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Les choses sérieuses

Par Thibaud Leplat
5 minutes
Les choses sérieuses

On y est. Après avoir subi le premier match de tout le monde, l'histoire peut reprendre le dessus. Le deuxième acte est toujours le plus important. Parce que c'est celui qui ne pardonne pas.

Fin du premier acte. L’exposition est terminée. Les protagonistes de la pièce qui va se dérouler devant nos yeux nous ont tous été présentés. Il est temps maintenant pour eux de partir à la conquête de leur destin épique. Les spectateurs ont retenu les prestations remarquables de ceux qui ont le mieux démarré comme la Hollande, l’Italie ou la France. Ceux-là ne devraient pas être inquiétés pendant une petite semaine et pourront prolonger ainsi le moratoire sur l’esprit critique décrété par leurs médias nationaux respectifs. Personne ne viendra douter ni de leur entraîneur, ni de leur attaquant, ni de leur bonne volonté, pourvu qu’ils entretiennent le mythe d’une qualification exemplaire. C’est ainsi que la défense à 5 hollandaise est devenue la dernière hype tactique et le milieu à 3 créateurs italiens la nouvelle raison de vivre de l’autre côté des Alpes. C’est le moment où Chauvin regarde son équipe en se lançant des « Eden Hazard ? S’il continue comme ça, il sera en course pour le Ballon d’or » , des « Robben ? J’ai toujours pensé qu’il était dans les 10 meilleurs mondiaux » et puis aussi des « Benzema ? Il mouille le maillot, ça fait plaisir sérieux. »

Le style coréen

Mais pour d’autres, le calvaire commence. Ceux qui ne s’endormirent pas plus de cinq minutes devant Russie-Corée du Sud hier soir savent à qui l’on pense. Ces hommes ont des noms étranges et leur seule gaieté réside dans le potentiel de calembours que leurs patronymes réservent. Yong Lee, Chu-young Park, Heung-min Son, Ja-cheol Koo ou Kook-young Han firent ce qu’ils purent, ce qui était déjà énorme. Car trois matchs, c’est très long quand on s’échine à « développer une tactique de style coréen » (dixit leur entraîneur Hong Myung-bo, héros de leur Mondial en 2002). Devant pareille ambition, notre complexe ethnocentrique européen ne peut que se réveiller et se demander à quoi peut bien ressembler un tel football si ce n’est à un troupeau de types aux physiques dégingandés, tantôt blonds, tantôt roux, courant dans tous les sens au mépris de toute rationalité et dont la seule récompense digne de cette exigence semble être celle de l’épuisement physique.

Ainsi, pour bien montrer leur bienveillance et se faire pardonner leur ignorance à l’égard de la culture foot coréenne, les commentaires espagnols invitèrent hier soir à leurs côtés un journaliste coréen. Sans doute pensaient-ils qu’un tel reporter nous délivrerait les secrets de cette culture millénaire et transformerait ces 90 minutes de souffrance télévisuelle en une allégorie émouvante du destin héroïque et exemplaire de la nation coréenne. Mais le Mondial est un phénomène beaucoup trop universel pour se fondre dans le relativisme culturel. On aura beau dire tout ce qu’on veut : à Séoul comme à Madrid, soit on joue bien, soit on joue mal. Et les Coréens jouaient vraiment mal. Alors, trop conscient du fossé footballistique qui sépare ibériques et asiatiques, notre reporter venu de Séoul tâcha donc de ménager le complexe de supériorité du téléspectateur européen en regrettant plusieurs fois à l’antenne « la docilité » de ses compatriotes à l’égard de l’arbitre argentin. Il aurait bien aimé qu’ils se hissent à la hauteur des vices occidentaux et fassent preuve d’un peu plus de « mauvaise foi » , qualité toute européenne qu’il imaginait être le préalable nécessaire à un exploit sportif. Cette leçon d’ethnologie se conclut donc par un douloureux constat : les Coréens sont des bosseurs et, en plus, ils ne se plaignent jamais. On aurait dû s’en douter. Tristes topiques.

La deuxième saison

Les Coréens ne sont pas les seuls à risquer leur vie pendant ce Mondial. Regarder absolument tous les matchs comportent non seulement des risques pour la santé physique (voir ce chinois qui mourut d’épuisement dès la fin de la deuxième journée), mais aussi mentale. Le moment arrivera bientôt où on mélangera tout : Pirlo deviendra mexicain, De Bruyne coréen, la Belgique aura gagné son premier match sans forcer contre l’Équateur et Mathieu Valbuena sera le prochain meneur de jeu du Milan AC. Dans quelques jours, on aura déjà oublié que dans ce Mondial brésilien, un bras tendu et une chute dans la surface était récompensé d’un pénalty. Non, le Brésil n’avait pas été favorisé par les arbitres durant ce premier tour. Et sinon, regardez donc Götze contre le Portugal, Pogba contre Honduras ou Feghouli contre la Belgique. Le premier acte était si équilibré que chacun des personnages eut le droit à son petit cadeau et à sa récréation.

Ouf. Il était temps que ce conte philosophique sur la relativité de la justice en contexte hostile finisse enfin et que la compétition reprenne la main sur les bons sentiments. Avec ce Brésil-Mexique, premier match du deuxième acte, les choses sérieuses ont enfin commencé. Pas de but, le premier carton à la 44e minute (Ramires), et pas de prime au plongeon dans les surfaces. Le deuxième match au Mondial – comme le deuxième acte au théâtre ou la deuxième saison dans les séries de HBO – est toujours le plus intéressant parce que c’est le moment où le héros doit sortir de sa réserve pour entamer son voyage, sa quête, sa vengeance. C’est le moment où les masques tombent. Celui qu’on pensait être gentil devient méchant et celui qu’on pensait invincible devient vulnérable. Le deuxième match est celui qui condamne et ne pardonne pas. Même à l’Espagne ? Même à l’Espagne. Vivement ce soir.

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Par Thibaud Leplat

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