football du Stade français voit débarquer l’agent de change Malaud – père de Philippe Malaud, futur ministre sous De Gaulle et Pompidou : « Un type assez riche qui veut faire une belle équipe, s’échauffe le professeur associé à l’université Paris VIII. Qui poursuit sans s’essouffler. Il a l’idée intelligente de prendre Helenio Herrera en entraîneur. Herrera est au Maroc après la Deuxième Guerre mondiale, il trouve un gars qui s’appelle Larbi Ben Barek, qui avait quitté Marseille pendant la guerre. Ben Barek fait un stage d’entraîneur, Herrera lui dit : « T’es toujours sous contrat avec Marseille ? Oui ? Bah j’ai une proposition pour toi au Stade français. » » C’est le début des trois glorieuses du club de l’ouest parisien, qui prend deux titres de dauphin (1947 et 1948) et échoue à deux reprises en demi-finales de Coupe de France (1946 et 1949). Sans oublier de gagner, parfois, un derby contre le Racing, par exemple le 4 décembre 1947 : « Parc des Princes, 25 000 spectateurs. 22 joueurs, un arbitre, deux juges de touche, un derby parisien : Stade français, maillot foncé, contre Racing, maillot clair… »

Mais cette période marque aussi le début de la fin. Benammar poursuit, solide sur les appuis de sa mémoire : « Malaud va absorber le Red Star en 1948, ça va faire tout un pataquès – de toute façon, à Paris, les fusions ne marchent jamais très bien. En 1950-1951, c’est la catastrophe, relégation en D2. Malaud dit : « Je veux récupérer mon fric », donc ils vendent tous les joueurs à droite à gauche. » Le coup est dur à encaisser pour les Parisiens, mais ils se consolent grâce à Suze : « Là arrive monsieur Roger Pouchès, le PDG de la marque d’apéritif Suze. Il a la folie des grandeurs : Colonna dans les buts, Kees Rijvers qui jouera pour Sainté et entraînera le PSV… Il fait venir plein de monde, mais ça ne marche absolument pas. C’est une équipe prestigieuse, qui joue bien, illumine parfois le Parc des Princes, mais ne gagne jamais rien. » Entre deux ascenseurs et des invitations à jouer contre le Betis, la Juve ou Porto en coupe des villes de foires, seule une maigre demi-finale de Coupe de France, perdue contre Sedan, vient garnir l’armoire à hauts faits du Stade français. C’est peu, d’autant qu’en 1966, Pouchès quitte la présidence, inculpé pour abus de biens sociaux : « Il y avait beaucoup d’argent de Suze qui partait vers le Stade français, révèle le professeur Benammar. Alors le Stade français, pour des motifs financiers et moraux, retire l’autorisation d’utiliser son nom à la section football, qui devient le Stade de Paris FC. »

Champagne et Patrick Balkany

S’ensuit une période trouble pour le nouveau Stade, entre championnat de Paris et stade à Bobigny. Il faut attendre 1978 et l’arrivée de Guy Lamoureux pour voir le club trouver son second souffle. Le producteur de champagne – « Il arrosait tout le monde à coups de caisses, les gens n’étaient pas très chers, donc c’était facile » – permet au club d’enchaîner trois promotions d’affilée, jusqu’à la D2, en retrouvant au passage le statut professionnel. Problème, tout va trop vite : « Ça ne suit pas, ils ont zéro spectateur, éclaire Jean-Marc Benammar. À Bobigny, il n’y a pas de tribunes, donc ils demandent en 1981 de jouer à Bauer. Mais là-bas, ils font 200, 300, 500 spectateurs maximum ! » Alors, l’année suivante, Lamoureux « qui n’a pas un rond » se cherche un partenaire. Et le trouve en la personne d’un certain Patrick. « Balkany a des ambitions politiques, il essaie de piquer la mairie de Levallois aux communistes depuis un temps, narre Benammar. Le conseil général leur trouve un stade, puis Balkany, qui a récupéré la mairie de Levallois, va construire le stade Louison-Bobet en 1983. » Sauf qu’en 1985, Lamoureux jette l’éponge, laissant le bébé à Balkany. Qui s’y intéresse un temps avant de privilégier son jeune et omnisports Levallois Sporting Club, dont il est président, et d’abandonner le projet.

La fin de l’aventure ressemble à une longue divagation. Le club se rapproche du président du patronage laïque du 5e arrondissement parisien, prend le nom de Stade français PL 5, mais ses dirigeants italiens s’embrouillent avec le Corse Jean Tibéri, maire du 5e. L’apparition du Stade olympique de Paris est le dernier soubresaut de l’aventure, avant la disparition en fin d’année : l’épilogue de la deuxième histoire professionnelle du Stade français dans sa version ballon rond est signé. Aujourd’hui, le Stade français avance 12 000 membres et 23 sections sportives, de la locomotive rugby à l’incruste « Bridge / Échecs / Sports de l’esprit » . Parmi elles, la section football a été recréée en 1990. Il s’agit avant tout d’une école de football, dont le directeur sportif, Tarek Nassereddine, met en avant l’intégration des enfants porteurs de handicaps ou la section féminine, qui va ouvrir ses portes en 2017-2018. Un directeur sportif qui reconnaît que la section football n’a plus sa renommée d’antan : « Jusqu’il y a deux ans, quand on jouait, on nous chambrait tout le temps en nous disant : « Ah bon, ça joue au foot le Stade français ? » Mais on commence petit à petit à être plus reconnus… » Et sans calendrier.

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Par Eric Carpentier

Tous propos recueillis par EC

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