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Les clés tactiques d’Ukraine-France
Kiev sera un champ de bataille. En Europe, des huit matchs (aller et retour) de barrage de la Coupe du monde 2010, aucun n'avait été décidé par plus d'un but d'écart. Un match de barrage de Coupe du monde, c'est un combat au couteau. Dans ce contexte, peu importe si l'arme est luxueuse ou provient d'un marché de la banlieue de Kiev, peu importe si Ribéry ou Iarmolenko. Cela peut toujours vite se compliquer…
Treize buts marqués en trois matchs, quand même. Contre la Biélorussie, l’Australie et la Finlande, certes. Mais depuis le début de la deuxième mi-temps à Minsk (et le discours d’Évra), elle est belle, cette équipe de France ! En belle forme, du moins. D’ailleurs, l’Ukraine aussi est rodée, elle qui s’est imposée 8-0 face à Saint-Marin. Donc voilà l’affiche : deux formations en forme, le couteau entre les dents, prêtes à tout pour Rio. Tandis que Fomenko devrait se fier à son 4-5-1 animé par Iarmolenko et Konoplyanka, les entraînements de Didier Deschamps font croire qu’il hésite encore entre la confirmation du 4-2-3-1 et la tentation du 4-3-3.
Le 4-3-3 pour Pogba ?
Tout le monde ne fait que parler de lui. Paul, « la Pioche » . Le prototype du « joueur moderne » d’après Luciano Spalletti. « Un vrai crack » d’après Fernando Llorente. Un tel succès que Deschamps doit se demander comment le mettre dans les mêmes conditions qu’à la Juve. En Bleu, on l’a vu devant la défense, trop loin de la surface adverse, trop longtemps occupé à relayer d’un côté à l’autre, sans autre option qu’un décalage pour Matuidi. Pogba grandit dans l’adversité, le duel, l’élimination, la course verticale. À la Juve, il s’est installé à gauche du milieu à trois complété par Pirlo et Vidal. Là, il court, il presse, il centre, il provoque et il combine avec Asamoah. Et il est terriblement dangereux. Si l’on veut voir un milieu bleu gonflé par l’énergie enivrante de « la Pioche » , le milieu à trois devient une évidence. Mais il ne s’agit pas de « tout changer » pour un joueur à cinq sélections.
Car face au système ukrainien, le milieu à trois est une solution logique pour la phase défensive française. Avec un positionnement français en 4-5-1, les ailiers Iarmolenko et Konoplyanka évolueront face à un double rideau potentiel : les deux ailiers offensifs repliés, et les deux milieux relayeurs (Pogba et Matuidi). Surtout, la présence d’une sentinelle devant la défense soulagerait la défense des Bleus sur les phases de repli : ce sera un mur de plus sur la route des contre-attaques ukrainiennes. La sélection de Mavuba prendrait alors tout son sens. Pour son jeu long et sa capacité de récupération, l’option Cabaye, plus dangereux offensivement, existe aussi. Enfin, si ce système est choisi, la présence de Pogba sur le côté droit (Matuidi à gauche) pourrait, qui sait, remettre en cause la toute-puissance du côté gauche français depuis des années. Mais est-il aussi à l’aise d’un côté comme de l’autre ?
4-2-3-1 et flanc droit
Si le 4-2-3-1 est préféré, ou plutôt confirmé, Deschamps choisit le peintre plutôt que le maçon : Nasri ou Valbuena plutôt que Mavuba ou Cabaye. Nasri, celui qui peut, peut-être, faire voler les Bleus. Ou Valbuena, celui qui peut, toujours, les aider. Si l’objectif de la France est véritablement de faire une grande impression au Brésil (un quart à l’Euro étant un échec depuis 2012, il faut viser au moins une demi-finale), Deschamps devrait logiquement miser sur le « retour » de Nasri. Ce qui n’implique pas non plus d’écarter Valbuena. Ainsi, avec un meneur habile pour garder le ballon et mobile pour créer du mouvement là où les Ukrainiens ne voudront voir que duels et pertes de balle, la dernière interrogation se porte sur le côté droit.
À moins de voir Valbuena excentré, ce sera Rémy, Payet ou Sissoko. Dans le 4-2-3-1, la couverture de la surface des Bleus dépendra grandement de l’aide défensive de ses deux ailiers. S’il n’y a aucun souci à se faire pour le côté gauche de Franck Ribéry, qui devrait occuper Iarmolenko durant une bonne partie de la soirée, Deschamps pourrait privilégier la solidité de Sissoko plutôt que la vitesse de Rémy. Car si les projections de Rémy donnent aux Bleus l’impression d’avoir deux avants-centres (un vrai luxe), DD ne peut laisser Debuchy trop seul.
Le luxe Giroud-Benzema, et l’envie de vie
Enfin. Enfin, Didier Deschamps peut faire la revue de ses troupes et se demander quel est, de tous ses attaquants, le joueur le plus en forme. Positionné bien souvent en « faux dix » derrière les flèches Cristiano et Bale, le sens du jeu de Benzema est limpide ces dernières semaines. À Arsenal, Giroud remise, remet, redonne et en garde même un peu pour lui. Au vu des bons résultats obtenus avec la dernière configuration, Giroud sera logiquement titulaire, et Benzema prêt à faire la différence à tout moment. Quel luxe.
Reste à savoir comment les Ukrainiens vont aborder cette double confrontation. Une confrontation en aller-retour dit forcément stratégie. Les hommes de Fomenko souhaitent-ils seulement arriver vivants à Paris ? Ou alors veulent-ils profiter de la présence de leur public pour attaquer les Bleus à la gorge ? Dans un combat à mort, le vainqueur n’est pas celui qui se bat le mieux, mais celui qui veut le plus vivre.
Par Markus Kaufmann
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