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Les cinq prochains black-out de Christoph Kramer
Après avoir demandé à l'arbitre s'il était bien en train de disputer la finale de la Coupe du monde, le milieu allemand a récidivé ce week-end dans la perte d'esprit en marquant un somptueux but contre son camp de 45 mètres. De quoi anticiper ses prochaines absences.
14 décembre – Match contre le Bayer Leverkusen
Hans, son facétieux voisin, a encore frappé : il a rempli la benne de son pick-up de fumier. Heureusement, il n’a pas visé l’habitacle, ce qui aurait été vraiment pénible, le purin s’empreignant dans les sièges. Mais alors qu’il se dirige vers la grange pour attraper une fourche, un cheval de trait lui fonce dessus. Christoph parvient à éviter l’impact en accélérant. Sauf qu’un deuxième canasson entre en piste, plus pur-sang cette fois. Pas d’issue apparemment. Il va se faire piétiner, par l’un ou par l’autre. Pourtant, une corde accrochée au ciel apparaît, dont il se sert pour sauter au moment de l’impact. Pour survivre, Christoph alterne donc course et saut. Après cinq minutes de poursuite, le bourrin se transforme finalement en amour de jeunesse, une petite brune toute mimi de sa Grundschule. Christoph la prend dans ses bras, et celle-ci l’informe qu’elle aurait été prête à lui croquer la tête sous sa forme chevaline. Christoph se réveille enfin : le match contre Leverkusen, club auquel il appartient, vient de se terminer. Dans ses bras, Gonzalo Castro, avec qui il a été formé et qui l’a poursuivi tout l’après-midi, sans succès. Ses remontées de balle ont été précieuses, et son jeu de tête de qualité. Par contre, Christoph ne trouve pas d’explication au fumier.
Nuit du 31 décembre au 1er janvier
Christoph a mangé trop de Sauerkraut, Ratsherrentopf, de Schwarzwald, bu trop d’Ayinger et s’est fini à la Zwetschgenwasser. Sa tête est lourde, son corps engourdi, sa vision floue. Par miracle, il se glisse jusqu’à un lit. Lequel, il ne sait pas vraiment, mais l’important est d’y arriver. En plus, par chance (ou par manque, dépendant du point de vue), celui-ci est inoccupé. Christoph sombre. Cette fois, pas de rêve lucide. Son sommeil est profond, et long, normal pour un castor comme lui. Les rayons du soleil filtrant à travers les volets le sortent de l’hibernation. Passant la main sous l’oreiller, il retrouve son téléphone. Comme tous les hommes ivres, il a envoyé des bouteilles à la mer. Mais déjà bien loti dans le domaine amoureux, il a lui cherché un nouveau port d’attache. Logique en même temps : être titulaire en finale de Coupe du monde, certes pour seulement quelques minutes, et être quand même prêté comme un vulgaire Jordan Ayew, c’est dur. Et comme le destin aime ses favoris, tous veulent de lui : le Bayern bien sûr, par principe, le Real pour son quota d’Allemands, le Napoli par nécessité, l’Inter par principe, et Arsenal, plutôt habitué aux bons qu’aux mauvais souvenirs, pour remplir le vide.
Soirée du 7 janvier
Profitant de la trêve hivernale, Christoph réfléchit à son avenir. Et décide de regarder des matchs de ses différents courtisans pour se faire une idée. Alors que Flamini tacle dans le vide, Christoph se sent partir. Lorsqu’il rentre chez lui pour annoncer à sa femme Joanna qu’il a une bonne nouvelle, celle-ci lui apprend qu’elle le quitte. Prétextant qu’elle a besoin de se trouver, elle lui laisse le soin d’élever leur fils Billy tout seul, et part pour New York. Au début, Billy et son père ne s’entendent pas très bien. Ce dernier n’a plus autant de temps à consacrer à son travail, et l’amour de sa mère manque à Billy. Mais au fil du temps, ils finissent par s’entendre, et à développer une vraie relation. Joanna finit pourtant par rentrer de son trip de hippie, et réclame la garde légale de son fils. Le procès est particulièrement dur, mais Kramer n’en connaîtra jamais la fin. Le sifflet de l’arbitre vient de le ramener dans son corps : Flamini est expulsé. Arsenal est rayé de la liste des prétendants.
Journée du 14 janvier
Il est six heures au clocher de l’église. Dans le square, les fleurs poétisent. Une fille va sortir de la mairie ? Comme chaque soir, Christoph l’attend. Elle lui sourit. Il faudrait qu’il lui parle. À tout prix. Parler lui semble ridicule. Il s’élance et puis recule, devant une phrase inutile, qui briserait l’instant fragile d’une rencontre. Il revient par le train de nuit. Sur le quai, il la voit, qui lui sourit. Il faudra bien qu’elle comprenne. À tout prix. Dans le train, Christophe reçoit un mot de José Mourinho, qui connaît la chanson. Pas besoin de protocole, un long discours futile ternirait quelque peu le style. Il voit un signe. Le lendemain, Chelsea propose la modique somme de 45 millions d’euros à Leverkusen. À tout prix.
Matinée du 17 janvier
Les négociations ont été rapides. Mönchengladbach a bien tout tenté pour faire valoir ses droits, mais le Bayer était trop heureux d’encaisser autant d’argent, peu importe la manière. On parle quand même d’une firme pharmaceutique qui aurait vendu du sang contaminé par le HIV. Christoph arrive à Londres en grande pompe. Tout se passe comme sur des roulettes, et puis patatra. À la visite médicale, le staff médical des Blues découvre qu’il souffre d’ictus amnésique. Les récidives sont normalement rares, mais suffisamment fréquentes chez Kramer pour que José annule le transfert, ne voulant pas prendre le risque d’encaisser de superbes csc. Évidemment, le Bayer connaissait la condition de Kramer, mais avait choisi de garder les résultats secrets, comme souvent avec eux. Alors Christoph a crié, crié pour revenir à Mönchengladbach, et a pleuré, pleuré, il avait trop de peine. Par chance, Lucien Favre connaît ses classiques, et lui dit avec les yeux, ce qu’il faut pour le rendre heureux.
Par Charles Alf Lafon