- Billet d’humeur
- Pétition pour un football meilleur
Les courses d’élan sur les penalties…
C'est l'un des crimes de lèse-majesté en vogue dans le football moderne : l'arrêt de la course d'élan lors de l'exécution d'un penalty. L'heure de la révolte a sonné.
Tout le monde le savait, Radamel. Même toi, au fond, tu savais que tu étais en train de faire une connerie. Pourtant, du buteur, tu as l’instinct et le sang-froid. Tu l’as même prouvé quelques minutes plus tard ce soir-là en mystifiant Willy Caballero dans un duel franchement plus compliqué que celui qui provoque l’écriture de ce texte aujourd’hui. Mais tu l’as fait. Comme Simone Zaza face à l’Allemagne, Dória face à Sochaux et tant d’autres avant eux, tu as interrompu ta course d’élan alors que tu t’apprêtais à tirer un penalty de la plus haute importance en huitième de finale aller de la Ligue des champions. Et en un mot comme en cent, le football t’en veut. Concrètement, le résultat concédé par l’ASM ne l’intéresse pas. Ce qui l’intéresse, c’est le respect qu’on lui témoigne de manière générale. Et ces temps-ci, vous êtes beaucoup à piétiner le sport le plus populaire du monde comme un vulgaire paillasson à coups de penaltys aussi excentriques qu’inefficaces. Alors le foot enfile son costume d’Édouard Balladur et vous demande de vous arrêter.
Neymar, ce faux marchand de rêve
Tout ça, c’est un peu de ta faute, Neymar. Toi qui as poussé le football « YouTube » à son paroxysme, tu as fait de la paradinha (temps d’arrêt marqué sur lors de la course d’élan sur un tir au but) ta marque de fabrique. Les premières fois, les gardiens plongeaient dans le vent, en regardant comme des âmes en peine le ballon franchir lâchement la ligne après un face-à-face que tu avais décidé de refuser. Ça faisait marrer les gamins. Ça faisait marrer tout le monde, en fait. Mais les blagues les plus courtes sont les meilleures, et toi le premier, tu t’es sans doute rendu compte que cette manière de tirer les penaltys était une insulte au sport que tu aimes tant. Pourquoi ? Parce qu’en agissant ainsi, tu refuses le duel le plus romantique d’un football qui l’est de moins en moins. Un duel, un contre un, buteur contre gardien, à armes presque égales, à la vie à la mort. Mais aussi parce que – et tu as dû t’en rendre compte au fur et à mesure des mois qui passent et des déceptions qui naissent après les loupés –, vous n’êtes pas nombreux à pouvoir tirer les penaltys ainsi. Toi-même, tu t’es trouvé comme un con quand le gardien ne plongeait pas. D’autres, moins techniques, sont tout simplement déconcentrés par cet accès d’excentricité dont l’utilité n’a finalement d’égal que son taux de réussite franchement médiocre. Alors gardez les fioritures pour les chaussures, les voitures, les tatouages, les petits plats cuisinés ou le papier peint de votre maison, mais respectez le penalty car il a cela de particulier que du fin fond de la division départementale à la Ligue des champions, il est le même partout, à quelques touffes d’herbe mal tondue près. Du jardin familial à la finale du Mondial 94, il est traître, car censé être facile, mais paroxysme de la pression du sport. Tenter d’éviter ce moment, ce n’est pas seulement de la lâcheté humaine. C’est aussi ne pas faire confiance à son cœur, ses couilles et sa technique.
Trois pas et le petit filet
Oui, le start & stop, c’est pour les voitures. Et les éducateurs qui passent leur temps à faire réviser le b.a.-ba du football à des gamins de plus en plus biberonnés au football à la télé ont du pain sur la planche. Alors que dire aux gamins ? Qu’une séance de tirs au but lors d’un tournoi de la Pentecôte, ça se gagne et que pour faire taire les parents pénibles du camp d’en face, une bonne mine au milieu ou une frappe croisée dans le petit filet, ça fait largement le boulot ? Ou tout simplement leur dire qu’un penalty, c’est simple, c’est de la maîtrise, du sang-froid et un rituel. Combien de fois, devant votre télé, vous êtes passé pour un devin avec vos amis parce que vous avez prédit qu’un type qui prenait trois fois trop d’élan allait louper, d’une frappe écrasée ou qui partait dans les tribunes ? Car ceux qui stoppent leur course d’élan ne sont pas les seuls coupables. Dans la prison idéologique du football devraient moisir avec eux ceux qui prennent trop d’élan et ceux qui n’en prennent pas. « Plat du pied sécurité » est une expression qui existe, « penalty trois pas d’élan, tranquillité » devrait faire son retour dans le Robert du ballon rond. Car les magiciens de l’exercice comme Del Piero, Hazard ou d’autres capables d’arrêter le temps sont rares, et dans un monde toujours plus bercé par les statistiques, il serait temps de se rendre compte qu’à défaut d’être illégale – les lois du foot ont décrété acceptable l’arrêt de course sans feinte de frappe –, la mauvaise course d’élan est mère de la plupart des loupés dans l’exercice. Alors par pitié, cessez.
Pour Leonardo, Zinédine Zidane a bien fait de refuser le BrésilPar Swann Borsellino