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Les costumes de Benjamin Bourigeaud

Par Maxime Brigand
Les costumes de Benjamin Bourigeaud

Très en vue à Stamford Bridge mercredi soir, le milieu du Stade rennais a confirmé son bon début de saison, mais surtout qu’il était en train de passer un nouveau cap au cœur de l’entrejeu breton. Aujourd’hui, ce type semble capable de tout faire : relancer, créer, finir. Décryptage.

Qu’est-ce qui différencie les joueurs ? Face à ce casse-tête, plusieurs écoles s’affrontent. Une première affirme qu’un grand joueur est un type capable d’enchaîner les bonnes performances : il s’agit ici de la constance de l’athlète. Une seconde veut que le grand joueur est un homme qui possède une capacité unique à se réinventer pour durer au plus haut niveau. Une troisième répond que le grand joueur est celui qui sait s’adapter à la taille d’un rendez-vous. Enfin, une quatrième tranche ainsi : le grand joueur est un héros de tous les jours, qui sait regarder un match de poules de Ligue des champions de la même manière qu’un trente-deuxième de finale de Coupe de France. La vérité se situe sans doute au carrefour de ces points de vue et, cette semaine, Benjamin Bourigeaud, 26 ans, une allure à débouler dans un film d’animation pensé par Nick Park et dont le nom a récemment été utilisé pour rebaptiser un stade dans le quartier du Beau-Marais, à Calais, est venu prouver une chose : ce type n’a pas peur des grandes scènes et a su se tailler une polyvalence précieuse qui le place parmi les meilleurs éléments d’un Stade rennais qui, bien que sèchement battu à Stamford Bridge (3-0), a su regarder Chelsea dans les yeux avant que le match n’explose à la suite de l’expulsion de Dalbert. Déçu, mais pas aveugle, Bourigeaud a concédé après la rencontre ne pas avoir senti les Blues « très sereins ». Le milieu breton n’a pas tort : durant quarante minutes, les hommes de Julien Stéphan ont rivalisé avec ceux de Frank Lampard, gêné Chelsea entre les lignes et ont même réduit les Blues à deux petits tirs cadrés (les deux penaltys transformés par Werner). Il y est d’ailleurs pour beaucoup.

Le masque de l’organisateur

Posé au cœur du 4-3-3 rennais aux côtés de Steven Nzonzi et James Léa-Siliki, Benjamin Bourigeaud, déjà plutôt intéressant lors du naufrage de Séville jusqu’à sa blessure au mollet et à sa sortie juste après la pause, a notamment aidé le Stade rennais à sortir proprement les ballons, mission dans laquelle N’Golo Kanté l’a aidé en le laissant assez libre de se retourner face au jeu.

D’abord un cran plus haut en phase de construction, Benjamin Bourigeaud s’est finalement décidé (10e) à décrocher pour casser le pressing de Chelsea.

Faiblement pressé par Kanté, Bourigeaud peut se retourner et trouver Traoré dans le dos de Werner.

Cinq secondes plus tard, Bourigeaud est de retour dans l’axe, où Traoré le retrouve : la première ligne de pression est éliminée.

Trois minutes après son bon changement d’aile vers Traoré, Bourigeaud décroche de nouveau et va trouver Léa-Siliki. Sur une passe, la première ligne de pression adverse est encore effacée.

Ces deux séquences sont des exemples de l’apport de Bourigeaud, qui a excellé dans le jeu long mercredi soir (onze passes réussies sur treize dans ce registre), mais qui a aussi été le joueur breton le plus recherché (88 ballons touchés, à égalité avec Hamari Traoré) tout en affichant une précision technique (95% de passes réussies) plus qu’intéressante pour un joueur à ce poste, surtout face à un adversaire du calibre de Chelsea. En parallèle, l’ancien Lensois a été efficace défensivement – trois ballons récupérés, quatre interceptions – et a aussi été l’un des rares Rennais capables de déstabiliser offensivement les Blues avec deux passes-clés combinées à une qualité sur coups de pied arrêtés qui n’est plus à prouver. L’un de ses coups francs, tenté à la demi-heure de jeu, a même fait lever quelques poils à son pote Édouard Mendy.

Après le premier but de Chelsea, Rennes a commencé à faire sortir un milieu aux côtés de Guirassy pour gêner les relances des Blues. Comme souvent depuis le début de saison en Ligue 1, c’est Bourigeaud qui a été accompagner le buteur rennais.

Dans l’autre tiers du terrain, Bourigeaud s’est aussi démené comme sur cette intervention sur Chilwell.

Le milieu rennais a aussi gagné un paquet de duels au milieu comme ici face à Jorginho, ce qui offre ensuite du temps à Nzonzi pour organiser le jeu.

Créateur d’occasions, joueur multi-costumes

Ce match face à Chelsea est intéressant, car il a fait naître un nouveau masque dans la collection de Bourigeaud : celui de l’organisateur. Un déguisement qui colle parfaitement avec l’attitude du milieu, qui s’agite sur chaque possession de balle, exige, crie, souffle, mais demande sans cesse le ballon. Débordant d’envie, Benjamin Bourigeaud a surtout confirmé à Londres, malgré le score, son côté indispensable à la machine rennaise, lui qui, lorsque les planètes sont alignées, forme un trio très complémentaire avec Nzonzi et Camavinga. Certains chiffres ne trompent pas : depuis le début de saison, il est l’une des armes principales du Stade rennais, puisqu’il est le joueur de l’effectif breton qui tire le plus au but (23 fois, soit 5 fois de plus que Guirassy, pour 4 tirs cadrés seulement, c’est le hic), mais est aussi le meilleur passeur du club (3 passes décisives, comme Romain Del Castillo). Autre chose ? Oui, Bourigeaud est le deuxième créateur d’occasions du groupe et en est le fournisseur en chef de passes-clés, sans oublier qu’il touche à chaque rencontre, en moyenne, un peu moins d’une trentaine de ballons dans le dernier tiers adverse. Selon les situations, il n’hésite pas à changer de costume.

Face à Monaco, il a notamment été intenable. Ici, il s’en va toucher le poteau de Lecomte après un une-deux plein axe avec Martin Terrier.

Nouvelle occasion face à Dijon où, servi en retrait par Tait, il va pousser Allagbé à la parade.

Face à des blocs bas, il sait être une solution permanente entre les lignes.

Lorsque le jeu le demande, il peut aussi être une alternative dans les centres comme ici face à Reims…

… ou à Dijon.

Très en vue à Saint-Étienne, à Nîmes, où il a été buteur en fin de match, mais aussi contre Monaco ou à Dijon, Benjamin Bourigeaud réalise un début de saison plein et a réussi à apprivoiser un poste où il pensait avoir « moins de liberté ». Finalement, c’est tout l’inverse et, après avoir été utilisé par Christian Gourcuff sur le côté droit, Bourigeaud se poile dans l’axe, poste où on devrait le retrouver, sauf énorme surprise, au Parc samedi soir. Une autre scène qui ne devrait pas faire peur au bonhomme.

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