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Les cinq commandements du match d’ouverture

Par Mathieu Rollinger
6 minutes
Les cinq commandements du match d’ouverture

En quatorze participations à Coupe du monde, la France a donc disputé quatorze matchs inauguraux. Logique. Avec au bout du compte un bilan de six victoires, trois nuls et cinq défaites. Des précédents qui permettent aujourd’hui de savoir, avant de rencontrer l’Australie, comment réussir son entrée dans la compétition.

Désacraliser l’événement Les Français ont cette fascination de rester « À jamais les premiers » . Alors quand il s’agit de l’ouverture des ouvertures en 1930 et dans la froideur de Montevideo, les Bleus sont servis. Face au Mexique, ils jouent le premier match de l’histoire de la Coupe du monde (avec le Belgique–États-Unis programmé à la même heure), Lucien Laurent signe le premier but, Ernest Libérati la première passe décisive et André Maschinot le premier doublé. 4-1, la France a fait le boulot. Pourtant, ces Bleus ne s’emballent pas, à l’image de Lucien Laurent qui avait du mal à se rendre compte de la portée de la performance. « Quand j’ai marqué ce but, j’ai eu une joie simple, celle d’un buteur normal avec ses coéquipiers. On a dû tout juste s’embrasser ou se taper dans la main avant de reprendre le jeu. Sur le coup, je ne me suis même pas posé la question de savoir si c’était le premier but du Mondial. Je n’ai pas réalisé. » Une modestie justifiée puisqu’ils se feront ensuite rouler par la roublardise des Argentins et l’amateurisme de l’arbitre (sifflant la fin du match six minutes trop tôt), avant d’être éliminés par le Chili. Les premiers à rentrer à la maison ? Pas de regrets, tout le monde sait que la partie la plus marrante de ce voyage était la croisière sur l’Atlantique avec les Belges et les Roumains. Mais si ce samedi, Antoine Griezmann inscrit le premier triplé de la compétition, celui-ci n’aura aucune saveur si les Bleus sont font sortir une semaine plus tard par le Danemark.

Se débarrasser rapidement de la pression Comme en haut d’un plongeoir, le plus dur est de se lancer. Et s’il ne faut pas se jeter la tête la première, il n’y a rien de pire que de laisser s’éterniser le doute, que ce soit au cours de la partie inaugurale ou, pire, dans une compétition. Chose évitée en 1938, à domicile, quand les Français ont su plier l’affaire en un quart d’heure face à la Belgique : un pion de Veinante à la première minute, suivi de Nicolas. Les sympathiques voisins ne nous rattraperont plus (3-1). Même topo pour 1998 : Aimé Jacquet et ses 22, n’ayant pas les faveurs du grand public ou des médias avant la compétition, se sont fait la main sur l’Afrique du Sud (3-0) pour gagner du temps avant de conquérir définitivement tout un pays. Ce précepte est également valable sur le plan individuel, puisque certains ont pu utiliser le premier round pour montrer ce qu’ils avaient dans le sac. Au Brésil, c’est Karim Benzema qui avait profité d’un faible, mais coriace Honduras pour rassurer tout le monde en plantant un quasi-triplé (le troisième étant attribué au gardien central-américain). Paul, c’est ton moment.


Ne pas se faire dépasser par les événements En 1934 en Italie, les Bleus ont cumulé plusieurs facteurs qui ont tronqué leur Mondial. À cette époque : pas de phase de poules, mais directement des matchs à élimination directe, un Mussolini qui observe son Mondial avec des yeux avides, pas de remplacement possible pour un défenseur qui, comme Nicolas, joue tout le match après une commotion cérébrale, des arbitres qui ne sifflent pas les hors-jeu et enfin une Autriche surpuissante (2-3). La France a résisté, jusqu’à la prolongation, mais les éléments contraires étaient trop forts pour réussir à éliminer la Wunderteam. Idem en 1978 en Argentine, où dans des conditions houleuses (tentative d’enlèvement de Michel Hidalgo, affaire des chaussures Adidas, réticences à disputer le Mondial du général Videla), le but précoce de Bernard Lacombe n’aura pas suffi pour se libérer, puisque les Bleus s’inclineront contre l’Italie (1-2), avant de sortir au premier tour. Un conseil à nos Bleus : vous ne réglerez pas les conflits internationaux ce mois-ci, faites donc abstraction de Vladimir Poutine, vous avez un match à gagner. Rien de plus.

Avoir conscience qu’une contre-performance n’est pas rédhibitoire Pas de mauvaise foi : on est toujours plus à l’aise en se mettant tout de suite trois points dans la poche. Plusieurs exemples ont montré que trébucher sur la première marche n’annonçait pas forcément de grandes choses pour la suite. La défaite surprise face à la Yougoslavie (0-1) en 1954, malgré le statut de tête de série, ou le nul poussif contre le Mexique (1-1) en 1966 chez les voisins anglais, peuvent en attester puisqu’ils ont plombé une équipe de France qui était alors dans le creux de la vague. Résultat, deux retours à Paris à la fin de la phase de poules. Toujours dans le volet « moment noir de l’histoire » : le nul ignoble face à l’Uruguay en 2010 a été annonciateur du fiasco de Knysna. Avoir tout ça en tête est nécessaire, mais il faut aussi se souvenir que la France a accompli certains de ses plus beaux parcours en commençant mal sa compétition : la défaite face à l’Angleterre en 1982 (1-3) n’a pas empêché Battiston d’aller se prendre un Schumacher dans les dents en demi-finales, tout comme le score nul et vierge face à la Suisse en 2006 qui, après avoir inquiété, s’est avéré anecdotique puisque Zidane et les siens ont su assurer le minimum en poule avant de sortir le grand jeu à partir des huitièmes. On ne le dira jamais assez : rien ne sert de courir, il faut partir à point.


Ne pas se voir trop beau À la simple lecture de cette injonction, une image devrait resurgir immédiatement : Sénégal 2002. Champions du monde et d’Europe en titre, une deuxième étoile déjà brodée sur le maillot avant d’avoir commencé, une chanson de Johnny et un match face à des joueurs pour la plupart pensionnaires de Ligue 1, les Bleus de Roger Lemerre sont partis en Corée la fleur au fusil avant de se faire cueillir. Le péché d’orgueil ultime. Alors quand un adversaire supposément abordable se présente, comme l’Australie cette fois-ci, mieux vaut s’inspirer des promotions 1958 et 1986, qui ont toutes deux terminé sur le podium après avoir assuré face à une petite nation. En Suède, Kopa, Fontaine et Piantoni ont lâché les chevaux pour infliger une défaite cinglante au Paraguay (7-3). Solide et nécessaire pour s’offrir le droit d’aller mourir les armes à la main en demies face au Brésil de Pelé, Garrincha et Vavá. Pas d’orgie offensive au Mexique pour la bande à Platoche, mais une victoire aussi timide qu’essentielle face au petit Canada (1-0). Comme quoi, il n’y a pas besoin de faire d’esbroufe quand on ambitionne d’atteindre le carré final. C’est noté ?

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