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Les darts, l’ultime refuge du foot populaire

Par Swann Borsellino
5 minutes
Les darts, l’ultime refuge du foot populaire

Président de la Professional Darts Corporation depuis 1992, Barry Hearn est un ancien propriétaire de club de foot. Un passé qui l’a aidé à comprendre comment charmer les amoureux du ballon rond, qui désertent les stades de foot anglais pour venir assister aux tournois de fléchettes. Et accessoirement à savoir comment saigner les chaînes de télé.

Énormes pintes à la main, ils s’égosillent à s’en briser les cordes vocales. « Don’t take me home, please don’t take me home, I just don’t wanna go to work. I want to stay here, drink all your beer, please don’t please don’t take me home. » En fermant fort les yeux, et en écoutant la suite de cette ballade d’ivresse – « kolo, kolo kolo, kolo kolo, kolo kolo kolo ! Yaya, Yayayaya… » – on se croirait de retour à l’Euro 2016, théâtre du show irlandais et nord-irlandais. Mais à l’Alexandra Palace de Londres, on peut feindre la cécité, mais pas l’absence d’odorat. Dans cette immense et magnifique salle, les effluves de bière de la veille donne à l’arène perchée dans le nord de Londres des odeurs d’arrière-salle de pub rustique. Mais tous s’en foutent : ils sont venus, entre potes, voir les championnats du monde de fléchettes, qui ont lieu chaque fin d’année, deux semaines durant, dans la capitale anglaise. Et si les chants sont souvent les mêmes que dans les stades de foot, c’est tout simplement parce que parmi les 7000 personnes qui peuplent l’écrin, la plupart viennent du ballon rond. Déguisé en Pierrafeu, Matthew est fan d’Arsenal. « Aux darts, tu retrouves l’ambiance du foot des années 1980-1990, balance-t-il entre deux gorgées. Ici, les gens sont là pour regarder le spectacle, mais aussi pour faire le spectacle. En Angleterre, et surtout dans les grosses équipes, les tribunes sont devenues calmes, aseptisées. Ici, c’est juste la fête. » Et que ceux qui pensent que Patrick Sébastien est l’homme qui a inventé la fête se cachent à tout jamais : le patron de ce show s’appelle Barry Hearn et est un promoteur d’événements sportifs de génie. À 69 balais, le président de la Professional Darts Corporation (l’une des deux organisations professionnelles de fléchettes et la plus importante, ndlr), est l’homme qui a donné aux darts ses lettres de popularité. Non, ici, il n’est pas question de noblesse. Juste de plaisir populaire.

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Où le fan de foot se retrouve un peu par hasard

Si ce championnat du monde 2016 a sacré le numéro 1 mondial de la discipline, le Hollandais Michael van Gerwen, l’essentiel se situerait presque ailleurs. En cette fin de mois de juillet, à Blackpool, les 32 meilleurs joueurs du monde sont réunis pour le deuxième plus gros tournoi de l’année : le World Matchplay. Là encore, l’arène est bien choisie. Le Winter Gardens de Blackpool est une magnifique salle et les fans y sont rois. La disposition de l’arène est d’ailleurs toujours la même : la scène, où les stars jouent. Deux tribunes latérales et une en face de la cible. Deux énormes écrans géants, mais surtout des dizaines de tables autour desquelles des supporters déguisés viennent se pinter la gueule. Ancien président du club de football de Lleyton Orient, Barry Hearn raconte : « Je sais ce que veulent les fans. Ils veulent dépenser maximum 100 livres pour une soirée. Donc tu fais le ticket d’entrée à 40 livres, ils dépensent 40 autres livres pour se payer un gros coup à boire et ils ont peut-être 20 livres pour parier. Après ça, ils rentrent contents de leur soirée. J’organise 541 événements sportifs dans l’année et l’objectif est toujours le même : que les spectateurs sortent avec un grand sourire. » Et tant pis s’ils ne captent rien aux fléchettes. Patrick est allemand et vient de la banlieue de Dortmund après un long périple en bus avec deux amis. « L’an dernier, nous étions tombés sur des vidéos de matchs de fléchettes. On a vu l’ambiance et on a pensé qu’on devait absolument venir. À la base, nous sommes fans de foot, mais ici, on retrouve cette ambiance assez chouette que l’on a en Allemagne. » Tant pis donc, s’ils n’ont jamais lancé de fléchettes de leur vie.

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Le triomphe populaire sur un football gentrifié

Mais comment ces types ont fini par venir aux « darts » ? Peut-être grâce au talent de Barry Hearn et au boulot de la PDC, qui ont pris tout le temps nécessaire pour faire des joueurs de fléchettes des héros comme au catch, avec un surnom, une dégaine, des fans et des ennemis. Peut-être à cause de la gentrification du football anglais, aussi. « Après les années de lutte contre le hooliganisme des années 1990, l’explosion du prix des billets qui a écarté des stades les bourses les plus modestes, l’expérience football est devenue un spectacle cher, policé et sans grand frisson comparé à celui des fléchettes. C’est indéniable, l’évolution de l’ambiance dans les stades nous a beaucoup aidés. Les fans peuvent faire à peu près tout ce qu’ils veulent. C’est aussi du bon sens. Ces gens, ce peuple, si tu leur dis : faites moins de bruit, ils vont gueuler dix fois plus. Il faut laisser faire » , explique Barry Hearn. Au vrai, si comme les spectateurs, Barry devait enfiler un costume, ça serait celui de Robin des Bois. Dans la ligne de mire du patron des fléchettes : les chaînes télé. Bien aidés par ses artilleurs de talent, Hearn vise dans le mille : « Sky est avec nous depuis le début et a boosté notre audience de façon incroyable. Ils payent des millions de livres même si ce n’est pas encore assez. Je suis dur avec eux et gentil avec les clients sur les prix et les négociations. Parce qu’eux ont de l’argent et que les clients sont mes amis, pas les diffuseurs. Ils dépensent des fortunes pour acheter le football, mais la nuit dernière, les fléchettes ont fait plus d’audience que la Premier League. Ils payent pourtant 11 millions de livres par match, et moi je veux garder ce jeu comme le sport du peuple, donc ils vont payer davantage pour avoir les fléchettes. » Oubliez donc Manchester United, Manchester City et Chelsea. Place à Phil Taylor, Michael van Gerwen et Gary Anderson. Des héros populaires auxquels la plèbe a désormais moins de mal à s’identifier. Et si personne n’a encore daigné acheter les droits des darts en France, cela ne saurait tarder. Barry Hearn a forcément une bonne offre à nous faire.

Le reportage sur les championnats du monde de darts est à lire dans Society #47

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Par Swann Borsellino

Tous propos recueillis par Swann Borsellino, sauf ceux de Barry Hearn, recueillis par Joachim Barbier

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