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- Espagne/France
Les clés tactiques d’Espagne-France
Stendhal, Lamartine et Victor Hugo n’auront pas suffi. Ce soir, le football espagnol viendra une fois de plus à bout du romantisme à la française, qui aura pour l’occasion des airs de rigueur et de discipline. « L’arme des faibles », dirait Xavi. Et alors ? Le contexte est différent d’il y a quatre mois : la France doit « seulement » ne pas perdre. Mais comment ?
Face à la virtuosité et au génie, il faudra faire dans le courage et la persévérance. À partir du moment où les Bleus jouiront de moins de possession, feront moins de passes et tireront moins au but, tout résultat positif semblera immérité aux yeux de nombreux moralisateurs. Il faudra faire avec. Et pour espérer sortir vivant du Calderón, il existe d’abord deux conditions nécessaires bien difficiles à respecter. D’une, ne pas commettre une seule erreur défensive. De deux, avoir un réalisme exceptionnel. Si jamais ces deux conditions sont respectées, il faudra alors aussi être parfait entre les deux phases. Mission impossible ?
Pour survivre, il faut apprendre à respirer
Depuis plus de quatre ans, l’Espagne a pris l’habitude de transformer le centre du terrain en une zone interdite où l’adversaire semble destiné à s’asphyxier. Pour respirer, les Bleus devront donc viser à occuper alternativement les deux autres zones du terrain. Pour occuper les trente premiers mètres de son camp, la meilleure solution serait de faire comme l’Italie en poule de l’Euro et jouer avec trois centraux, afin d’avoir six appuis possibles à la relance (cinq défenseurs et Pirlo). Plutôt improbable. Pour attaquer le camp adverse, il n’y a pas de recette miracle. Mais les équipes ayant joué de grandes rencontres contre la Roja, le Barça ou l’Athletic Bilbao (exemple de l’Atlético en finale d’Europa League) ont quelques points communs. Trois, pour être précis. D’une, des ailiers habiles, sachant conserver, subir des fautes et jouer dans des petits espaces (Pandev et Eto’o à l’Inter, Di María et Cristiano/Marcelo au Real, Arda Turan et Adrian à l’Atlético). De deux, un joueur axial à la vision extraordinaire (Sneijder, Özil, Diego). De trois, plusieurs menaces constantes cherchant à prendre la défense dans le dos (Milito et Eto’o, Higuaín et Cristiano, Falcao et Adrian). D’où les succès du 4-2-3-1 avec son « faux ailier » à la Eto’o, Cristiano ou Adrian.
Et alors, les Bleus ? Sur les ailes, Ribéry a le profil parfait, tandis que Ménez serait préféré à Valbuena selon ces critères. Mais un problème surgit sur les deux autres points : ce joueur axial censé aérer le jeu et sauter une première vague de pressing n’est autre que Benzema. Ce même Benzema qui devrait en théorie prendre sans cesse la profondeur… Pour éviter le piège, il faudrait choisir Giroud au détriment d’un milieu axial, et faire confiance à une paire Matuidi-Cabaye. Faire jouer un attaquant supplémentaire pour mieux défendre, exactement. À moins que Cabaye, dont Del Bosque a dit du plus grand bien – « Il est leur Xavi. » – s’affirme dans le rôle du meneur axial.
Non, l’ambition n’est pas proportionnelle au nombre d’attaquants ou de latéraux présents sur le terrain. Ce serait trop simple. Si Deschamps alignait Giroud, Gomis, Benzema, Ménez et Ribéry ensemble, parlerait-on de héros romantique à la philosophie de jeu fabuleuse ? Ou alors d’incompétent ? Tâchons d’éviter les étiquettes : faire jouer Réveillère et Debuchy ensemble ne devrait pas être le symbole du manque d’audace de Blanc. Ce soir, l’ambition des Bleus sera mesurable aux mouvements de Benzema et à sa capacité à réaliser des appels tranchants après ses déviations au milieu. Fort heureusement, il ne sera pas seul. On espérera aussi voir Matuidi et Cabaye se lancer directement vers l’avant après la récupération. Comme référence, les milieux bleus pourront s’inspirer des mouvements de Nocerino et Zlatan au Camp Nou en Champions League la saison dernière. Il faudra espérer voir les Bleus proposer des solutions devant Benzema, où Ménez jouera un rôle primordial.
Le faux débat du « faux 9 » espagnol
Depuis la préparation de l’Euro en mai, le débat est toujours le même en Espagne. Del Bosque choisira-t-il l’option 9 ou l’option « faux 9 » ? Torres, Pedro ou Fàbregas ? Alonso décrit l’affaire : « Si l’on joue avec un attaquant qui vit dans la surface, on a une référence, tandis que si l’on joue avec un joueur ayant plus de mobilité, cela nous donne des alternatives. » Une question importante, donc ? L’intervention de Cesc dans la presse cette semaine a quelque peu ramené les journalistes à leurs analyses tactiques : « Il faut relativiser cette histoire de faux 9. Quand le Mister me place en position de 9, en fait j’essaye de jouer comme un vrai 9. » Un faux débat, donc ?
La réalité est que la Roja ne se pose plus aucune véritable interrogation tactique, tant le modèle est efficace depuis plus de quatre ans, et ce, indépendamment des hommes utilisés. Avec Alonso-Busquets ou avec le seul Alonso, avec une pointe ou non, avec trois défenseurs ou quatre. Face à une charnière française physique et rapide, Del Bosque devrait logiquement choisir la forme et l’explosivité de Pedro, malgré le retour de Torres au Calderón. Pour les Bleus, l’essentiel sera de respirer au maximum et de jouer leurs coups à fond. Affronter cette grandissime équipe d’Espagne pourrait être un tournant majeur, pour peut-être enfin se construire une identité, créer un vécu positif et obtenir un début de confiance collective.
Par Markus Kaufmann
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