- Angleterre – 14 septembre 1963 – Le jour où…
Les débuts en pro de George Best
Il y a 52 ans jour pour jour, le public d'Old Trafford faisait la connaissance avec un gamin de 17 ans qui venait de signer son premier contrat pro : un certain George Best, mis une première fois dans le grand bain par un Matt Busby qui le surveillait depuis deux ans. Des débuts difficiles, mais plutôt réussis face à la rugueuse formation de West Bromwich Albion.
L’histoire de l’arrivée de George Best à Manchester est connue, celle de ses débuts en pro un peu moins. Pour ce qui est des conditions de son intégration à United, c’est le scout du club à Belfast qui avait flashé sur cet ado génial mais chétif, trop chétif pour tous les autres émissaires de grands clubs qui s’étaient intéressés à lui jusqu’alors. D’un télégramme du dénommé Bob Bishop où il était écrit « Je crois que j’ai trouvé un génie » , Matt Busby se décide et fait venir Best en Angleterre. Les débuts sont pénibles : après seulement 24h, le gamin décide de fuguer pour rentrer chez lui en Irlande du Nord. Son père le convainc d’y retourner, pour une formation à la dure, avec en parallèle du foot un petit boulot de coursier. Ce n’est qu’au printemps 1963, à ses 17 ans, qu’il signe un premier contrat pro. Lors des célébrations d’après la victoire de MU en FA Cup face à Leicester, à la fin de la saison 62/63, Dickie Best – le daron – prend à part Busby et lui demande si son fiston aura un jour sa chance en équipe première. Car si ce n’est pas le cas, un boulot l’attend à Belfast, alors inutile de fantasmer sur une hypothétique carrière. Bientôt, il aura sa chance, lui promet l’entraîneur qui, de fait, surveille depuis pas mal de temps déjà ce drôle de jeune homme qu’il imagine bien s’entendre en attaque avec Bobby Charlton et Denis Law. Les trois formeront effectivement ce qu’on appellera la « Sainte Trinité » de United, celle qui causera tant de déboires aux adversaires les saisons suivantes.
« J’ai encore des marques de tes tacles »
Au début de l’exercice 63/64, Busby lance d’abord un autre jeune du club en premier, David Sadler, 17 ans, comme Best. Ce dernier est finalement convoqué pour le match du 14 septembre à domicile face à West Bromwich Albion, mais il croit d’abord n’être que le douzième homme, à une époque où il n’y a pas encore de remplaçants. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’un des habituels titulaires, Ian Moir, est blessé à l’aine et est incertain. « Le boss (Busby, ndlr) m’a laissé manger mon lunch sans me dire que j’allais jouer l’après-midi, raconte Best dans son autobiographie. C’est malin, car s’il m’avait prévenu, j’aurais été incapable de manger une bouchée. » Pourtant, dans le vestiaire, juste avant le coup d’envoi, le gamin ne laisse rien paraître de sa peur. La légende raconte qu’il était assis dans son coin, à lire tranquillement le programme du match, donnant l’impression de n’être pas plus concerné qu’un spectateur lambda. Mais une fois sur le terrain, c’est un tout autre jeune homme : vif, combatif, à la bagarre sur tous les ballons arrivant dans sa zone. Son vis-à-vis est pourtant un sacré costaud : le défenseur gallois Graham Williams, bien décidé à faire goûter le gazon à cet ailier dégingandé. « Je voulais intimider George et lui donner du fil à retordre, commentera-t-il plus tard. J’aime à penser que c’est ce que j’ai fait, même si je pouvais déjà prévoir qu’il allait être l’un des meilleurs. On s’est revu plus tard en vacances à Majorque. Il m’a dit : « J’ai encore des marques de tes tacles. » Je lui ai répondu que ça me faisait plaisir de voir son visage, car tout ce que j’avais vu de lui lors de ce premier match, c’était l’arrière de sa tête lorsqu’il essayait de filer dans mon dos ! »
« J’étais un gamin avide »
En seconde période, Busby le change d’aile pour le débarrasser du marquage de Williams, mais cette première le laisse frustré. « La façon dont j’avais joué n’avait pas été appréciée de mes coéquipiers comme Charlton, expliquera-t-il. J’étais le petit qui était supposé le mettre en lumière, mais chaque fois que j’avais la balle, j’essayais de dribbler. J’étais un gamin avide. » C’est l’autre jeune, David Sadler, qui s’illustre le mieux en inscrivant le seul but du match. La presse locale commente la prestation de Best en la qualifiant de courageuse. Un petit nouveau qui aime les duels, mais qui fait preuve de trop d’immaturité. D’ailleurs deux jours plus tard, alors que MU se déplace à Blackpool, Busby réintègre un Ian Moir rétabli de sa blessure. George Best est contraint de réintégrer la réserve et l’équipe des jeunes. « Ça m’a un peu tracassé, mais j’étais sûr que j’avais le niveau, alors j’ai continué à travailler dur. » Sa deuxième chance arrive finalement un peu plus de trois mois plus tard, le 28 décembre 63, face à Burnley, encore à Old Trafford. Cette fois, ce n’est plus une expérience de Busby, mais bien pour casser une dynamique négative de défaites. Best, dont il était convenu qu’il retourne passer les fêtes de Noël en famille à Belfast, est rappelé d’urgence par télégramme pour disputer cette rencontre du 28 décembre, remportée 5-1 avec un but du Nord-Irlandais. Cette fois, ça y est, sa carrière est lancée. Pendant une décennie, rien ne l’arrêtera plus.
Par Régis Delanoë